DIEGO CUOGHI ? … Non. Non, il ne s’agit pas d’un alchimiste du quattrocento (rappelons que les Italiens ne comptent pas les siècles comme les autres, et que LEUR quattrocento est NOTRE quinzième siècle) auquel vous pourriez vous attendre ici. A défaut d’être un personnage énigmatique, et maudit par l’Histoire, il est un grand bienfaiteur du bon sens. Et parfaitement contemporain. Je vais y revenir.Voici quelques jours, Ze blog nous gratifiait, relayant en cela un Net enflammé, d’une information de première bourre. Winston Churchill aurait été confronté à un rapport d’observation d’ovni par un avion militaire britannique vers la fin de la guerre. Pourquoi pas ? Moi, ce que je trouve le plus admirable chez ce grand homme rond, c’est la réponse qu’il fit sur le tard à un journaliste s’étonnant de son exceptionnelle forme (ce n’était pas de celle du tonneau dont il parlait) à un âge aussi avancé. Il lui répondit, en substance : c’est parce que je n’ai jamais fait de sport ! Le brave homme… Si les soucoupes volantes ne deviendront cependant des ovnis que dans les années 60, l’observation fondatrice du phénomène, due à l’américain Kenneth Arnold, n’a eu lieu qu’en 1947 (et remercions d’ailleurs Ze blog d’avoir la lucidité de renvoyer ses blogonautes vers Pierre Lagrange que, malgré ses qualités, une foultitude de vicelards, jaloux et prétentieux, s’obstine à faire passer pour ce qu’il n’est surtout pas : un débunker…).

Fini Kenneth ? Fini Arnold ? Fini Willy ? S’il ne s’agit pas d’un enième canular, eh bien : oui. Et… sans date. Comme il était rassurant de dire : les soucoupes volantes apparaissent en 1947. Alors que maintenant, on sombre dans l’incertitude : vers la fin de la guerre. Avec une caution toutefois : mais Winston et Dwight étaient au courant ! Que vont maintenant nous raconter les délirants, jamais à court d’idées conspirationnistes ? Que c’est ce qui a incité l’armée américaine à « inventer » les soucoupes de 1947 ? Ça ne m’étonnerait pas énormément…

Car, pour ceux qui ne se sont jamais intéressé à ce genre de choses, il n’y a pas vraiment eu d' »ovni » avant cette année-là. Des « foo-fighters » pendant la même guerre, des fusées fantômes en Scandinavie quelques lustres plutôt, d’américaines machines volantes julevernesques avant même Jules Verne, et d’improbables vaisseaux primo-médiévaux. Sans oublier de multiples représentations présumées flagrantes dans la peinture de tous les temps. Qui ne ressemblent le plus souvent pas à nos « modernes » soucoupes volantes (encore qu’on ne nous dise si la forme de cet objet anglais ne se rapprochait pas plutôt et peut-être de celle des « fusées » scandinaves). Lesquelles ne ressemblent pas non plus – il n’est pas inutile de le préciser – à la plupart des objets structurés de la littérature populaire d’avant-guerre ni à ceux des modernes films de science-fiction.

Ah, si ! Y a eu des ovnis à l’époque préhistorique ; qu’on retrouve sur des gravures rupestres… Foin des « martiens » du Tassili, déboulonnés (hi ! hi !) par Jean-Loïc Le Quellec (1) en 1993 dans le n° 51 d’Ovni Présence (« Les Martiens du Sahara. Naissance et postérité d’une légende ») ; et qui vient de remettre récemment le couvert avec deux livres chez Actes Sud / Errance, celui là et celui-ci (2) !.

Mais qui est Cuoghi, me direz-vous enfin ? Un spécialiste en Histoire de l’art et un graphic designer, à ce qu’on peut en deviner ou constater. Il ne se contente pas de passer en revue tous les prétendus ovnis découverts dans les tableaux et autres fresques ; il nous en présente des que personne jusque là n’avait repérés, et décrit, analyse, explique ces « présences » par le contexte symbolique dans lequel baigne l’œuvre en fonction de son époque, de sa destination et des circonstances de sa réalisation. Il y a probablement des abus dans l’interprétation symbolique, des partis pris d’historien, peut-être des erreurs et, qui sait, des excès de « normalisation », mais, en tout cas, tout ce qu’il faut pour rassurer de façon logique l’émoi légitime de nos interrogations premières. Ne vous limitez surtout pas aux pages en français ; la versione italiana vous réserve de plaisantes surprises sur la Marie-Madeleine de la Cène, les cartes de Piri Reis, ou encore les terribles et espovvantables signes apareus sur la Mer de Gênes (et de Nice, ou de Martigues, selon sa paroisse) de 1608 (affaire jadis montée en épingle par un comique patenté et arrogant), donnant même la reproduction d’une réédition d’époque conservée à la Bibliothèque de Troyes sous le titre : Plaquette imprimée à Troyes : relation d’événements prodigieux (pluie de sang, apparitions dans le ciel…) observés en Italie en août 1608, qu’on n’avait jamais vu avant ça (je vous rappelle que pourtant Troyes, c’est en Champagne, pas en Italie) ; et que vous pouvez trouver très précisément ici.

En fouillant un peu dans le site et autour, vous découvrirez bien d’autres choses dignes du plus grand des intérêts. Tiens, par exemple, allez voir ceci.

Bon voyage dans son monde….

>[Michel Moutet]

(1) Spécialiste de la rumeur et des traditions populaires, il fut l’auteur d’un très beau titre en 1991 aux Editions Gest : Alcool de singe et liqueur de vipère, plus quelques autres recettes. De beaucoup d’autres titres aussi…

(2) On consultera également avec profit l’article qui lui est consacré dans Le Journal du CNRS n° 245, de juin 2010.