On a tendance, dans les milieux astrologiques, à vouloir faire passer la thèse selon laquelle l’astropsychologie aurait été dénaturée pour évoluer vers l’astromancie, l’astrologie divinatoire. Or, il est bien évident que c’est l’inverse qui est de loin l’éventualité la plus probable.

D’ailleurs, quand on nous parle de l’astrologie du XXe siècle, on entend souvent que le passage à l’astropsychologie constitue un progrès à mettre au crédit d’un Dane Rudhyar ou d’un André Barbault…. Il faudrait savoir.

Pour notre part, nous regrettons une telle entreprise de banalisation du recours au thème natal, lequel au lieu d’être un outil d’intervention, en cas de crise, d’urgence, deviendrait une sorte de carte d’identité, de feuille de route, vouées à nous accompagner tout au long de notre existence.

Historiquement, en effet, le thème par sa structure même est conçu pour aider un praticien à localiser un « mal » présent ou à venir. On ne va pas chez le praticien pour connaître son passé ! Le « devin » va aider ainsi à trouver la cause de la « panne », du « dysfonctionnement » ou mettre en garde contre les incidents et perturbations qui pourraient entraver le bon cours des choses. Le devin est là pour traiter du « mal », c’est-à-dire de ce qui fait obstacle et qui peut venir des causes les plus diverses, d’où la complexité même du thème natal ou de tout autre thème (horaire, révolution solaire, révolution lunaire etc).

Face au devin, à l’astromancien, il y a l’astrologue qui lui nous parle du cours normal des choses – si tout se passe bien. Avant de songer à des impondérables, il faut d’abord que les gens apprennent à vivre et à se comporter « normalement », en se conformant aux rythmes nécessaires au bon déroulement des choses. On aura compris ce qui opposent ces deux démarches. L’une traite de l’ordinaire de la vie, l’autre de l’extraordinaire.

Où se place ce qu’on appelle l’astropsychologie dans un tel paysage ? Au lieu de laisser au thème astral son caractère exceptionnel, lié à une consultation elle-même exceptionnelle et ponctuelle, il s’est produit une dérive liée à l’enseignement de cette astrologie du thème natal. Au lieu d’apprendre l’interprétation du thème pour aider autrui, pour le « dépanner », on s’est mis à vouloir devenir son propre astrologue, ce qui revenait à interroger les astres à outrance et à faire du thème un compagnon habituel. C’est ainsi que A. Volguine publia, en 1940, chez Flammarion « Soyez-vous-même votre astrologue » Que l’on devienne astrologue est une chose, que l’on devienne son propre astrologue, en est une autre ! C’est de ce revirement que serait née l’astropsychologie, c’est-à-dire un usage dévoyé du thème natal dont on connait la fortune depuis les années trente du siècle dernier, décennie qui vit paraitre, en 1936, dédié à Alice Bailey, de Dane Rudhyar . »The Astrology of Personality », sous titrée « A reinterpretation of astrological concepts and ideals in termes of contemporary psychology and philosophy ».

Il y a là un conflit épistémologique : on ne passe pas ainsi d’une méthodologie divinatoire, fondée sur un mode de tirage et censé appréhender les choses les plus aléatoires et les plus imprévisibles à une approche de la personnalité, au sens de la méthodologie psychologique et psychanalytique, exigeant une série de séances étalées dans le temps. D’où toute l’ambiguité du titre de l’ouvrage de Rudhyar et de sa « Person-centered Astrology. ». Ce faisant, l’astropsychologie devenait un objet inclassable, se servant d’un outil structurellement divinatoire pour en faire un vademecum existentiel. Cette astropsychologie est un artefact des cours d’astrologie, qui eux-mêmes apparaissent comme une série de séances bien différente de la consultation classique.

Pour notre part, nous avons orienté l’enseignement de la Faculté Libre d’Astrologie de Paris (fondée en 1975) vers la préparation de professionnels se destinant à aider les personnes venant les trouver et en n’encourageant nullement les dérives astropsychologisantes des élèves, avec une préparation aussi brève que possible. Ce qui fait problème avec cette astropsychologie, c’est qu’elle fait écran avec une astrologie générale, « centrale » qui nous parle du psychisme des humains en général et non pas de chaque cas particulier, tant et si bien que le thème deviendrait une « norme individuelle », ce qui est une aberration dans les termes, mais qui définit assez bien l’entreprise rudhyarienne..

Cette astropsychologie, quel est son avenir ? Elle nous fait penser à la Lotharingie, coincée entre la France et l’Allemagne. C’est une zone tampon qui maintient l’empire astrologique en ce qu’elle s’apparente à la fois par ses outils – on arrête le cosmos dans son cours en dressant un thème – à la divination et par l’idée d’un processus que nous devons suivre tout au long de notre vie, à une cyclicité collective. Ce faisant, l’astropsychologie brouille et embrouille le jeu dialectique du normal et du pathologique pour aboutir à une sorte de « pathologie normative ». Nous prévoyons, pour notre part, l’extinction de cette astropsychologie en rendant à la psychologie le terrain qui est le sien et la mise en vis-à-vis d’une astrologie générale qui est le lot de tous et d’une astromancie du coup par coup et du cas par cas, qui vient nous parler de tous les accidents de parcours qui peuvent affecter certains d’entre nous…

>[Jacques Halbronn]