I – « Alchimiques Mémoires – Les Disciples d’Eugène CANSELIET. »

Après la « voie du Cinabre » brillamment exposée précédemment par Patrick Lebar dans nos « Chroniques de Mars » No 2, c’est la voie de l’Antimoine, telle que prônée par Fulcanelli et son savant continuateur Eugène Canseliet que nous allons évoquer ce mois-ci. Les disciples authentiques d’Eugène Canseliet, de ceux qui entrèrent réellement et longuement dans la demeure de Savignies, qui connurent intimement les proches, madame Canseliet et les enfants, et eurent, pour ceux qui sont encore des nôtres, la confiance et l’oreille attentive du Maître, ceux-là se comptent aujourd’hui sur les doigts d’une main. Trois d’entre eux, des opératifs émérites, ont bien voulu nous accorder leurs témoignages directs, interviews, photographies et documents d’archives pour nos investigations relatives à l’Histoire de l’Alchimie du XXe siècle. Après R. Bourguignon, qui nous a confié précédemment en gage d’amitié, et en photographies, le fruit de ses recherches de qualité, dont bon nombre de ces études alchimiques furent validées par Canseliet lui-même (1), le second témoin, pour ces nouvelles « Chroniques de Mars » est un autre compagnon de route, extrêmement discret et fort éloigné du décorum très agité de l’Alchimie contemporaine, en la personne de Bernard Chauvière – alchimiste de grand talent, que nous présentons ce jour à nos lecteurs pour quelques confidences aussi salubres que bienvenues sur la Tradition alchimique.

Les Chroniques de Mars No 8 – avril 2012.

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omnia ab uno et in unum omnia

Pour les anciens amis et opératifs, aujourd’hui disparus, il nous faut citer pour les plus représentatifs et certains d’entre-eux furent de vrais collaborateurs de Canseliet : Bernard Husson, Jean Laplace, Daniel Dupuy, Paolo Lucarelli, Charles d’Hooghvorst, Guy Béatrice ; d’autres, proches de Canseliet dans les années 1950, sont restés totalement anonymes et inconnus du grand public, comme le docteur. F., dans le sud de la France, Fr. Albertus, au Canada, ou Georges Flachaire, dont parle Canseliet dans Alchimie expliquée sur ses textes classiques, personnage hors du commun vivant au Venezuela, il fut pilote d’aéroplane durant la guerre de 1914, marié à une princesse russe, il fut chimiste en parfumerie et eut des liens étroits et une correspondance fournie avec Eugène Canseliet.

(1) Voir de R. Bourguignon les « Chroniques » 6 & 7, et l’aperçu sur Daniel Dupuy (1930-1975).

ENTRETIEN avec Bernard CHAUVIÈRE pour les Chroniques de MARS

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Les Chroniques de Mars // Bernard Chauvière pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs qui ne vous connaissent pas ? Quel est votre parcours personnel et dans quelles circonstances avez-vous rencontré Eugène Canseliet ?

Bernard Chauvière // J’ai pris contact avec l’Alchimie à l’age de 17 ans en lisant le Matin des Magiciens de Louis Pauwels et Jacques Bergier. Il y avait tout un chapitre consacré à l’Alchimie, tout de suite je me suis senti en terrain de connaissance, alors que je ne connaissais absolument pas le sujet ! Ensuite j’ai lu les ouvrages de Fulcanelli puis ceux d’Eugène Canseliet avant d’aborder les traités anciens. En 1975, j’ai écrit à Eugène Canseliet en lui faisant part de mon attirance envers la Science d’Hermès et de mon désir de travailler au laboratoire. Il m’a répondu un an plus tard, s’excusant du retard, en m’écrivant notamment : « le désir impérieux d’œuvrer est une grâce, soyez-en assuré, c’est pourquoi en effet, il serait bon que nous nous vissions.

« Par la suite s’est établi un contact régulier, épistolaire, téléphonique, ainsi que des visites à Savignies…

Les Chroniques de Mars // Au titre du témoignage personnel, pouvez-vous nous parler un peu d’Eugène Canseliet ? Quel homme était-il dans l’intimité ? Le Maître, je crois que l’on peut conserver ce qualificatif, a beaucoup écrit et laissé une œuvre considérable pour ses contemporains, œuvre qui a permit de revivifier considérablement l’Alchimie du XXe et de ce début de XXIe siècle. Quel est l’apport personnel de Canseliet dans un tel contexte, peut-on le cerner ? Par ailleurs, c’est à l’aune des tous ces écrits qui sont le prolongement direct de ceux de Fulcanelli bien sûr, que se poursuit la recherche actuelle…Néanmoins, en tant que témoin de la Tradition, que ce soit au plan des textes ou dans les relations que vous avez eues avec Canseliet, vous a-t-il semblé suffisamment « charitable », au plan de l’Alchimie s’entend ? Ainsi pour parler d’Alchimie spirituelle et d’Alchimie opérative, Canseliet vous était apparu peut être un peu « contradictoire »… Comme vous me l’aviez signalé dans l’une de nos communications antérieures, Canseliet pensait à un moment donné que quel que soit le degré d’évolution de l’opérateur, si ce dernier connaissait parfaitement et de bout en bout le Modus Operandi, il pouvait parfaitement réussir le Grand Œuvre jusqu’à sa phase ultime, c’est bien cela ?

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Bernard Chauvière // Eugène Canseliet lors de mes visites me recevait ainsi que madame Canseliet, avec gentillesse, amabilité, c’était un homme avec lequel on pouvait parler de beaucoup de sujets autres que l’Alchimie, littérature bien sûr, mais aussi cinéma, même sport, il était au courant de tout.

Ce n’était pas l’alchimiste dénigrant à qui mieux mieux, de son « patelin », comme certains ont voulu le faire croire. Quant à l’Alchimie il vous répondait en fonction de vos connaissances. Si vous lui parliez chimie, il vous répondait chimie, si vous lui parliez alchimie, il vous répondait alchimie… Eugène Canseliet était un partisan farouche de la Tradition et de l’obédience alchimique, l’Alchimie propose, le disciple doit faire l’effort disait-il. Il était charitable, mais sans doute envieux aussi, comme tous les Maîtres. Lors d’une conversation que nous avons eue concernant l’observation et le respect du secret, il est resté très prudent en me disant qu’après tout on n’était pas absolument sûr qu’un indigne qui connaitrait parfaitement le processus alchimique au laboratoire ne puisse pas arriver au bout, car a-t-il ajouté, si « tout est bien en place, l’Œuvre s’accomplit ». Il n’est pas bon de tout dire, mentionnait-il.

3--_2.jpg Les Chroniques de Mars // Bernard Chauvière, votre pratique de l’Alchimie opérative vous a conduit à vous spécialiser dans la voie de l’antimoine, telle que Fulcanelli ou Canseliet la préconisait. Un des aspects essentiels sur lequel on peut particulièrement s’interroger concernant la pratique alchimique et sur lequel votre éclairage apparaît déterminant, concerne le dépôt « visible » laissé en propre par Fulcanelli et son disciple Canseliet, à travers les ouvrages que nous connaissons – et ne perdons pas de vue que nous ne les connaissons pas tous puisque, par exemple, nul ne sait ce que contenait vraiment – « le Finis », n’est-ce pas… ? Indépendamment de l’aspect stylistique et littéraire, selon vous, existe-t-il des différences notables et caractéristiques, dans le mode opératoire exprimé dans le corpus fulcanellien : « les Cathédrales » et les « Demeures » et les textes de Canseliet lui-même ?

Bernard Chauvière // C’est évidemment le même fil qui relie les ouvrages de Fulcanelli et d’Eugène Canseliet, c’est une lapalissade que de le dire !

Il était son disciple et a vu travailler Fulcanelli… Il y a cependant quelques différences, mais je pense que, même en œuvrant sur des matériaux identiques, chaque alchimiste a son propre vécu, son propre ressenti qui peuvent conduire à quelques manières d’opérer particulières. Mais cela, à mes yeux, ne représente pas une divergence fondamentalement importante.

Le mode opératoire d’Eugène Canseliet est le même que celui de Fulcanelli et celui de Fulcanelli le même que celui de Cyliani… et ainsi de suite…

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Les Chroniques de Mars
// Lorsque l’on étudie de près les œuvres de Canseliet, se dégage une forme de linéarité assez explicite du mode opératoire qui est sensé mener à la « Pierre ». Dans cette dynamique, qui est aussi une dialectique, bien sûr, toute l’Alchimie contemporaine s’est engouffrée, ou plus exactement « quasi toute », des années 50 aux années 2000. Même si aujourd’hui, devant l’absence de résultat, ce microcosme évidemment s’interroge à rebours, sur le bien-fondé de ces écrits de référence. Il semble pourtant, parfois, à la lecture de textes plus classiques, que cette linéarité si chère aux alchimistes contemporains mène possiblement à une impasse, et ce pour une raison simple – qui peut croire aujourd’hui que Canseliet à donné la totalité de l’Œuvre dans ses écrits ? C’est d’ailleurs une des questions importantes qui avait été débattue lors du Congrès Canseliet à la Sorbonne, en 1999, avec des praticiens de l’Alchimie comme François Trojani ou Robert Delvarre, qui eux aussi connurent très bien Eugène Canseliet. Dans la mesure où vous avez été un proche de Canseliet, pour vous, et selon ce que Canseliet a pu vous confier, ou même écrit dans ses textes, articles y compris, le Maître de Savignies a-t-il bien donné dans sa globalité, toute l’Œuvre, autrement dit le processus en tant que tel… même si disposé de façon fractionné ? A-t-il oublié certaines « choses » ? Rien oublié ? Beaucoup oublié ? Canseliet ne disait-il pas : « à un certain moment, c’est la matière seule qui vous parle » ? Qu’entendait-il par là ?

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Bernard Chauvière // Bien sûr, Eugène Canseliet n’a pas donné la totalité de l’Œuvre dans ses écrits, comme je vous l’ai dit, il était respectueux de la Tradition et de l’observation du secret et pour ma part je suis totalement en accord avec lui, bien évidemment. C’est pourquoi je suis fort surpris que l’on puisse être étonné de cela, même au XXIe siècle.

Selon les échos me parvenant d’Internet et d’ailleurs…, les « adeptes » et possesseurs de la Pierre Philosophale n’ont jamais été aussi nombreux ! De qui se moque-t-on ? Depuis déjà quelques années la mode est aux stages d’alchimie – payants – dispensés par des « maîtres » qui certifient à leurs élèves « posséder la pierre », « transmuter », fabriquer des « diamants », que sais-je encore ? A quand, comme me le disait récemment un ami, le « kit du parfait alchimiste »… ?

11-14.jpg L’Alchimie est une science individuelle, hermétique, et n’en déplaise à certains, elle le restera durant le prochain siècle…

Quant à ce qui se manifeste au sein de la matière, c’est l’observation de phénomènes inexplicables par la physico-chimie officielle qui fait que l’on passe du plan simplement chimique, au plan supérieur et divin de l’Alchimie, ainsi qu’Eugène Canseliet n’a pas craint de l’écrire et de le dire de vive voix.
Ces phénomènes son visuels, auditifs, olfactifs. J’ai pu moi-même observer lors d’une opération, à la surface du « bain », un phénomène fort étrange… qui n’a pu être expliqué par un ami auquel je relatais l’expérience et qui possède une excellente connaissance en Physique-Chimie…

Bernard CHAUVIÈRE et les Chroniques de Mars © avril 2012 #1


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@ suivre… > « L’Alchimie, une Philosophie de la Nature ».

THESAVRVS // Adam – Adepte – Aigles – Alchimie – Alchimiste – Argyropée – Assation – Athanor – Chrysopée – Coupellation – Cyliani – Élixir- Élixir de longue vie – Eugène Canseliet – Philalèthe – Fulcanelli – Gnose – Grand Œuvre – Lavures – Macrocosme – Magnum Opus – Mercure – Microcosme – Nicolas Flamel – Œuvre au noir – Œuvre au blanc – Œuvre au rouge – Or – Panacée – Paracelse – Philosophie Hermétique – Pierre Philosophale – Poudre de projection – Régule – Rémore – Soufre – Sublimations – Table d’Emeraude – Teinture – Terre adamique – Transmutation – Unobtainium – Vitriol – voie de l’Antimoine – voie du Cinabre //