« Il y a chez l’homme un attrait irrésistible vers le Beau. Cette recherche du Beau est motivée par la nostalgie d’une harmonie perdue qu’instinctivement l’Homme recherche en toutes choses. » Joséphin Péladan – L’Occultisme du XIXe siècle, en tant que « doctrine secrète », mystique et connaissance des anciens savoirs, est foncièrement lié à la redécouverte de l’héritage néoplatonicien de la Renaissance. La filiation des Lumières ne laissant plus passer que quelques rayons peu ardents issus sporadiquement de l’antique Tradition pérenne, il fallait donc, urgemment, opérer une réincrudation manifeste au sein d’une époque parfaitement en demande d’une spiritualité mystérieuse. Spiritualité moderne aussi, alliant à la fois les sciences établies à l’Université et un surnaturel bien présent, dans les laboratoires comme dans les salons mondains des duchesses et autres noblesses, un surnaturel contournant les frontières, sans cesse repoussées, d’une nouvelle réalité mise à jour, macro et microcosmique.
Durant quelques décennies seulement dans l’Histoire de l’Humanité, en Europe, et pour la première fois, la science doctrinale voulut bien accepter l’idée d’un cheminement de conserve avec la réincarnation de ces doctrines dites « occultes », de ces savoirs empiriques, de ces magies de campagnes. Non pour les contester mais pour, au moins, les vérifier et, le cas échéant, en accepter une possible unification. Vaste programme… De Camille Flammarion à Allan Kardec, d’Hector Durville à Maître Philippe de Lyon, de Jollivet-Castellot à un certain Fulcanelli, le pas de l’homme, du mage et de l’alchimiste, enfin, succédait de façon quasi consciente et révélée à une marche de près de trois siècles, voyage lointain, plus ou moins erratique, plus ou moins marginal, marqué en tout cas au fer rouge par les bûchers inquisiteurs des moines fonctionnaires et l’apparition fulgurante de quelques grands Initiés passeurs, juste-là, l’espace d’un instant, pour que le sens incorruptible d’une parole perdue puisse se retransmettre encore sans s’altérer vraiment.
La Tradition du Vivant se devait de vivre et mourir autrement cette époque-ci, cette « Belle Epoque » porteuse de tant d’élans mystiques et nouveaux venus d’Inde et d’autres contrées transmarines. Le terme d’« occulte » ou d’« occultisme », qui se décalque souvent avec la notion « d’ésotérisme opératif » commence à apparaitre de façon caractérisée dans la seconde moitié du XIXe siècle. Albert Caillet, en 1912, dans son Manuel des Sciences psychiques ou occultes définira les premiers aperçus convaincants d’une sémiologie architecturée pour cette terminologie précisément. A sa suite, on le sait, Eliphas Lévi lui donnera ses lettres de noblesses, des dogmes et des rituels de Haute Magie ressuscités des cieux, à nouveau enflammés, pour mieux entretenir l’essence inextinguible d’un feu qui se consume encore malgré le règne stérile d’un matérialisme dominant.
Le XIXe siècle fut une époque où se rencontrèrent embruns et tumultes, mers calmes et cyclones vengeurs, galères et galions chargés d’or pur et d’argonautes sans peur, refluant du médiéval ils voguaient alors « à rebours »… Resurgis de ces temps immémoriaux, de Colchide, de ces indescriptibles territoires mythiques, magiciens et mystiques, alchimistes et occultistes, tous revenus encore, les fraternités se reformèrent non sans mal, les chocs en retour furent puissants, les luttes intestines nombreuses, la « guerre des Deux Roses » en fut une et les duels sur le pré au petit matin émaillèrent en ces temps de rénovation, les colonnes d’une presse à sensation. Mais la résurgence eut bien lieu, contre vents et marées…
>[Les éditions Arqa – extrait de la préface]
LETTRE INEDITE //
Parmi les lettres inédites de Joséphin Péladan publiées par les éditions Arqa, l’une est envoyée à Enrique Gomez (date estimée 1893). Écrivain et diplomate, Enrique Gomez Carrillo (Enrique Gomez Tible de son vrai nom), né à Guatemala ville en 1873 et mort à paris en 1927, s’expatria pour s’installer à Paris en 1891. En 1893, Carrillo se voit consacrer un petit article dans « La Plume », revue où écrit Péladan. Il y est question de tempérament donjuanesque, de duel, de tentative de suicide, de la nature ardente des Latins, etc. Cet article constitue néanmoins le premier exploit d’Enrique Gomez Carrillo qui réussit à retenir l’attention des Parisiens à peine trois ans après son arrivée à Paris. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise. Notons qu’il se maria avec Consuelo Suncin Sandoval de Gómez, née le 10 avril 1901 à Armenia, au Salvador, et morte le 28 mai 1979. Celle-ci fut la muse et l’épouse d’Antoine de Saint-Exupéry en secondes noces.
>[Arnaud de l’Estoile]