La première biographie consacrée à Eugène Canseliet – (…) Souvent, un récipient de fruits pose sur le rebord de la fenêtre du bureau de mon père, était offert aux habitants ailés du jardin : merles, pies, sansonnets, et plus rare, par le nombre, aux rouges-gorges. Pour ces derniers, Eugène Canseliet, avec une attention toute particulière, présentait le fruit aux creux de sa main, et l’oiseau, à la gorge rubescente, venait y picorer. Les chats savaient ne pas avoir droit d’agresser ces gentils volatiles. Alors, ostensiblement, ils détournaient la tête et s’éloignaient dans la plus parfaite indifférence.
« Quels trésors ces Demeures Philosophales ! C’est une vraie jouissance de s’y approfondir de nouveau. Les pages 207-209 que je relis encore sont si pleines de lumière que l’on y voit clairement la lumière métallique interne irradier à l’extérieur avec une clarté éblouissante.
Avec le vif espoir de vous revoir ici bientôt et mes sentiments de fraternelle et profonde affection, votre bien dévoué. »
M. Mohtar
Cet extrait d’une courte lettre fut adressé à Eugène Canseliet par 1’officier diplomate turc Mahmoud Mohtar Pacha. Mon père lui portait une grande estime confortée par une amitié dont la force n’avait d’égale que l’importante réciprocité de leurs sentiments et de leur philosophie. Deux aristocrates dont l’un, malheureusement, parti trop tôt en 1935 au large de Marseille, sur le bateau qui 1’amenait en France.
Au début de l’année 1931, Jacques Cherest écrivait à mon père après avoir lu Le Mystère des Cathédrales et Les Demeures Philosophales. La lecture de ces deux ouvrages l’avait vivement impressionné et réconforté. Il venait de perdre son fils ainé, Philippe, emporté par une fièvre typhoïde à l’âge de quinze ans. C’est par son intermédiaire que Canseliet rencontra la doctoresse Brosse dont Le Mystère des Cathédrales fit, sur elle, un profond et heureux effet.
A l’hôpital Broussais, où exerçait cette jeune femme médecin, mon père traita certains cas graves avec 1’onguent qu’il avait mis au point. Remède de merveilleuse efficacité dans les affections externes purulences et microbiennes. I1 sauva, entre autres, la main d’un poissonnier qui devait être amputé. Un traitement, sous forme de solution, apportait un soulagement à certains grands malades atteints de tuberculose pulmonaire.
Jacques Cherest offrit, généreusement, à mon père, la jouissance d’une chambre mansardée, au sixième étage, d’un immeuble qui lui appartenait, situé quai des Célestins.
Cette chambre, dont le vasistas vitré s’ouvrait sur la Seine, possédait une belle cheminée propice aux travaux de laboratoire. Mon père y réalisa maintes expériences, notamment, en présence de Mahmoud Mohtar Pacha.
Le second fils de Jacques Cherest, Bernard, docteur en médecine, respecta le désir de son père et laissa 1’usage de cette chambre au mien jusqu’en 1974, après 1’infarctus qui lui interdisait 1’ascension qu’imposaient les étages.
Vint le temps crucial où il lui fallut quitter ce monde. Je ne pouvais me résigner à la rupture terrestre et repoussais cette éventualité avec la dernière énergie. En dépit du désarroi extrême, implorant la cessation de ce douloureux moment, je refusais de douter de la bonté du Seigneur et m’écarter de sa sagesse en ne gardant que le déchirement de la séparation.
La mort qui survient lorsque l’âme quitte le corps n’est pas celle qui consiste dans la rupture d’avec Dieu par le pêché mortel et la perte de l’état de grâce permanente. Pour les Elus, c’est l’entrée triomphale dans un Présent Eternel qui suspend le temps.
En me sollicitant pour préfacer sa maîtrise, que j’ai lue attentivement avant de m’engager, Cedric Mannu, nous livre une réflexion étudiée et approfondie. Il nous épargne les opinions hâtives et fausses précédemment proposées par divers auteurs en quête de sensations toutes aussi saugrenues. Son analyse ne cherche pas, systématiquement, à étiqueter ce Grand Mystère.
Il me plait de répéter après lui : Eugène Canseliet : philosophe hermétique, et de poursuivre… « imprégné de noblesse et d’une prodigieuse érudition ».
>Béatrix Canseliet – (extrait 2) – Préface pour les éditions Arqa ©]
En illustration : Carte postale ancienne, fin XIXe siècle représentant l’Ecole des Beaux-Arts de Marseille où Eugène Canseliet entreprit ses études. Non loin de là, il rencontrait Fulcanelli, rue Dieudé. (Archives Arcadia).
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vient de paraître aux éditions ARQA :
La Première BIOGRAPHIE sur Eugène Canseliet
« EUGÈNE CANSELIET
Philosophe Hermétiste (1899-1982) »