Que ce soit à l’oratoire ou au laboratoire, il ne suffit pas de voir, de lire et de relire. Il faut encore percevoir que simultanément, « on se lit » et on s’examine. Il faut aussi percevoir la tension qui en analogie avec celle de la Création, a présidé a la rédaction de ces textes, ce métalangage avec lequel les Adeptes ont taillé et mis en pièce la puissance légiférante qui voile le réel ; ce langage fait de symboles et de feu, qui leur a permis de remettre à l’ordre du jour la liberté. En effet, s’il existe une façon d’infinitiser le monde, de révéler le « sans mesure », l’intelligible qui l’a conçu l’habite et le contient à la fois ; une préalable transmutation de « son idée » à l’intérieur de l’artiste s’avère indispensable. Toute l’alchimie pourrait se résumer par un acte de relecture, à haute, intelligible et chantante voix avec celle de la nature, comme un plain-chant au sein duquel s’effrite, se consume et renaît le vieux monde ; un acte d’harmonie qui révèle simultanément le vrai monde et le sujet à lui-même, laissant le néant retourner au néant. Bien évidemment, on m’aura compris, je n’entends pas ici qu’il faille chanter, gesticuler ou clamer des mantras devant l’athanor. Cependant, on le comprendra aussi aisément, avant redonner vie au « caput mortum » de l’œuvre, il faut pour le moins que le propre « caput » de l’œuvrant ne soit pas lui-même quasiment vide de cervelle, d’harmonie et de connections.

Concernant la liberté, j’ajoute ce complément d’importance : il n’y a pas de liberté sans énigme, car la liberté a de particulier qu’elle naît, se conforte et se renouvelle sans cesse au sein des devoirs qu’elle exige et du mystère qu’elle engendre.

Les lettres qui vont suivre proviennent de doubles de courriers, généralement tapés à la machine à écrire et que j’ai tenté de remettre en ordre. Ces lettres m’ont été communiquées voici quelques années avec l’accord de l’auteur, afin de ne les publier qu’après son départ. Étant donné que ces courriers ont été écrits comme des réponses à des lettres reçues ou comme des suites à des entretiens préalables, on y trouvera parfois la répétition des mêmes thèmes de base différemment développés. Un peu comme ces circuits labyrinthiques, objets de perplexités, symboles de l’Alchimie et objets fractals par excellence, lesquels vont du plus simple aux plus compliqué, tantôt gravés sur d’antiques pierres et tantôt figurés au sein même de nos Cathédrales.

En analogie avec l’Alchimie et ces lettres, ces « CORRESPONDANCES », une chose demeure concernant ce symbole : à deux doigts d’atteindre le centre, on est renvoyé vers la périphérie et vers d’autres méandres à parcourir, en sachant qu’une fois engagé dans ces circonvolutions le symbole ne suggère une sortie que selon trois modalités : soit par le bas, dans la nuit, et les abysses, en creusant la terre jusqu’au centre ou jusqu’à l’autre coté de la boule ; soit par le haut et les airs, comme Icare, en affrontant avec les plumes et la cire l’insoutenable chaleur solaire ; soit, ce qui est paradoxalement le plus sûr, une fois le centre atteint, par l’intérieur de soi-même.

Passé ces précédentes et illogiques extravagances, il reste bien évidemment la banale, touristique et on ne plus normale sortie par la porte d’entrée, soit le retour vers cette mascarade d’être que l’on désigne généralement comme la vie ou « ma vie. »

En rapport avec ce labyrinthe où veillait le Minautore, les étranges relations alchimiques qui invitent d’un ouvrage à l’autre à entreprendre ce voyage, ne précisent que rarement qu’il est aussi périlleux que ceux des premiers grands explorateurs des terres lointaines. Sur le vaste océan de l’hermétisme, les tempêtes y sont nombreuses, les routes à peine esquissées sur d’énigmatiques rhumbs maintes fois consultés et qui tombent en poussière. De même, une fois franchie une certaine limite, l’horizon de ces mers est pour le moins double, l’indispensable boussole ne se dirige plus que vers un pôle internel et l’ultime recours à l’étoile du nord disparaît dans des brumes d’encre. Ce voyage est donc héroïque à plus d’un titre, et d’autant plus qu’un détail d’une colossale importance est généralement passé sous silence.

Après l’accouchement de la Pierre Philosophale, le pouvoir, l’or, la connaissance, la santé…

>François Trojani – Extrait de la Préface au Grand Œuvre dévoilé]

>[Les éditions Arqa]

[En Hors Collection // Présentation de l’ouvrage :

Le GRAND ŒUVRE DÉVOILÉ

Vient de paraître aux éditions ARQA.