« Si l’écho de leurs voix faiblit, nous périrons. »

Paul Eluard

A une heure où le négationnisme n’a jamais été aussi virulent, il est grand temps que s’élève en chacun de nous la conscience éternelle et sacrée de l’Histoire profanée. Qu’enfin, espère-t-on, se flétrisse à jamais le ventre fécond de la bête immonde. Qu’en est-il en vérité de ce serment fait au peuple de la Shoah, pour que le monde ne voie plus jamais ça ? Et le Cambodge, la Bosnie, le Rwanda ?

Le devoir de mémoire tel un kleenex usagé, est jeté aux confins des litanies putrides de quelques écervelés. Pharamineux sortilèges que ceux-là, que ces mots prononcés, incompris, mal aimés, oubliés, qui ont nom liberté, sacrifice et patrie. Pour quelles obscures raisons, ces noms là, comme parqués dans on ne sait trop quel camp d’extermination éthique, disparurent sans effets et sans bruit, petit à petit, de nos vocabulaires intimes, de nos philosophies propitiatoires, comme brûlés en holocauste sur le bûcher de nos vanités ? Étaient-ils si bavards ou si barbares qu’on dût exorciser jusqu’à même le semblant de leurs ombres, jusqu’à la transparence laiteuse de leurs primitifs échos ?

En 1929, Hitler écrivait à Goebbels : « Lorsque la propagande a empli tout un peuple d’une idée, l’organisation peut en tirer la conséquence avec une poignée d’hommes. » Aujourd’hui l’homonculus hitlerianus, croît et prospère sans gêne ni ennuis, à l’abri des lois, à l’abri des croix. Sur Internet, dans les revues, les radios, les chansons, la fantomatique sérénade du kapo lobotomise les ménagères de moins de 50 ans et toute leur famille, pour que Sobibor rime avec Bachelor.

« Seule la parfaite illusion d’un temps fragmenté nous permet de croire que l’éternel combat que se livrent les deux principes opposés ne fait saillie que dans les moments dramatiques de l’Histoire de l’Humanité. Nous sommes – en réalité – entretenus en constante permanence au sein de cette vibration. »

Voici ce que nous écrivions il y a peu, dans l’un de nos articles. De ce temps-là, décrivons encore aujourd’hui la vérité symbolique, cryptographique et mystagogique, puisqu’il n’est autre, faut-il le dire, qu’un temps plié, refermé et lové, et ce afin d’encercler dans un vortex d’images assoiffées nos regards altérés. A rebours, le temps des croisades mendie son obole en un ultime hommage aux meutes décharnées.

Quid de la Jihad quand Dieu bénit l’Amérique ?, répondent en chœur aux louanges célestes les squelettiques pantins zébrés en fulgurantes blancheurs, leurs membres agglutinés soulignant encore à qui veut bien entendre que l’histoire à remonter le temps accélère au point final la chute d’une humanité sans voix, débris d’humanité servile dévouée aux démons du passé. D’un antéchrist en ces temps de pléthore faisons-en deux.

Aussi, répondre à la violence par la haine serait à considérer comme une insulte faite aux victimes, mais répondre au négationnisme par l’indifférence resterait une faute. Impardonnable. Croyons alors, si cela est encore possible, qu’il n’y a pas de passé mort et ressuscitons, ensemble, les consciences, pour apprendre à nos enfants que le devoir de mémoire ne concerne pas seulement soi-même, mais en vérité la décadence de la civilisation tout entière. Ainsi, au son de l’olifant, le devoir de mémoire sera devenu étendard et parfum d’encens, épée damasquinée et rose d’Ispahan, à l’empirée de nos destinées.

Thierry E Garnier – © La LdThot, février 2005.