« Ils ignoraient que l’outil du chercheur n’est ni le pic ni la pioche : c’est la tête. Il leur manquait aussi ce brin de folie qui seul peut éperonner le raisonnement vers les plaines de la découverte… »

Gérard de Sède

L’ABC de RLC – L’Encyclopédie de Rennes-le-Château

Il aura fallu plus de trois ans d’études et de labeur à quatre auteurs : Daniel Dugès, Patrick Berlier, Christian Doumergue, Thierry E Garnier, aidés dans leur tâche par huit amis et collaborateurs de renom, Franck Daffos, Michel Vallet, Antoine Captier, Jean Brunelin, Gil Alonso Mier, Georges A D Martin, Alain Caradec, Michel Crozet, et quelques autres encore, pour parachever cette encyclopédie consacrée au mystère de Rennes-le-Château. Avec plus de 800 définitions et mots clés et 940 photos et documents, cette somme éminente restera dans l’histoire de Rennes-le-Château comme une des pierres majeures consacrée à l’édifice tout entier que constitue la recherche sur le petit village audois. Loin d’être une compilation de notes éparses, cette étude encyclopédique menée de main de maître doit beaucoup au talent de ses auteurs qui se sont dépensés sans compter pour recadrer une vérité savante et si complexe, loin des querelles de clochers et des études partiales. Cette encyclopédie de premier plan, factuelle et sans tabou, qui indéniablement faisait défaut, est enfin publiée grâce aux éditions Arqa. Elle constitue une banque de données incomparable et se veut un outil de référence pour le lecteur, ainsi que pour le chercheur, qu’il soit néophyte ou confirmé. On trouvera dans cet ABC de RLC, de très nombreuses sources d’archives et historiques, littéraires, graphiques, cartographiques, photographiques, rares voire totalement inédites qui font de ce travail remarquable, non seulement un ouvrage unique mais permettent aussi d’assembler un corpus de documents d’appoint très important pour tous les curieux impénitents en quête de connaissance. Histoire, Géographie, Toponymie, Symbolisme, Hermétisme, Traditions, Sociétés secrètes, Beaux-Arts, Littérature, Biographies, Recherches, mettent en œuvre les différents départements de cette encyclopédie, que l’on consultera savamment, avec gourmandise ou en la butinant, à l’ombre de la Tour Magdala…

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ABC de RLC
© 2008 // Dugès – Berlier – Doumergue – Garnier.


SOMMAIRE

PRÉFACE // Michel Vallet

INTRODUCTION // Thierry E Garnier

Partie I – Biographies & Sociétés secrètes

1 – Acteurs, témoins, écrivains, artistes & Initiés
2 – Les Sociétés initiatiques & secrètes
3 – Courants historiques, Sociétés traditionnelles & Congrégations religieuses
4 – Les Chercheurs contemporains

Partie II – Géographie Sacrée & Toponymie

1 – Régions, Sites, Villes & lieudits
2 – Monts, Sources & Rivières
3 – Tombes & monuments funéraires
4 – Amers & points remarquables

Partie III – Symbolique & Cryptographie

1 – Le Domaine de l’Abbé & le décor de l’église de RLC
2 – Les Symboles, les Saints, les Mythes & les Légendes
3 – Tableaux & Œuvres littéraires
4 – Matériaux cryptographiques & Parchemins

ABC de RLC // REPÈRES CHRONOLOGIQUES // Patrick Berlier

ABC de RLC // BIBLIOGRAPHIE // Thierry E Garnier

ABC de RLC // CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES

ABC de RLC // Remerciements

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L’ABC de RLC >Rédaction]

Les auteurs – Daniel Dugès, Patrick Berlier, Christian Doumergue, Thierry E Garnier remercient tout particulièrement dans leur entreprise de réalisation de cette Encyclopédie « l’ABC de RLC », Michel Vallet, Franck Daffos, Antoine Captier, Jean Brunelin, Gil Alonso Mier, Georges A. D. Martin, Michel Crozet ainsi que Jean-Pierre Monteils, Gabriel d’Altilia, Gino Sandri, Jocelyne Bartolini, pour leurs amicales contributions à cet ouvrage publié aux éditions ARQA (mars 2008). Avec une pensée particulière pour Alain Caradec (1930-2003).

Crédits Photographiques – Iconographie & Photographie // Tous les documents présentés dans cet ouvrage proviennent d’archives publiques et sont cités comme tels et sont soumis à copyright selon les lois en vigueur. COPYRIGHT & DROITS RÉSERVÉS © – Fonds Public // Archives départementales de l’Aude – Archives départementales de l’Hérault – Fonds Privés // Fonds Corbu-Captier – Fonds Arcadia – Collections Privées – Les auteurs // Iconographie & Photographie // Daniel Dugès – Christian Doumergue – Patrick Berlier – Thierry E Garnier – Collections Privées // Iconographie & Photographie // Michel Vallet – Jean-Luc Chaumeil – Paul Saussez – Photographies // Jean Brunelin – Alain Caradec – André Goudonnet – Jocelyne Bartolini – Johan Netchacovitch.


Introduction en guise d’oraison à l’ABC de RLC

« Avant ma mort, je vous livrerai un secret qui vous rendra riche et puissant. Il y a sous les pieds des habitants de Rennes assez d’or pour les faire vivre pendant 100 ans, et il en resterait encore. »

Marie Dénarnaud

A7.jpg Histoires poudreuses et vécues de héros imaginaires, légendes apocryphes de mythes séculaires, tourbillons de fragments de sons et de livres, de textes sacrés et de traductions édulcorées, de cryptogrammes enchanteurs, de cartes au trésor, de biographies d’Atrides, tous et toutes reflétés à l’infini en un kaléidoscope d’images surannées sans cesse rapiécées par les marchands du temple et les sorcières borgnes. Rennes-le-Château, « capitale secrète de l’Histoire de France » comme on la nomme parfois, véhicule depuis plus de trente années de bien curieuses aventures. Territoire captivant, carrefour de l’étrange, du maudit, du salvifique aussi, la terre audoise wisigothique et mérovingienne serait-elle là comme une loupe grossissante, affamée de passions dévorantes, pour mieux célébrer encore le festin des dieux se repaissant ainsi de nos infirmités maladives et triviales – de nos orgueils infinis ? Histoires d’argent maudit et de diable boiteux, de tombes entrouvertes d’où sortent des marquises en mantilles noires et blanches, de Nègre d’Ables. Histoires vraies réellement inventées jusqu’à en perdre haleine, d’abbé mythomane, de prêtre assassiné, de cantatrice mystérieuse, de pouvoirs magiques et de philtres d’amour. De cryptes secrètes, de grimoires anciens dissimulés dans des colonnes creuses. Contes pour enfants ou allégories subtiles ? Devant tant de chausse-trappes à décrypter le questeur devenu fou, tel un enfant aveugle perdu au milieu d’une forêt de songes, à tâtons, recherche une sortie, faute de savoir inventer une fin à cette histoire. Parcourant ce labyrinthe de brume, déroulant derrière lui une ligne rouge du sang des justes, le lecteur s’approche parfois de l’hypothétique centre où, à demi endormi, à demi occulté, veille en embuscade sur un seuil de braises, un gardien de feu, cornu à souhait, officiant comme il se doit, un genou à terre, entièrement satisfait de sa capitation, chargé qu’il est, de mentir, d’injurier sans cesse, le bon sens comme la vérité.

Mais qu’en est-il, en réalité, de cette légende torve ? De cette étrange trajectoire de ce curé aux milliards, aîné d’une famille de sept enfants, né à Montazel dans l’Aude, un onze avril 1852, qui va révolutionner l’histoire occulte du XXe siècle en Europe et passer l’Atlantique cent ans plus tard pour rejoindre le Nouveau monde au point de faire connaître partout sur la planète ce petit village minuscule perché en plein pays cathare, entre vignes rouges et cieux battus par les vents de l’Histoire. Qu’en est-il exactement de cet abbé Bérenger Saunière arrivé frais émoulu de son diocèse de Carcassonne un certain 1er juin 1885, à Rennes-le-Château, l’antique Rhedæ, la capitale des Wisigoths dit la légende. Tout part de là, de cette date rougie par l’histoire et de ce village sans repères, à marquer d’une pierre blanche sur ce territoire du Razès, marche des peuples anciens propres à transiter entre la cité de Carcassonne et les monts des Pyrénées. Notre jeune curé, bien bâti, fort en gueule, attendu là-haut pour prêcher la bonne parole à des âmes en déshérence, arpente, les flancs de la colline envoûtée, sûr de lui et certain de son étoile, pour venir jusqu’à la cité des chariots, jusqu’à la petite église ruinée, dédiée à la pécheresse aux cheveux roux. Pour venir jusqu’à nous aussi, par des chemins détournés, apporter le merveilleux aux foules enivrées en mal de repères… Se doute-t-il – le peut-il seulement – de ce que ses pas, cette marche en avant vers cette lumière-là, va provoquer dans quelques années, juste après sa mort. Se doute-t-il de quels flots de paroles débordantes, de quels torrents intarissables d’encres bleuies par les hommes, se mêlant inextricablement aux eaux rougies de la Sals, va provoquer, le moindre bruissement de sa soutane griffée par les ronces des coteaux en contrebas du village. Se doute-t-il de ce que ses prétendues découvertes, dont il ne parla jamais ouvertement, vont engendrer un raz-de-marée d’encre et de papier, bien au-delà des Corbières. « Le secret de l’abbé Saunière », c’est de cela qu’il s’agit. De ces aventures mêlées qui le concernent au premier chef, jaillies de cette source vive jamais tarie par le temps, il nous faut aujourd’hui nous pencher. Mais par quoi débuter ? Sans doute le jeune prêtre, avec tout ce qui a été écrit sur son compte, ne découvrirait pas lui-même, aujourd’hui, le fil de sa propre histoire.

Au village, l’affaire est rude, inattendue, désespérante au possible, dans cette cure vide abandonnée de Dieu, dans ce presbytère désavoué, dans cette église désertée, dans cette paroisse parfois hostile, l’abbé Saunière se doit maintenant de construire sa destinée de prêtre, en reconstruisant ce qui deviendra son domaine et par là même sa biographie. Aidé en cela par la donation d’une bienfaitrice dans un premier temps, la Comtesse de Chambord, les travaux vont bon train. Puis secouru – c’est bien là le mystère – par une armée d’anges salvateurs, Saunière va, en douze petites années, remettre entièrement sur pied l’église, sa décoration, ses abords, le presbytère, les jardins à proximité. Puis, à la suite, notre abbé va acquérir tous les terrains du village haut, pour se faire construire un domaine, une maison de style néogothique, la villa Béthanie ; une tour attenante, la Tour Magdala, qui lui servira de bibliothèque, tout ceci agrémenté d’un parc constitué de verrières, belvédère et fontaines, jardins, orangerie, serre et potager.

C’est durant les premières années de réfection des bâtis, de restauration et d’aménagement de l’édifice religieux, nous dit la légende, mais à quelle date précisément, que notre prêtre découvre… ? Un trésor. Des objets de valeurs. Une crypte sous l’église. Un secret d’état. Un secret d’église. Des parchemins codés qui l’auraient, sorte de « carte au trésor » amené plus loin encore, dans le cimetière, dans les collines avoisinantes, vers Rennes-les-Bains, chez son confrère Boudet, à Paris, à Lyon… Qui peut dire avec certitude ? Tout ce que l’on constate c’est bien qu’en quelques années, l’abbé de Rennes-le-Château, le « curé aux milliards » est devenu riche à millions… Mais de quel trésor s’agit-il ? De celui de Montségur et des Cathares, ce qui peut sembler plausible. De celui des Wisigoths ramené dans le sud de la France après le pillage de Rome, par les guerriers d’Alaric ? Les inventaires successifs opérés en Occitanie et en Espagne, par la suite, ne mentionnent nullement de références au trésor de Rome. Et d’où venait le trésor de Rome si ce n’est de Jérusalem ? On parla donc aussi de la fameuse Arche d’Alliance qui aurait été cachée dans le Razès. Était-ce le trésor des Templiers, ramenés d’Orient après la chute de Saint-Jean-d’Acre, en 1291 ? Le trésor de Blanche de Castille ? On le rapporta un moment. Ou encore le trésor du berger Ignace Paris ? Qui est peut-être le même… S’agissait-il d’un magot caché dans l’église Marie-Madeleine pendant la Révolution française ? S’agissait-il d’une découverte de documents généalogiques en relation avec le trône de France et les Mérovingiens ? Ou encore un document archaïque composé d’écritures primitives, en araméen peut-être, un apocryphe remettant en cause les évangiles canoniques, un texte vénérable stipulant que le Galiléen, marié à Marie-Madeleine aurait eu une descendance, ne serait pas mort crucifié, mais aurait fini ses jours en terre de Provence ? Pouvait-il s’agir, ce trésor-là, d’une tombe non moins sacrée, celle d’un « grand romain », dont nous parle Nostradamus, ou même de celle du Galiléen lui-même ? La version moins prosaïque et plus officielle, la mieux partagée aujourd’hui par les chercheurs, nous parle elle, tout bonnement, d’un trafic de messes organisé par l’abbé Saunière. L’étude des carnets du curé est à cet égard très révélatrice, mais bien sûr porte moins à la rêverie. Trafics de messes et dons importants, s’ils n’expliquent pas tout le mystère, loin s’en faut, offrent sans doute à l’affaire une couleur moins argentée mais plus proche de la vérité. Pour tout dire, il n’y a sans doute pas un trésor de l’abbé Saunière, mais des trésors, de natures différentes, qui se superposant ont donné lieu à cet amalgame d’histoires composites, hétérogènes, et contradictoires, tout au moins en apparence. Une thèse n’excluant pas forcément les autres. À cet égard « la vision de l’aigle », prônée par l’anthropologue Carlos Castaneda, élève du chaman Don Juan, prend ici tout son sens. Mais quelle difficulté de prendre parfois de la hauteur, pour mieux discerner l’essentiel, dans une vue grossissante. De la même manière et dans le même esprit, pour le chercheur aguerri confronté depuis des années à l’affaire de Rennes, il ne lui aura pas échappé que de nombreux éléments factuels cryptés, graphiques, calligraphiques et paléographiques, des tableaux, des œuvres d’art et littéraires furent sciemment codés depuis des siècles, afin de laisser un « message » à la postérité. Or si ces messages ou codages ne furent jamais éclairants pour le vulgum, c’est sans doute parce que nous utilisons des référents identiques pour des codages différents, sans tenir compte des strates, de la pluralité des systèmes de codages mis en place selon les époques, de quelle manière et surtout par qui, ils furent réalisés. Des parchemins de Pierre Plantard à la Comtesse de Cagliostro de Maurice Leblanc, des Bergers d’Arcadie de Poussin au Cromleck de Rennes-les-Bains de l’abbé Boudet, ce n’est pas le message qui change, mais le codage, voilà tout.

C’est ainsi que l’on rentre dans l’arène. Lorsque Monseigneur Billard, évêque de Carcassonne, décède en 1901, laissant la place vacante à Monseigneur de Beauséjour, l’abbé Saunière se retrouve sur la sellette et, sommé de s’expliquer par sa hiérarchie aux alentours de l’année 1909, sur son train de vie dispendieux, c’est pour trafic de messes et simonie que notre abbé de Rennes-le-Château est contraint de se justifier et non pour dissimilation indue de trésor sacré ou d’archives secrètes. Ce qui prouve bien après tout, qu’à l’époque, l’entourage ecclésiastique du prêtre audois, auquel Saunière était subordonné, se trouvait être sans doute plus au fait des agissements suspects de l’abbé que bien des chercheurs d’aujourd’hui. Celui-ci, finalement accablé par son évêque, va se retrouver condamné à une suspense a divinis, autrement dit, il lui est interdit d’exercer son pouvoir d’ordre, c’est-à-dire d’administrer les sacrements. L’abbé Marty, son remplaçant, est nommé curé à sa place à Rennes-le-Château. Saunière mortifié, reclus comme un loup dans sa tanière, meurtri, se réfugie dans son domaine, qu’il refuse de restituer, et prie dans une petite chapelle qu’il aménage dans une véranda jouxtant la villa Béthanie. Ces luttes intestines éprouvantes, qui ont jeté l’opprobre sur sa fonction et son honneur, le minent et il décède le 22 janvier 1917, après avoir reçu les derniers sacrements. Monseigneur de Beauséjour, profite alors de l’aubaine, et tente de récupérer les biens de l’abbé, mais quelle n’est pas sa stupéfaction de découvrir alors, que l’intégralité des dits biens et du domaine du prêtre de Rennes-le-Château sont au nom de sa servante Marie Dénarnaud. Celle-ci décède à son tour en 1953, emportant avec elle le secret de l’abbé Saunière, un secret qu’elle ne voulut jamais révéler. S’adressant à Noël Corbu, le repreneur du domaine, Marie Dénarnaud lui confiera : « Mon bon Noël, un jour je vous dirai un secret qui vous rendra riche, très riche… » Pourtant Noël Corbu, n’en saura jamais plus…

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Des différents scénarios propres à échafauder un tombereau d’hypothétiques contes en une tumultueuse histoire audoise, il ne sera pas question ici, à la suite, en cet espace clos. Pas de vérités immuables, pas d’invectives azimutées, le travail entrepris, pour une fois dans cet ABC, n’est pas d’énoncer en de tapageurs théorèmes emplis d’affirmations gratuites une énième version définitive d’une histoire folle susceptible d’endormir debout des foules ensommeillées, aux quatre coins de la planète. Lorsque le mythe naît, telle l’Hydre de l’Herne, ce sont ses têtes qui repoussent, et qui renforcent le monstre dans sa gigantesque entreprise de déstabilisation et d’épouvante. Du chaos et de la confusion naît Diabolos, antonyme de Symbolos, celui qui réunit. Ce diable de Rennes, cet Asmodée gardien du seuil, que nous présenterons volontiers ici comme une sorte d’emblème infernal du lieu, va faire exploser, en moins d’un siècle les processus pacificateurs de cette histoire peu banale, que nous venons de conter en une myriade de quêtes sémantiques, plus incertaines les unes que les autres.

Faut-il en avoir peur et s’offusquer, alors que les têtes de l’Hydre ne sont seulement que des livres… ? « L’affaire de Rennes » vient de commencer…

Exploration d’un mythe en forme de labyrinthe (extrait)

« Une seule certitude suffit à celui qui cherche. »
Albert Camus

C’est en 1951 que Robert Charroux fonde de façon informelle, ce ne sera jamais une véritable association type 1901, le « Club International des Chercheurs de Trésors. » Cet institut composé d’aventuriers de tous poils, d’écrivains, de chercheurs, de radiesthésistes même, va lui permettre de se mettre en relation avec un nombre très important de personnalités de tout acabit, qui vont alimenter d’abondance l’explorateur écrivain en informations et documentations de première main et lui suggérer d’écrire, grâce à cette matière recueillie, ces différents ouvrages à composantes « trésoraires. » De ces sources nombreuses naît en 1972, Trésors du monde, version homonyme mais remaniée d’un même ouvrage publié dix ans plus tôt avec, dans cette nouvelle mouture, un chapitre sur Rennes-le-Château plus conséquent. Charroux publie en 1962, soit cinq années avant l’Or de Rennes de de Sède (1), dans son Trésors du monde un chapitre intitulé « Huit milliard dans une tombe », et brosse à grands traits l’essentiel de ce qui va devenir le fondement de la légende de Rennes-le-Château. Charroux reprend-là les contes traditionnels et les témoignages colportés dans le pays depuis le début du siècle et n’identifie pas vraiment la nature et la source du trésor. Tantôt pense-t-il à celui de Blanche de Castille, tantôt dans un autre chapitre à celui des Cathares…

Historiquement, si l’on veut bien prendre en compte différents articles de la presse quotidienne parus un peu plus tôt ; du journal belge Le Soir daté de février 1948 (2), du Midi Libre du 12 janvier 1956, de la Dépêche du Midi des 12, 13 et 14 janvier 1956, et de L’Indépendant du 1er septembre 1956, nous avons là des dates émergeantes et certaines à prendre en considération. Pourtant ces articles, comme celui de La dépêche du Midi du 12 janvier 1956 pour le plus connu, passent quasi inaperçus à l’époque, faut-il l’écrire. Ces informations sommaires seront reprises parfois partiellement dans ces mêmes années, par quelques revues à plus fort tirage telles que Noir et Blanc ou Tout Savoir, mais rien de bien consistant en fait sur le plan de l’analyse historique concernant le mystère qui nous préoccupe. Il nous faut également citer l’article du 13 août 1962, dans L’Indépendant qui évoque la piste des Templiers du Razès. Toutefois, on peut légitimement se poser la question des sources avérées concernant ces articles.

Hormis la tradition populaire locale, il est important de citer l’ouvrage souvent oublié dans les meilleures bibliographies, de Jean Girou L’itinéraire en terre d’Aude – (Causse Graille & Castelnau ed. – Bibliothèque Arcadia avec envoi de l’auteur, un des trente exemplaires numérotés, 3/30), publié en 1936, qui signale dans son livre, page 169, ce passage rarement cité dans sa totalité : « Nous sommes au cœur du pays wisigoth, il nous reste à visiter la capitale du Razès, l’ancienne Rédé, Rhedæ. À la sortie de Couiza, une route monte vivement à gauche, c’est le chemin de Rennes-le-Château ; sur l’arête du plateau se découpe un décor singulier : des maisons en ruine, un château féodal délabré surplombent et se confondent avec la falaise calcaire, puis des villas, des tours à véranda, neuves et modernes contrastent étrangement avec ces ruines : c’est la maison d’un curé qui aurait bâti cette demeure somptueuse avec l’argent d’un trésor trouvé, disent les paysans ! Il faut monter à Rennes-le-Château, magnifique belvédère du Razès. La route escalade la rampe, au-dessus de la Sals ; de l’autre côté, les ruines du château de Coustaussa surgissent et découpent un décor médiéval dans le ciel ; à travers la lande et les guérets, on grimpe jusqu’au faîte. Brusquement se découvrent les horizons et le crâne chauve de Bugarach ; le panorama s’étend, splendide et divers : au pied méridional du village s’étend un grand plateau escarpé, c’est là que les Wisigoths élevèrent une ville de 30.000 habitants, métropole de tout le pays de Rhedez ou Razès, qui fût rasée en 1170 par les troupes du Roi d’Aragon. Devant les grands espaces déserts de ce plateau, il est difficile de faire surgir dans son esprit une ville qui, au VIe siècle, eut une importance plus considérable que Carcassonne ; tout vestige a disparu sur ce plateau, porté par la corniche rocheuse taillée à pic, comme un rempart, sur les vallées. Et pourtant, Rhedæ était à cette époque, une des cités diocésaines de la Septimanie ; après avoir abjuré l’Arianisme, le roi Reccared faillit même déplacer l’évêché de Carcassonne à Rhedæ. Après le concile de Narbonne, en 788, Rhedæ étant chef-lieu de diocèse (terme emprunté aux Romains qui désignaient ainsi une section de province), un évêché fut installé et rattaché pour le spirituel à l’archevêque de Narbonne, primat des Gaules. De tout ce passé, il ne reste aujourd’hui qu’un… splendide belvédère. En bas, dans la vallée de l’Aude, les toits longs et rouges d’Espéraza où se fabriquent les chapeaux ; on reconnaît Fa à son donjon wisigoth, puis des villages s’égrènent, jusqu’aux montagnes de Chalabre et du Pays de Sault. Au sud et à l’ouest, c’est la haute vallée de l’Aude, avec la forêt des Fanges qui étire toute sa sombre parure de sapins, l’Aude avec ses défilés et ses gorges taillées à pic, qui par le Carcanet, montent jusqu’en Cerdagne ; à l’est, la vallée de la Sals, couronnée par les ruines de Coustaussa, de Blanchefort et les vertèbres dénudées de Bugarach ; au nord, et en bas, Couiza et le château de Joyeuse, le manoir de Montazels, les collines odorantes d’Alet et de Limoux, et au loin, la ligne bleutée de la croupe allongée de la montagne noire. » Ce livre possède une importance capitale à nos yeux dans la référence au mythe qui nous préoccupe, puisque c’est, en réalité, le premier ouvrage qui met en avant avec évidence – quatorze années après le décès de l’abbé Saunière, ce qui est peu – les rapports circonstanciés des villageois concernant « un trésor trouvé » par le curé de Rennes-le-Château (3). Donc, dès les années 30, la légende du village accepte pour réel l’idée d’un trésor découvert par l’abbé de la paroisse. On ajoutera volontiers à ces quelques considérations d’auteur, dans le cadre de cet inventaire historique, le témoignage important de Claire Captier, qui nous signale qu’il y eut bien avant la seconde guerre mondiale des projets de fouilles discrètes, menées par des chercheurs de trésor, à Rennes-le-Château. Ajoutons bien sûr, Noël Corbu, mais bien plus tard, qui façonne à sa manière la légende du trésor du curé de Rennes-le-Château, dès les premiers mois de l’année 1953, mais touche alors seulement un public restreint de touristes de passage.

On ne peut oublier non plus, la date d’avril 1967, avec la rédaction du « rapport » de Jacques Cholet. Sans parler pour l’heure, des années 1965 à 1967, avec « les apocryphes » plantardiens déposés à la BNF, Les descendants mérovingiens ou l’énigme du Razès wisigoth en 1965, Un trésor mérovingien à Rennes-le-Château en 1966, une réédition partielle des Pierres gravées du Languedoc d’Eugène Stublein anciennement publiées à Limoux en 1884 et enfin en 1967 le fameux texte, Le Serpent Rouge des trois « auteurs », Pierre Feugère, Louis Saint-Maxent, et Gaston de Koker (4). Si l’on veut bien ajouter à ce maigre butin les différentes éditions des livres de Gérard de Sède, L’Or de Rennes, de 1967 et 1968, ouvrage curieusement élaboré, (si l’on se réfère à ce que nous venons d’écrire), entre 1965 et 1966 (5), nous avons là, posée sur la table de notre bureau, avec les ouvrages de Robert Charroux, la matière cardinale qui va composer au mitan du siècle dernier, la première pierre de touche de ce qu’il convient d’appeler « le secret de l’abbé Saunière »….

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Thierry E Garnier

L’ABC de RLC © Introduction
ARQA éditions – 2008

(1) Il est vrai que dans le même temps, en 1962, Gérard de Sède publie chez Julliard, Les Templiers sont parmi nous ou l’énigme de Gisors, livre fondateur qui doit manifestement être pris en compte dans cette présente étude.

(2) Revue Pégase numéro 12 – 2005. L’article est entièrement reproduit pages 10 & 12.

(3) À part cette étude de Jean Girou L’itinéraire en terre d’Aude, l’analyse conjointe des premiers ouvrages historiques susceptibles de nous intéresser dans notre quête, d’importance très relative ; antérieurs, contemporains et postérieurs au mythe lui-même, du Docteur Jean Gourdon sur Rennes-les-Bains en 1874, de l’abbé de Roquelaure en 1879 sur l’Histoire de la Haute-Vallée de l’Aude, de Louis Fédié sur le Comté de Razès et le diocèse d’Alet en 1880, ainsi que le Dictionnaire topographique du Département de l’Aude comprenant les noms de lieux anciens et modernes de l’abbé Sabarthès publié en 1912, et les études sur Rennes-les-Bains de 1934/35 et 1942 du docteur Paul Courrent, ouvrages qui eussent pu, à des degrés divers nous aiguiller modestement sur une quelconque piste aux trésors, il faut bien reconnaître que seul Jean Girou, écrivain et poète du début du siècle, maître ès Jeux floraux de l’Académie de Toulouse, ami du poète et homme de lettres Jean Desthieux, ami de Joseph Delteil le confrère de Pieusse, nous donne avec ce passage cité, une information de choix, que nous nous devions de relever. Bien sûr et à d’autres égards, nous n’oublierons pas le cryptogramme en forme de livre laissé par l’abbé Boudet curé de Rennes-les-Bains en 1886, La vraie langue celtique et le Cromleck de Rennes-les-Bains, mais ceci est une autre histoire.

(4) Les documents dits « apocryphes » de la BnF, ne furent découverts et pris en considération par les chercheurs pour analyse que bien plus tard.

(5) Cf. Arnaud de Sède, Préface à l’édition de L’Or de Rennes, ODS éd. 2007.