D’Hergé à Tintin… De Thot Hermès à Tryphon Tournesol ! La Lettre de Thot vous propose ce mois-ci une enquête inédite des RG ? Mais non ! … de Bertrand Portevin pour le centenaire de la naissance de Georges Rémi. Un texte érudit et décalé à consulter en deux temps et sans modération… Et je dirais même plus… sans modération ! Mille sabords !

Arcadia – Janvier 2008

Un reporter au XXe siècle

1907-2007 c’est le centenaire de la naissance d’Hergé qui vient juste de s’achever, le créateur des aventures de Tintin le petit reporter du vingtième siècle. Il est temps d’oser regarder l’œuvre avec l’œil classique, celui d’un jeune de 22 ans (Tintin est né en 1929) sortant de faire ses humanités. En effet, si le corpus des 22 albums en couleurs, les seuls revendiqués comme son œuvre définitive par leur créateur, a fait l’objet de diverses analyses, graphiques, historiques, sociologiques et psychanalytiques, force est de constater que les influences pourtant connues et avouées par l’auteur ont été négligées. Signe des temps ? On ne lit plus guère les grands classiques de la littérature grecque, quel dommage ! Ils nous auraient aidé à réaliser pourquoi les albums de Tintin et Milou se vendent toujours et dans le monde entier, traduits en plus de 80 langues.

En cette année symbolique, je me réjouis de réécrire pour la Lettre de Thot un hommage au grand dieu du savoir. Nul n’ignore qu’il prit la défroque d’Hermès lorsqu’il fut lui aussi « traduit » en grec, mais peu savent qu’il prit le nom de Tournesol, Tryphon Tournesol dans les pages des albums signés Hergé.

De son vrai nom Georges Remi, ce génie de la BD inversa ses initiales pour pseudonyme auxquelles il adjoint le « H » majuscule de l’Hermétisme. Il n’est que de s’intéresser à l’homme pour découvrir qu’outre une passion pour les mythologies, celui-ci nourrissait une curiosité constante pour les « sciences » négligées par « La » science : confiant dans l’astrologie, il consultait voyants et voyantes et se faisait tirer les cartes du Tarot de Marseille (son épouse Germaine ne quittait pas un jeu de ces cartes divinatoires y compris pour passer à table…), curieux d’alchimie, il devint taoïste à la fin de sa vie. Avec ces atouts en main, s’explique alors mieux que, chez Hergé, les cordes magiques se dressent, que l’hypnose nous paraisse aller de soi, que la voyance soit banalisée, que l’envoûtement à distance puisse être efficient, que la lévitation soit une réalité et que les extraterrestres se promènent à leur aise. Ceci ne concerne que quelques lignes des meilleures biographies, c’est dommage… Car pour le curieux, faire coïncider les dates des aventures avec le zodiaque, les différents albums avec les 22 arcanes majeurs du Tarot est un régal, entre autres exercices spirituels…

À l’ombre de Thot…

Pour l’heure, visitons ensemble les mythes grecs et notre Hermès-Thot alias Tryphon Tournesol. Il fait son apparition dans Le Trésor de Rackham Le Rouge, un mercredi, jour de Mercure-Hermès, coiffé du pétase, le couvre chef impossible à confondre dudit dieu; la précision est telle, sous la plume d’Hergé, qu’il confère dès sa naissance à son héros les deux coiffures caractéristiques données par le dictionnaire Larousse du XXe siècle (la référence pour Hergé) : le pétase et le béret. L’habit sera bien sûr d’émeraude, car nous savons que les Grecs surnommaient ce bétyle : pierre d’Hermès… Si le manteau maxi que lui dessine Hergé participe de son allure ridicule jusque sous les tropiques, il ne doit pas étonner le lecteur perspicace qui aura reconnu le manteau des voyageurs, celui qui descend sous le genou et attribut du dieu grec.

La statuaire classique lui réserve la barbe pointue quand il est sculpté dans la force de l’âge, et Tryphon arborera cet insigne. Il ne lui manquerait que le caducée en main, ce sera chose faite avec le parapluie dont le professeur ne se sépare jamais et dont la toile n’est jamais ouverte (1), serpentant autour du manche.

Voici pour l’aspect extérieur.

Voyons si les fonctions sont aussi compatibles ?

Le croirez-vous : elles le sont au-delà de tout ce que l’on pourrait imaginer. Dieu des inventions, maître des sciences chez les hellènes ? Il a tout inventé chez Hergé : du gazogène au lit vertical, en passant par la brosse à habits et le sous-marin.

Père de l’astronomie chez Homère ?

Il est l’inventeur de la fusée lunaire pour les lecteurs de 7 à 77 ans…

(à suivre…)

Hergé de profil (1) // par Bertrand Portevin © // exclusivité pour la LdT – Janvier 08

(1) Sauf une fois, mais où ?…

A suivre, plus bas, Hergé de profil (2)

Le professeur Tryphon Tournesol
Cryptographies Zermétiques

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Bertrand Portevin pour la LdT //

Curriculum vite fait…

Je suis né le 11 janvier 1957 à Turin. Élève des sœurs puis des pères jésuites, louveteau puis scout, enfin médecin de campagne par vocation, j’exerce à quelques kilomètres de Cheverny. Marié, père de trois enfants, je suis, outre Hergé et sa famille de papier, passionné de casse-têtes mathématiques et géométriques. Je fais partie d’un club international qui se retrouve annuellement soit aux Etats-Unis, soit au Japon, soit en Europe pour échanger et partager, résoudre des énigmes, se défier à l’art logique. Médecine et mathématiques, deux univers très scientifiques m’ont cependant appris à voir et chercher au-delà des apparences où souvent se blottit une autre vérité. Initié à la tintinologie par un oncle jésuite, j’ai joué avec Tintin jusqu’à la lecture de Serge Tisseron. De tintinophile, je suis devenu Hergéphile et n’ai plus eu de cesse, depuis, de chercher à approcher l’homme au plus près. Chaque aveu du maître ès bandes dessinées m’oblige à suivre sa voie : cite-t-il le moindre ouvrage, je me dois de le lire ! Aussi ce diable d’homme m’a-t-il contraint à me plonger dans un univers inconnu et à refaire tout mon apprentissage classique. Latiniste, j’ai dû apprendre à lire le Grec, cartésien, j’ai dû me plier à l’étude des tarots et de l’astrologie, catholique à la sauce catéchisme, j’ai dû lire La Bible, le crayon à la main, Jean Sendy dans l’autre, sans omettre les philosophes taoïstes et Le Coran. Biochimiste pratiquant, j’ai fait connaissance avec l’alchimie, habitué du secret, j’ai eu la chance d’en partager mille et un nouveaux. Finalement, de découverte en découverte, la chasse aux trésors avec Hergé m’a conduit à écrire Le monde inconnu d’Hergé en 2001, et Le démon inconnu d’Hergé en 2004, tous deux parus aux éditions Dervy. Désormais le tome III est déjà dans ma tête et pourrait s’intituler : Hergé et le Christ Roi.

A voir aussi le site http://www.lesamisdeherge.com/

La revue semestrielle des « Amis de Hergé »

C’est un mine pour les curieux de tous bords…