« Le seul alchimiste capable de tout changer en or est l’amour. L’unique sortilège contre la mort, la vieillesse, la vie routinière, c’est l’amour. » – Anaïs Nin.

Amôn. Monologue. Blanc, ivoire. Sans voie. Échappé entre deux nuages. Une œuvre du soleil calligraphiée de plume d’ange. Al -Kémia – La Terre noire – « D’un noir plus noir que le noir », disent les parchemins anciens enluminés d’ors et de cinabre… Aujourd’hui, beaucoup parlent « d’Alchimie », sans en connaître ni le sens profond, ni même le sens commun, et pourtant les alchimistes ne sont-ils pas, avant tout, des « philosophes de la Nature » pour qui le langage de l’être et des images est le symbole de la lumière.

Râ. Aujourd’hui, beaucoup parlent « d’Alchimie » sans en connaître ni le langage de pierre ni même celui de Jacques. Ce langage qui n’est pas celui de la lingotière est en réalité une encyclopédie marine faite d’alphabets secrets et de tourments allégoriques, en rouge et noir, inaccessibles aux communs des mortels ; un discours de lettres oubliées et de symboles enluminés, à utiliser avec sapience.

Ba. Aujourd’hui, beaucoup parlent « d’Alchimie » sans en connaître les codes d’accès, ni la langue des Grimoires ni celle des Oiseaux. Celle qui rime en aile, des plumes d’une oiselle. Les érudits ayant travaillé sur les textes alchimiques calligraphiés de la main de Flamel, se comptent sur quelques doigts, et encore…

Eugène Canseliet fut de ceux-là… – N’est-ce pas monsieur Mannu ? Eugène Canseliet, unique disciple de Fulcanelli, œuvra sans compter au fourneau durant la majeure partie de sa vie, de la rue Dieudé à Marseille, l’antique Massalia, non loin de l’école des Beaux-Arts où il débuta sa fantastique aventure, jusqu’à Savignies-sur-Orge, où il maintint vivants, matras de verre et creusets en fusion. Le Maître nous laissa un érudit dépôt, que seule la lente imbibition de la pensée pure permet de traduire en un langage alchimique de haut lignage. Comme tous les langages symboliques d’ailleurs, façonnés par l’imaginaire en action, il s’agit pour le regardeur de retrouver la vérité perdue, enfouie mercurielle sous l’écaille du Dragon cracheur de feu.
Comme l’ancienne science médiévale de l’Héraldique des calligraphes-enlumineurs, les cryptomanuscrits enchantés des moines taoïstes citent parfaitement le nom imprononçable du sulfure de mercure apte à toutes les transmutations – et le calligraphe chinois perçoit encore sous l’idéogramme du nom, et le « rouge » et le « vert » – sinople – symbole de l’œuf sous le plat.
Mais est-ce pour autant, véritablement, la « prima materia » ?

Ka. Découvrir sous le saule voûté par les étoiles, patiemment, dans un vieux grenier en souffrance, entre arsenic et vieilles dentelles, des papyrus anciens, c’est un peu retrouver la parole première, celle des temps immémoriaux où Thot, le dieu sacré à tête d’Ibis, croyait encore en son destin de Messager. Un temps de l’origine qui voyait accoster au col du Paradis, une arche animalière hantée à fond de cale par des échos d’éther et des râles rauques d’une tourbe en sainte. Pâmoison prête à passer sans férir, mais à quel prix, la porte des éléments distincts. Illusion du lendemain.

L’Athanor EST ce cœur, ce corps et cet œuf et cette main tendue aussi, vers l’inaccessible des cimes, car il est le réceptacle saint, un graal de lumière, contenu et contenant, TOUT et néant à la fois. Un atome de vide en gestation, occis entre deux riens. Bientôt une fleur, au creux de ta main.

Debout. Sortilège d’émeraude – Comme une envie soudaine d’une absence de bruit. Il pleut. Mais sous le couvert des maux bruissent maintenant des pas anciens, monotones et archaïques. Cliquetis des spirilles qui résonnent en chœur sur les parois du labyrinthe, souffle encore. Trois phases sans rappel mieux que des phrases sans appel, le dernier œuvre, immobile et autiste agit dans la coulisse. Rouge sang du Dragon, adn d’un autre temps, sans issue de recours, fil d’ariane moqueur qui accourt.

Des rêves de pierre, bien loin de toute bibliothèque amie, j’entends maintenant le chant des momies.

« – Je cherche l’or du Temps. »

Un cachet de cire rouge,
scellé d’éternité.

>[Le Flash de Thot No 18]