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« Monsieur, je vais vous transmettre l’initiation selon notre maître, Louis Claude de Saint Martin, telle que je l’ai reçue de mon initiateur, telle qu’il l’a reçue lui-même, et cela depuis Louis Claude de Saint Martin en personne, soit depuis plus de cent cinquante années. Mais auparavant je vous invite, comme j’invite également mes frères ici présents, à vous joindre à moi pour sanctifier cette salle afin qu’elle devienne par la double vertu de la parole et du geste, le temple particulier où va se célébrer le mystère de cette initiation traditionnelle. C’est pourquoi sous la forme qu’on jadis adoptée nos maîtres, permettons aux symboles de se manifester » …

Toute initiation est une invitation au voyage. Elle permet à celui qui l’entreprend d’échapper quelque peu à son quotidien, de faire le point sur ses expériences passées et après une courte halte de reprendre sa route vers Compostelle, ce chemin des étoiles, à la rencontre de lui-même.
De tout temps le voyageur a recherché le souffle des grands espaces, le mystère des terres inconnues, l’archétype de la cité idéale.
Toute voie initiatique nous conduit nécessairement à l’intérieur d’une forêt de mythes, de légendes et de symboles nécessaires pour que s’opère une véritable alchimie intérieure. Le sens latin d’initium signifie commencement ou mise sur la voie. Cette voie est cette porte étroite dont parlent tous les sages, ce n’est pas un chemin qui encourage au confort moral ou intellectuel. Point de solutions toutes faites qui serviraient à calmer des angoisses et des doutes. Ce chemin a pour but de faire passer le néophyte du monde extérieur à un espace sacré hors du temps et de l’espace, condition d’éveil nécessaire.

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Ce parcours quelles que soient les écoles initiatiques fait appel à quatre notions principales que sont : la tradition, la démarche, la connaissance et le secret. L’expérience d’une telle recherche est à la fois ambiguë, difficile mais au combien exaltante, ambiguë parce que la voie du silence s’oppose à un monde basé sur le paraître, difficile car la démarche initiatique est semblable à une carte routière qui propose plusieurs itinéraires pour ce rendre au but recherché, exaltante car le secret permet de se trouver à soi même.

Empruntant des chemins parfois opposés, le cherchant peut être amener à ce perdre, à ne pas trouver sa propre voie. Celui-ci ne peut être curieux au sens noble du terme sans se dépouiller de ses préjugés, des dogmes et des normes sociales couramment admises.

Mais pour celui qui a décidé de franchir le pas s’ouvre alors un voyage solitaire mais solidaire, intérieur mais ouvert sur les autres et le monde.
Certes cette recherche n’est pas nouvelle. De tout temps des hommes ont eu l’intuition d’une unité voilée derrière la multiplicité apparente des choses aussi se sont-ils efforcés d’établir une reliance avec ce Principe. Certains ont utilisé pour cela le domaine de la pure réflexion philosophique, d’autres celui de la prière ou de la méditation. D’autres encore ont invoqué le recours d’entités intermédiaires, nous parlerons aujourd’hui plus facilement de forces ou d’énergies. Toute ces méthodes, ont donné naissance à de nombreuses écoles, parfois bien différentes. Si éloignées qu’il peut y paraître, elle mettent en avant l’existence de cette même unité. Pour elles, la nature est une manifestation du divin et il existe un lien mystérieux d’analogie entre l’homme, la nature, et cette suprême unité. L’homme est conçu ainsi comme une partie de ce grand tout. Il est donc considéré comme étant divin en son essence. Aussi est-il nécessaire pour lui de retrouver sa véritable dimension originelle.
La théosophie chrétienne de Martinez de Pasqually ou encore de Louis Claude de Saint Martin procède de la même réflexion. Le martinésisme ou encore le martinisme puisent leurs racines dans la philosophie romantique du 18ème siècle. Ce siècle des poètes tel que : Lamartine, Hugo, de Musset et tant d’autres. Ce courant romantique ne s’est pas seulement limité à la France et à la poésie. On peut le considérer comme une réaction au formalisme de l’époque et on peut voir qu’il met en avant des notions qui relèvent plus de l’intuition comme la sensibilité et l’imagination. Ce courant va se développer au point de donner un élan nouveau à d’autres domaines de la pensée tel que le roman, le théâtre, l’art ou encore l’histoire. C’est à cette recherche de l’unité en toute chose que se sont fait connaître des personnages tel que Schelling, Novalis, Fichte, ce courant romantique n’a souvent été étudié que dans ses dimensions philosophiques, littéraires ou religieuses.

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C’est oublier l’impact qu’il a pu avoir sur les milieux qualifiés d’illuministes, théosophiques, ou mystiques. Pour Schelling (1775-1854) « la vraie religion, tel un souffle, un rayon, devrait pénétrer la pierre et l’enchevêtrement des mousses, les fleurs, les métaux et autres choses, se révéler en hiéroglyphes sur toutes les cimes, dans tous les vallons…remonter à la source juvénile de la pensée qui recrée la nature rajeunie, c’est une force, une pulsation, une vie, une alternance d’arrêts et de d’aspirations ». Pour lui dans son ouvrage : La philosophie de la Nature, les mystères du monde spirituel ne peuvent nous apparaître que si nous apprenons à connaître la nature. Il n’existe plus de différence forte entre la matière et l’esprit lorsqu’il dit que la matière est l’esprit qui sommeille et l’esprit est la matière en formation. Schelling a exercé une influence indéniable sur un auteur comme Novalis qui a su allier la philosophie mystique de l’époque à l’art de la poésie. Dans Les Disciples de Saïs, il écrit notamment : « si nul mortel ne peut lever le voile de la déesse, il faut nous même devenir immortels, car celui qui ne lève pas le voile divin, celui la n’est pas un véritable disciple de Saïs ». De la philosophie le pas est facile pour plonger dans le mysticisme. On pourrait préciser à ce propos qu’il y a eu peut être autant de formes de mysticisme qu’il n’y a de mystiques. Parmi ces personnages il convient également de citer Von Eckhartshausen, écrivain bavarois qui fut un contemporain de Saint Martin et son célèbre ouvrage : La Nuée sur le sanctuaire. Bien que dans un de ses livres : Eclaircissements sur la Magie, il évoque la kabbale, les nombres ou encore le magnétisme de son époque, il se déclare néanmoins opposé aux cérémonies. Pour lui, il faut chercher le divin de dedans par une volonté profonde de réaliser l’unité, ce qui représente le vrai amour spirituel, Philosophie de la Nature, Théosophie, Mysticisme, Théurgie. C’est à partir de ces différents questionnements caractérisant bien toute une époque que prend naissance le martinisme. Il est curieux de constater que le siècle des lumières fut aussi celui de Swedenborg, de Mesmer, de Cagliostro ou encore de Saint Martin. Ce siècle est encore celui du mysticisme actif d’Eckhartshausen, de la théurgie de Martinez de Pasqually, de la vision religieuse d’un Swedenborg.

La période illuministe

Parmi différentes écoles, le martinisme demeure une voie bien présente au sein de la tradition occidentale. Il puise ses racines dans l’ésotérisme chrétien. La première phase du martinisme est caractérisée par ses deux fondateurs que sont Martinez de Pasqually et Louis Claude de Saint Martin. C’est la période du martinisme que nous qualifierons d’illuministe.

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Louis Claude de Saint Martin, né le 18 janvier 1743 à Amboise, (Indre et Loire), est mort à Aulnay prés de Sceaux le 13 octobre 1803. Il est toujours important dans le cadre d’une approche historique de resituer la vie du personnage étudié dans le contexte général d’une époque.

En un mot, il convient de revisiter l’histoire et les événements qui ont jalonnés son parcours de vie. Tout jeune Saint Martin fut marqué par l’éducation que lui prodigue sa belle-mère : « J’ai eu une belle-mère à qui je dois peut être tout de mon bonheur, puisque c’est elle qui m’a donné les premiers éléments de cette éducation douce, attentive et pieuse qui m’a fait aimé Dieu et les hommes. Je me rappelle d’avoir senti en sa présence cette grande circoncision intérieure qui m’a été fort instructive et fort salutaire ». Saint Martin fait des études de droit puis devient avocat à Tours. Cette profession qu’il n’occupe pas plus de 6 mois entre 1764 et 1765 ne paraît pas lui convenir car il s’engage rapidement en qualité d’officier dans le régiment de Foix – Infanterie stationné alors à Bordeaux. Étonnant changement de trajectoire professionnelle mais qui devait comme nous allons le voir décider de ses futures orientations spirituelles.

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Jean IOZIA – Éléments de Symbolique Martiniste – Extrait de la PréfaceK2Mars 2014.

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