Suivant le petit résumé encyclopédique, ce fut un grand philosophe grec, pythagoricien, thaumaturge, guérisseur et sage qui, né à Tyane, ville grecque de Capadoce, 3 ou 4 ans avant J. C. mourut en 97 après J. C.

Bref, d’une manière générale, il est attesté qu’il fut un personnage hors du commun. D’ailleurs, un témoignage, le plus conséquent, est celui de Philostrate, un écrivain et rhéteur du II siècle ap. J. C. qui narra, en huit livres, la vie, les voyages et les prodiges d’Apollonius. Une autre indication nous apprend aussi que cette tâche fut ordonnée par l’impératrice Jullia Domna, fille syrienne d’un prêtre du soleil et seconde femme de Septime Sévère, empereur romain. C’est dire. Bien naturellement, quelques historiens s’attacheront au fil des siècles à perdurer cette légende. Le dernier en date, celui de Mario Meunier Apollonius de Tyane ou le séjour d’un dieu parmi les hommes (1936) (1) nous gratifia, dans une lecture agréable à lire, à nous faire revivre, dans l’esprit même de la pieuse légende d’Apollonius, cette attrayante figure d’un des derniers représentants de la sagesse antique.

Très succinctement relatons, dans la mesure du possible, les faits les plus marquants de l’incroyable parcours du sage de Capadoce, en nous supperposant, d’où l’intérêt de cet article, sur les rares renseignements ou les découvertes assez récentes mentionnées par le CNRS (2).

A quatorze ans, il étudia à Tarse auprès du rhéteur Euthydème de Phénicie, puis continua sa formation à Egée (études philosophiques éclectiques), où le pythagorisme était enseigné par Euxène d’Héraclée. A seize ans, il adopte le pythagorisme, applique les règles très strictes du végétarisme, fait de l’eau sa boisson coutumière, marche nu-pieds, ne porte que des habits de lin, et, pour imiter Pythagore jusque dans son dédain de la parure, laisse pousser sa barbe et ses cheveux sans jamais se permettre d’y porter les ciseaux. Enfin, pour ne point s’écarter de ses maîtres, il se fit une loi d’habiter et de vivre sous le même toit que les dieux.

Une halte prolongée dans le premier temple, un sanctuaire près d’Egée, consacré au divin Asclepios. Là, Apollonius est initié par quelques prêtes à l’art de guérir, dont il donna plus tard d’éclatants témoignages. Nous en voulons pour preuves, pour ces activités réformatrices à propos des sacrifices et participation aux guérisons, que récemment à été découverte une épigramme évoquant les dons de guérisseur d’Apollonius qui proviendrait d’Egée (3). A vingt ans, il perd son père, se dépouille d’un gros héritage, et décide en parallèle de renoncer au mariage et à l’œuvre de la chair. Toujours selon les règles de son ordre, il se confine durant cinq ans dans un silence absolu, une façon de parfaire sa concentration, de tremper sa volonté, afin de discipliner ses pouvoirs et multiplier ses contacts avec le monde invisible (4).

Jusqu’ici le sage ne s’était guère initié qu’à la sagesse grecque. A l’exemple du divin Pythagore, il décide d’élargir le champ de son apprentissage en allant s’informer sur la science des mages et du lointain savoir des Brahmanes de l’Inde. De sa ville natale (Tyane), il se rend à Antioche, prend la route de l’antique Ninive où, chemin faisant, il rencontre un disciple de circonstance, un certain Damis. A Babylone, Apollonius se fait initier par les mages chaldéens ; en Inde, un grand sage nommé Jarchas lui complète son savoir ; en Ethiopie, il rencontre les gymnosophistes, des philosophes qui mènent une vie d’ascètes contemplatifs ; enfin, il est initié à Lesbos par les prêtres d’Orphée.

A son retour, Apollonius se conduit en véritable initié, en ce sens que toute ses prophéties sur des pestilences, des tremblements de terre, des morts de rois et autres évènements se réalisèrent (5), et les phénomène qu’il produisit étaient aussi divers que nombreux (6). Entre autres, il était capable de disparaître instantanément d’un endroit pour apparaître dans un autre lieu. Ses exploits « Aethrobatiques » (7) furent exécutés devant Domitien et une foule de témoins.

Néanmoins, il fut un peu inquiété par Néron et Domitien qui l’accusèrent de sorcellerie. Emprisonné, il fut pour insuffisance de preuves relaché. En revanche, il était fort apprécié par les empereurs, les rois, entre autres, Vespasien, Titus et Nerva. Sa grande sagesse était telle que parfois on lui demandait conseil. Il eut même des interventions conciliatrices dans les dissenssions entre cités (8).

A la fin de sa longue et prodigieuse vie et sentant sa fin prochaine, Apollonius, qui avait eu constamment sur les lèvres la sentance suivante « cache ta vie, et si tu ne le peux, cache au moins ton trépas » voulait comme le fit Pythagore, disparaître seul et mourir sans témoin. Nul ne l’a vu mourir, et personne ne sait où était son tombeau. Il était centenaire.

Ainsi finit cet homme qui avait vu douze empereurs, parcouru la plupart des pays du monde connus d’alors, acquis la renommée la plus vaste qu’ait jamais obtenue jusqu’à lui aucun homme vivant.

Dominique Dubois

1) Aux Editions Bernard Grasset, Paris, 1936.

2) J’ai suivi la même procédure en 1992. Apollonius de Tyane in Le Lotus Bleu, pp. 244-246, n° 10, décembre 1992.

3) Dictionnaire des philosophes antiques, CNRS, 1989, p. 291.

4) Ces cinq années de silence, Apollonius les passa en partie en Sicile, en partie en Pamphile. Le CNRS prend pour témoignage un livre de Maxime d’Egée qui retrace les années passées du sage dans cette ville.

5) Toute la tradition reconnaît à Apollonius des pouvoirs extraordinaires. Cl. CNRS op. cit., p. 292

6) Protection permanente contre des animaux nuisibles assurée par Apollonius de Tyane dans Byzance et Antioche. Au demeurant, il est attesté que la légende d’Apollonius, sage et connaisseur en talismans s’est répandue en orient arabe sous le nom de Balinus. Op. cit., p. 292.

7) Du grec ; qui s’avance dans les airs.

8) Un état de faits relevé par le CNRS, op. cit., p. 292.