La Table est un symbole fondamental dont on peut regretter l’absence dans le Zodiaque encore qu’elle y soit indirectement représentée par le vase, qui est une des composantes de ce qui est mis sur la table. Ce vase qui sert à Ganyméde pour verser son eau, à la table des dieux de l’Olympe.

L’absence de la table est fâcheuse en raison de la richesse anthropologique de cet objet et des passerelles que cela permet avec divers champs relevant de l’anthropologie. Nous avons déjà évoqué son importance dans de précédents textes de notre Journal de Bord. On retrouve cette table dans l’Arcane n°1 Le Bateleur. Le verseau est associé au début de l’année, la table est aussi la porte, la planche (sur laquelle se joue la musique), le lit.

On associe souvent de nos jours la table à un moment de détente. C’est là un contresens. La Table est au contraire le lieu de l’organisation sociale, de la hiérarchie – quelle place à table- du débat – la table ronde et ses « Chevaliers ». La Table est aussi marquée par les contraintes et les interdits alimentaires. On juge les gens sur leur façon de se tenir à table, de converser. On parle aussi dans la Bible des « tables de la Loi », à propos des Dix Commandements. C’est la Cène, c’est l’eucharistie. Dans la littérature juive, le Shoulhan Aroukh (littéralement la table mise) décline les diverses obligations du Juif pratiquant.

C’est pourquoi, s’asseoir à table est un acte important, parfois solennel, lieu par excellence de la convivialité, du compagnonnage (littéralement partage du pain, comme le « copain »). C’est le chef qui détache, partage et distribue les morceaux de pain entre les invités et participants lors du Shabbat hebdomadaire.

Il ne faudra donc pas s’étonner que puissent exister autour de la table des tensions que l’on résoudra ou au contraire exacerbera. Toute réunion obéit à une structure quaternaire qui est celle même de la table qui est porteuse de la valeur Quatre, dans la mesure où la salle de réunion est le plus souvent en forme de quadrilatère. Le sol même de la salle forme un carré. Les cartes sont des tables et on y joue à table. Le damier, l’échiquier sont des tables que l’on pose sur des pieds. Car les pieds de la table ne sont pas réellement constitutifs de la table. On peut poser une table sur des tréteaux.

En ce sens, nous dirons que la Table projetée sur le ciel
constitue un paradigme qui détermine les 4 saisons, les 4 points cardinaux. Et c’est pourquoi nous pensons, en astrologie, que tout cycle planétaire doit être divisé en 4 parts égales. C’est une règle qui a été oubliée alors qu’on la retrouve avec le cycle soli-lunaire qui introduit le quatre.(nouvelle lune, demies lunes, pleine lune). Pour nous, tout cycle comporte quatre temps que l’on peut diviser en deux voire en quatre, à l’instar d’une journée de 24 heures (jour, nuit, aube, crépuscule). L’on retrouve ainsi le quatre dont la table est porteuse même si aussi elle symbolise la cyclicité quand elle est ronde. D’ailleurs, l’ancien mode de tracé du thème natal était « en carré ».

Pourquoi, demandera-t-on, le verseau aurait-il remplacé la Table ? C’est toute l’histoire assez chaotique du Zodiaque. On interprète les « signes » hors contexte, ce qui a conduit à faire du couple homme-femme des « jumeaux » (barbarisme des gémeaux, sur le latin gemini) et produit bien d’autres distorsions. Les historiens du Zodiaque qui se contentent de recenser toutes les occurrences de cette série s’arrêtent en chemin. Ils doivent se demander d’où sont extraits ces symboles, ce qu’ils représentent, c’est-à-dire d’où ils viennent et pas seulement, ce qui est assez aléatoire, où ils vont et à quoi ils servent.

C’est ainsi que le Verseau ne fait sens que si on le replace dans l’iconographie des mois d’hiver, lorsque les gens se retrouvent à table, comme dans les Très Riches Heures du Duc de Berry, devant un bon feu. Car le verseau n’est pas un signe d’eau ni d’air mais bien un signe de feu. En hiver, le feu, le foyer est au cœur de la vie sociale, il remplace le Soleil, il n’est pas le soleil, mais son substitut. Quand le soleil est à son maximum, on n’a pas besoin de feu ni pour s’éclairer, ni pour (se) chauffer. C’est donc un contresens de faire du lion un signe de feu.

En fait, le problème ne se pose pas ainsi : le symbolisme zodiacal n’a rien à voir avec la répartition des quatre Eléments entre les 12 secteurs qui découpent l’écliptique. Les triplicités ne s’articulent ni sur le symbolisme zodiacal, ni sur les saisons. Elles leur tournent le dos, tout au contraire. Elles sont un autre stade de l’astrologie qui en prend en fait le contre-pied. En fait, le symbolisme zodiacal relève d’une proto-astrologie liée aux saisons et au mouvement soli-lunaire antérieure à la découverte des planètes et de leur différenciation par rapport aux étoiles fixes. Autrement dit, la notion d’étoile fixe ne fait sens que par rapport à celle de planète et vice versa. Cette proto-astrologie a une valeur matricielle mais il y a eu transposition, passage de relais du plan soli-lunaire-saisons vers le plan stellaire et planétaire. On retrouve une sorte de calque dans ce nouveau plan mais il ne s’agit plus que d’une analogie établie et fixée par les hommes et qui ne relève aucunement d’une quelconque réalité universelle. L’astrologie n’est pas « naturelle » mais culturelle, conventionnelle, consensuelle mais cela ne la rend pas moins tout à fait réelle du moins au regard de l’Humanité qui s’est programmée sur de telles bases, tout comme elle a transposé la « table » dans le Ciel.

Jacques Halbronn