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S’il est une planète qui résonne le plus à l’évocation du mot crise, c’est Pluton. Les interrogations, les doutes voire les inquiétudes se dressent lorsque nous observons les transits de cet astre dans une carte du ciel. Pluton, le gardien des grands mystères, celui par qui la mutation s’opère à la suite de cette descente en soi, par l’observation et l’analyse de notre part d’ombre laquelle se joue de la lumière par des incidences nocturnes.

Pluton fait appel à cette voix lointaine, à la bouche d’ombre pour reprendre les termes de Victor Hugo, né sous une conjonction Soleil Pluton Vénus en Poissons. Pluton nous invite à reprendre possession de nos pouvoirs perdus. Ces pouvoirs occultés par ce trop de réalité lequel paradoxalement de nos jours se déploie et se dilue dans le virtuel. Ce monde virtuel que d’aucuns veulent nous faire prendre pour le rêve, voire des mondes parallèles. À cette évocation, sourd des tréfonds le rire de Pluton pour nous rappeler de ne jamais confondre la corde du fakir avec le serpent. Tout être connaît dans le cours de son existence une crise. Une crise durant laquelle le sentiment d’une fin, de la petite mort l’étreint. Subitement, le monde s’obscurcit, se resserre, car la perception qui en résulte réclame une concentration, une implication totale en tant qu’acteur actif de cette mort, de cette connaissance par les gouffres (1), afin de reprendre jour sur une terre nouvelle de laquelle naîtra un être nouveau — qui dit nouveau implique au préalable, mutation, révolution, c’est-­à-dire la mort symbolique. C’est là la marque de Pluton, l’intercesseur de l’éveil, il donne et nous demande en retour de lâcher, de perdre ce en quoi, parfois, nous croyons le plus, ce plus qui nous donne le sentiment qu’en son absence la vie n’aurait plus de sens. Par cette dépossession, Pluton enseigne ainsi à se déprendre. Comment ne pas entendre Pluton lorsque Rimbaud, né sous une opposition Soleil­-Pluton sur l’axe d’horizon, écrit dans Une saison en enfer (titre ô combien plutonien) : « […] J’ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. […] Moi ! Moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre ! Paysan ! »

Par ces mots, Rimbaud évoque la chute, non dans l’acception religieuse du terme, mais cette chute en soi pour renaître à un niveau de conscience plus élevé. Pluton arrache le voile des illusions et nous oblige à ouvrir l’oeil de nuit, le seul apte à éclairer la caverne intérieure et à alimenter la lanterne sourde de l’Hermite — l’arcane IX du tarot —, faisant ainsi écho à Saturne et Pluton. Sans vraiment m’écarter du thème de mon intervention, j’aimerai cependant faire une légère incursion dans cette lame du tarot.

L’HERMITE

Observons-­la attentivement. L’Hermite est en correspondance avec Saturne et Pluton. Pourquoi ? Parce que cet arcane marque la quête incessante, la nécessité impérieuse du dévoilement et son rapport au temps en tant que composé d’énergie et de tension. Cette cape marine dont est vêtu l’Hermite nous renvoie à notre propre nuit mentale. Un pan d’étoffe s’écarte — ouverture vers l’or — et nous rappelle que le Grand Œuvre, donnant naissance à l’Adepte, repose sur la précision du geste et de l’orientation. Cette lanterne, à hauteur d’yeux, donne à voir ce que la vue ordinaire interdit. Mais elle semble reposer comme dans un équilibre suspendu, la courbure de la main formant l’arche du départ. Cet équilibre suspendu invite au dépassement, mais à la mesure du chemin parcouru. Chaque étape implique impérativement un niveau d’intégration, de conscience en l’absence desquels toute avancée serait pure illusion. Ce cheminement sous cape impose à l’esprit une mobilité inverse à sa volonté initiale, et l’entraîne à devoir se redéfinir sans cesse. De cette « rotation mentale », la notion de l’acquis devient obsolète, car, grâce à cette impulsion de dégagement, s’ouvre la brèche par laquelle s’infiltre ce que nous sommes en devenir (Ce que l’on dit de mon « je suis » éclate sur le vif car l’immédiateté de mon échappée mentale laisse sur place une enveloppe charnelle qui n’est plus mienne). Sous cette cape marine s’écoule le rouge qui se nourrit du feu. Comme le soulignait André Breton dans La lampe dans l’horloge : […] Moralement où le feu n’est plus, rien n’est plus et l’on ne saurait confondre avec le feu les braises défaillantes avec lesquelles certains se chauffent » Ce feu tient le rôle de purificateur, d’éveilleur et ranime la flamme de la soudaineté par laquelle se manifeste le flux de l’intuition, étincelle aurifère dans la nuit de l’esprit. Mais, là aussi, prudence sur le jeu du feu car la règle à suivre n’a pas de sentier(s) défini(s) par avance puisqu’il(s) se déroule(nt) à mesure que la foulée de l’esprit naît à elle-­même dans l’immédiateté de l’instant. Nous invitant ainsi au discernement, à la vigilance…

DE L’HERMITE AU MYTHE

Les résonances de Pluton dans le thème généthliaque conservent à l’échelle collective le même caractère à cette réserve près que l’on ne peut mettre sur le compte d’une seule planète les évolutions que connaît l’humanité. Ne jamais perdre de vue la notion de cycles planétaires qui tissent un réseau de forces dans lequel se conjuguent, se heurtent, s’opposent les possibles. L’un des transits majeurs que nous allons vivre sur le plan collectif est celui de Pluton dans le signe du Capricorne, signe, comme chacun le sait, sous la maîtrise de Saturne. En tant qu’astrologue, il est essentiel d’en revenir au mythe, ce langage originel sur lequel se fonde l’astrologie par le ressors de l’analogie. N’oublions pas que le mythe crée la réalité, il la fonde tout en laissant à la psyché le soin d’orchestrer sur le terrain du sensible ses propres mises en scène.

Succinctement, que nous raconte le mythe ?

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Lorsque les trois fils de Saturne : Jupiter, Neptune et Pluton se partagèrent l’univers, le ciel fut confié à Jupiter, l’océan à Neptune et le monde souterrain, le Tartare, à Pluton. Comme ses frères, Pluton fut avalé à sa naissance puis ensuite rejeté par son père Saturne qui craignait d’être détrôné. Pluton devint ainsi le gardien du royaume des morts, du monde invisible renforcé par un casque en peau de chien que lui donnèrent les Cyclopes lors de la guerre contre les Titans. Ce casque lui conférant le don d’invisibilité exprime les multiples strates des forces obscures autrement dit des puissances de l’inconscient. Cette invisibilité pleinement assumée dans le mythe s’est matérialisée dans le champ du réel par une désincarnation du fait que les hommes ne vouèrent aucun culte à Pluton, allant jusqu’à user d’euphémisme lorsqu’ils devaient l’évoquer. Ce non-dit a engendré un renforcement du refoulé, par le déni de lui faire face dans le jeu sacré du rite qui a pour fonction de maintenir le lien entre l’en haut et l’en bas, c’est­-à­dire harmoniser les puissances rationnelles et irrationnelles de la psyché. Par ce mécanisme de négation, les puissances de Thanatos gardèrent intact leur état primitif se mettant du coup en parfaite analogie avec le mythe de Pluton. De là, ces éruptions morbides, ces réactions destructrices incontrôlées, manifestations d’un irrationel négatif car non intégré dans le champ du conscient, d’aucuns diraient non conscientisés. De là aussi ces adhésions aveugles aux thèses apocalyptiques comme celle fixée au 21 décembre 2012 ! Cela marquerait selon les adeptes du catastrophisme la fin du monde. Tout commence par les Sumériens (-­ 4000 à – 1750 av J-C. environ) qui auraient découvert une hypothétique planète baptisée « Niribu », en orbite autour du soleil avec une révolution de 3 600 ans. Selon leurs calculs, cet astre devait entrer en collision avec la Terre en 2003, puis finalement 2012… La NASA est catégorique : il n’existe aucune planète cachée dans notre système solaire qui pourrait entrer en collision avec la Terre en 2012. Si cela avait été le cas, les astronomes auraient pu la suivre depuis plus de 10 ans et elle serait actuellement visible à l’oeil nu. À ceci s’ajoute la fin prétendue de l’antique calendrier Maya prévue pour le 21 décembre 2012. Ce calendrier, très complexe, ne s’interrompt pas le 21 décembre 2012 mais marque seulement le début d’un nouveau cycle, comme notre calendrier pour cette fin d’année 2009… Aucune étude historique sérieuse n’indique que les Mayas aient prévu la fin du monde pour le 21 décembre 2012.

Enfin, et pour conclure sur ce sujet, mais puisqu’il est question de Pluton, n’ayons pas peur de parler d’extinction ! Les inquiétudes sur la fin du monde s’appuient également sur un agencement des planètes dans le système solaire. En effet, le 21 décembre 2012 coïnciderait avec un alignement planétaire (la Terre, le Soleil et le centre galactique) exceptionnel, soi-disant !

Là aussi, les scientifiques sont formels : aucun alignement planétaire n’a été calculé pour les prochaines décennies et la Terre ne passera pas par le plan galactique prétendu dangereux, en 2012. De plus, chaque année en décembre, la Terre et le soleil s’alignent approximativement avec le centre de notre galaxie, la Voie lactée, sans qu’il y ait de conséquence notable. Au-­delà du grotesque de la chose, comment ne pas voir dans ce phénomène panique, le surgissement des forces obscures plutoniennes ? Ce besoin morbide qu’à l’homme de scénariser la disparition de sa propre espèce. Pluton vient frapper les trois coups en coulisse pour nous rappeler que tout est dans tout, que la grande épreuve et préparation à la vie inclue également celle de la mort ; restituant ainsi son sens initial au mot apocalypse qui est : révélation.

DU SENS PAR L’ESSENTIEL

De fait, en restant toujours dans l’observation du mythe, l’entrée de Pluton en Capricorne signe le retour du fils dans la maison du père puisque Saturne gouverne ce signe. Que faut-il comprendre par ce rappel du mythe ? Le Capricorne gouverne la période hivernale du 21 décembre au 29 janvier et symbolise la maturation, les forces d’introversion, de solidifications et de concentration. La nature s’introvertit, disparaît pour laisser place à la nudité, au dépouillement et au silence qu’il soit intérieur ou extérieur. Les puissances du dedans s’expriment librement, dégagées qu’elles sont du poids des contingences du monde phénoménal. C’est la graine enfouie dans le sol qui se livre au temps en vue d’une éclosion lointaine. Autant dire que la fulgurance, l’immédiateté, les puissances éruptives ne sont pas son apanage. C’est en quelque sorte l’expression de cet aphorisme zen : « Le temps ni ne se traîne, ni ne se hâte. » À la lecture de ces quelques caractéristiques, Pluton ne se sent pas en terre étrangère dans ce signe. Les puissances de l’invisible qui lui sont propres prennent place sur les terres arides, froides et mutiques du Capricorne. S’y conjuguent densité et intensité orientées vers un même objectif : La quête du sens par le retour à l’essentiel. Ce « retour à l’essentiel » comment pourrait-­-il s’opérer ? Quelles en seraient les modalités et sa réelle nature ? Ce retour ne saurait-­-être interprété comme une marche en arrière, un rattachement au passé comme valeur une et inaliénable, selon les diktats d’un conservatisme dans lequel le Capricorne pourrait se complaire. Si effectivement, les valeurs du passé pouvaient être revisitées, ce serait alors dans une approche critique, révolutionnaire impliquant une sélection minutieuse entre l’essentiel et le superflu. S’exercerait là une prise de conscience radicale susceptible d’en passer par la table rase. Pluton c’est la force révolutionnaire dans ce tout ce qu’elle a de névralgique, elle frappe les zones les plus profondes, les plus vulnérables, la faiblesse n’a pas droit à la parole sous son règne… Ainsi, sur le plan collectif, Pluton en Capricorne pourrait entraîner de graves crises pour les institutions, attaquer à la racine les grandes structures sur lesquelles notre histoire s’est construite et tout ce qui représente avec elles le pouvoir en place. Gardons à l’esprit que Pluton pèse les âmes après la mort, exprimant ainsi le jugement implacable mais nécessaire à toute évolution. Une nouvelle conception de la fonction politique serait ainsi à envisager dans ses fondements même. Une nécessite impérative pour ne pas dire impérieuse pour le politique d’en passer par le pôle éthique. Il va sans dire que l’exigence irait de paire vraisemblablement avec une dureté pour ne pas dire inflexibilité, on ne bâtit pas une cathédrale en un seul jour et sans en avoir reçu au préalable l’initiation.

LA MÉMOIRE DÉLITÉE PAR TROP DE MÉMOIRE

Pluton contient à la fois les puissances d’extinction et de régénération, l’une ne pouvant aller sans l’autre. « Tout ce qui ne se régénère pas dégénère. » déclarait dernièrement le sociologue et philosophe Edgar Morin né sous une conjonction Soleil Mercure Mars Pluton en Cancer. De fait, Pluton en Capricorne pose la question de la permanence, de la durée non seulement en tant que mémoire du passé, mais aussi en tant que mémoire future. Plus concrètement, depuis de nombreuses années, l’informatique se charge de notre mémoire, elle emmagasine pour nous. Toutes ces données monumentales compressées et numérisées pour être mémorisées dans des espaces de stockages se traduisant par : ramener le maximum au minimum. Ce trop de mémoire préservée grâce au procédé qu’on nomme en langage informatique « la mémoire vive » mémoire constituée de centaines de milliers de petits condensateurs emmagasinant des charges. N’y a­-t-il pas là un paradoxe susceptible de provoquer la logique expiatoire de Pluton de passage sur les terres de Saturne ? Ne pourrait-­-il pas nous contraindre (n’oublions pas l’aspect contraignant du Capricorne et de Saturne) à reconsidérer les modalités de la pérennité, à revisiter l’historicité (2) ? Nous faire prendre conscience de la permanence de l’éphémère et donc de la fragilité de notre système actuel qui, tel Kronos, engloutit l’information en vue d’une préservation de la mémoire (qu’elle soit individuelle ou collective) sans en connaître exactement sa durabilité, sa fiabilité, autrement dit sa résistance dans le temps. Pluton « capricornisé » pourrait donc nous obliger à davantage renouer avec la mémoire ontologique, celle de l’homme contre la mémoire virtuelle, celle de l’informatique. Attardons-nous quelques instants sur l’important et inquiétant alignement planétaire dissonant que nous allons connaître durant l’été prochain : la conjonction [Jupiter/Uranus opposée à Saturne], l’ensemble au carré de Pluton.

Outre « les effets » que ces configurations risquent d’avoir sur le plan socio-économique se traduisant par la grande richesse face à la précarité, la pauvreté : [Jupiter-Uranus opposés Saturne], le tout baignant dans un climat d’angoisse et de révolte : [carré Pluton], nous pouvons également voir à un autre niveau d’interprétation les puissances de la modernité [Mars -Jupiter – Uranus] entravées, freinées, voire stoppées [opposées Saturne] ; l’ensemble « anéanti » par le carré Pluton imposant une halte, c’est-­à-dire l’amorce de la fin d’un monde et non la fin du monde.

La création technologique se révoltant par un dérèglement général, plaçant ainsi l’homme en position inférieure, dépassé par sa propre création ; la créature dominant son créateur : [Mars – Jupiter – Uranus carré Pluton] exigeant de ce dernier qu’il révise sa conception et son rapport au temps et de là à sa propre histoire en devenir. Pluton vers lequel convergent les dissonances [Mars – Jupiter – Uranus opposés Saturne] formant le creuset à partir duquel doivent s’opérer les mutations voire les transmutations.

LE TEMPS DE LA PRÉSERVATION

Pluton « capricornisé » évoque aussi l’exigence et la profondeur, et donc implicitement les forces structurelles. Ainsi, la question de la préservation de la planète occupera de plus en plus le centre du débat collectif et politique. L’importance de plus en plus croissante de l’écologie, mouvement appelé à occuper nécessairement une place dominante dans le futur. L’entrée de Neptune en Poissons en 2012 viendra vraisemblablement renforcer ce courant par l’émergence d’une vision et d’une pratique holistique de la vie. Peut-­-être un nouvel humanisme entraînant un nouveau paradigme sur le plan spirituel ?

Neptune entretenant au fil des ans un sextile large par alternance avec Pluton, calmera les débordements mortifères, destructeurs susceptibles d’imposer leur plein pouvoir. Neptune jouant comme antidote, en humanisant les bas instincts et en diluant les scories propres à Pluton.

Je parlais de l’édification et donc implicitement de tout ce qui constitue la structure. L’urbanisme pourrait connaître une évolution pour ne pas dire une révolution de taille. Créer des lieux d’existence à dimension humaine en tenant compte des exigences et des impératifs que la planète Terre imposera de gré ou de force… En effet, le Capricorne symbolise la montagne, la puissance sourde et contenue de la terre. La présence sur ses terres de son fils, Pluton, pourrait libérer cette colère et entraîner de puissantes réactions : séismes, éruptions volcaniques, la terre gronde en sourdine… mais ne saurait se taire plus longtemps encore si elle se sent menacée. Le Capricorne comme dit précédemment symbolise la rétraction, ce qui se solidifie, se densifie, le noyau en quelque sorte ; Pluton véhicule les puissances de régénération, cette association pourrait donc avoir des implications positives dans la recherche médicale, la micro-chirurgie, notamment dans le domaine de la génétique, domaine qui va connaître un puissant essor, mais qui nécessitera des règle strictes sur le plan déontologique. 02.jpg On associe souvent et à juste titre le mythe de Faust à Pluton. En l’état actuel des connaissances scientifiques et des possibles qu’elles augurent, le mythe du Golem peut aussi nous apporter un éclairage intéressant sur Pluton en Capricorne. Comme tous les mythes, celui du Golem a différentes approches et interprétations. Pour ma part, je m’en tiendrai à celles de la tradition cabaliste. Conçu à partir de l’argile rouge, le Golem a, au commencement, la taille d’un enfant. Le cabaliste inscrit sur le front du Golem le mot emet qui signifie en hébreu : vie.

Le Golem devint aussitôt doué de mouvements, de sensibilité, de vie et se meut en esclave obéissant. Mais sa croissance est spectaculaire et illimitée, il prend de plus en plus de force et d’autonomie ! La seule solution pour stopper cette croissance susceptible de le rendre incontrôlable et par conséquent dangereux pour l’humanité, est de retirer le alef, la première lettre du mot emet pour obtenir le mot met qui signifie mort en Hébreu et ainsi anéantir la créature. En ramenant ce mythe sur le thème de Pluton en Capricorne, que faut­-il comprendre ? L’homme voulant se substituer à Dieu en créant lui­-même la vie, cherche ainsi à destituer de sa fonction son père Saturne, le maître du temps et du destin. Mais cette créature engendre à nouveau le mythe de Saturne par le complexe du pouvoir, de la rivalité et ainsi de l’engloutissement en devenant une menace pour l’homme, son créateur. Une seule solution pour l’homme afin de préserver son espèce : détruire son prolongement, sa propre créature, qui lui octroyait une place équivalente à celle de dieu, faisant de la sorte
appel aux puissances expiatoires de Pluton, gardien des grands mystères dans la Tradition. Autrement dit, la conjuration du fatum pour ne pas sombrer dans les ténèbres de plomb.

DES TÉNÈBRES CÉLESTES À LA LUMIÈRE SCIENTIQUE

Nous allons à présent procéder à une sorte d’atterrissage, mais pour mieux nous élancer vers le cosmos. Un bref rappel astronomique. La découverte de Pluton a pour origine l’observation, vers la fin du XIXe siècle, de perturbations dans le mouvement d’Uranus et de Neptune. Les astronomes pensaient ainsi parvenir à découvrir une neuvième planète. Perceval Lowell, astronome et fondateur en 1894 de l’observatoire de Flagstaff situé à 2000 mètres d’altitude dans l’Arizona, entreprend en 1905, secondé par Clyde Tombaugh, des séries de photographies pour découvrir cette hypothétique planète. N’obtenant aucun résultat au bout de 3 ans, il renouvelle cependant l’expérience 6 ans après. En vain. Découragé, il abandonne ses travaux pour se consacrer à sa passion première : la planète Mars. Il meurt en 1916. Clyde Tombaugh poursuit les recherches. Nuit après nuit, il photographie le ciel puis compare par paire les plaques photographiques à l’aide d’un « comparateur à clignotement » ; appareil qui a pour fonction de voir parmi les milliers de points lumineux, si l’un d’entre eux a changé de position. Après 14 années, d’un travail inlassable et méticuleux, l’analyse des plaques photographiques révèle d’une plaque à l’autre, le mouvement d’un point. C’est le 18 février 1930 que l’équipe de l’observatoire découvre une neuvième planète. La nouvelle sera rendue officielle le 13 mars (date anniversaire de Perceval Lowell). Pluton sera le nom donné à cet astre parce qu’il est si éloigné qu’il reçoit peu de chaleur et de lumière du Soleil, et aussi parce que les deux premières lettres de Pluton correspondent aux initiales de Perceval Lowell.

01.jpg À plus de 7 milliards de kilomètres dans sa phase aphélie, Pluton est invisible à l’oeil nu. Son diamètre équatorial est de 2300 km, soit plus petit que la Lune (3474 km) et sa masse est plus faible que celle de la Terre. Considérée comme une planète à part entière, Pluton s’est vu ramené au statut de « planète naine » par l’Union Astronomique Internationale le 24/08/2006 à Prague. À cette occasion, une nouvelle définition du mot planète a été créée : Objet sphérique gravitant autour du Soleil sans aucun corps sur sa trajectoire. Faisant partie de la ceinture de Kuiper qui véhicule des tas d’objets dans sa course, Pluton se vit ainsi rétrogradé au statut de « Planète naine ». Comme le souligne le scientifique Henry Throop : « La question de savoir si Pluton est une planète ou non est plus une question sociologique que scientifique. » et de préciser avec humour : « C’est comme vouloir établir la différence entre un caillou et une pierre. » Au-delà de ce subterfuge qui s’appuie sur le seul jeu du langage, il est troublant de constater combien l’astre de l’invisibilité, du mystère, des zones obscures de la psyché suscite de remous dans l’inconscient collectif de la communauté scientifique. Un peu comme si Pluton venait provoquer les puissances rationnelles. Au fond, tout ceci ne reviendrait–il pas à vouloir inconsciemment occulter la planète de l’occultation ? Mais ce serait oublier qu’au royaume de Pluton, seuls les voyants sont les rois !

On ne conjure pas les jeux de l’inconscient par le simple recours à la raison. Cette volonté d’écarter, de voiler Pluton se trouve contrée par l’envoi dans sa direction d’une sonde spatiale appelée « New Horizon ». Selon les estimations de la NASA, cette sonde devrait atteindre Pluton en été 2015. À cette période, Pluton sera à l’opposition de sa position en Cancer lors de sa découverte en 1930, c’est-à­-dire à son demi-cycle. On m’objectera que Pluton était déjà entré dans le signe du Capricorne en 1762, alors pourquoi considérer l’année
1930 ? Parce qu’à cette date, l’homme l’a perçu, identifié et baptisé et n’oublions jamais que nommer, c’est insuffler la vie. De ce fait, Pluton entrait dans le champ du connu et prenait paradoxalement place dans le conscient collectif. Par conséquent, l’arrivée de la sonde New Horizon lors du demi-­cycle créera une objectivation de Pluton par le fait que pour la première fois l’homme aura un contact réel, matériel avec cet astre symbolisant l’invisible, le mystère, l’impalpable.

Pour conclure, dans cette sonde a été déposée une urne funéraire contenant les cendres de son découvreur : Clyde Tombaugh. Quelle plus belle démonstration de la puissance du mythe que cette offrande de l’homme faite au dieu du royaume des morts. Restituer à Pluton sous sa forme mortelle l’homme qui lui a en quelque sorte donné vie ici-bas. La permanence éphémère de l’être au-­-delà de sa forme charnelle trouve ici sa pleine et éternelle dimension. Ceci démontre que quoi qu’il dise, quoi qu’il pense et quoi qu’il fasse, l’homme est bel et bien habité par le processus astrologique…

Fabrice PASCAUD © Conférence du 6 mars 2010 pour le congrès Astrologique // (Source – Sep Hermes) – & Les Chroniques de Mars – Février 2011.

* * *

(1) Henri Michaud.

(2) « Si je veux vivre, je dois oublier que mon corps est historique, je dois me jeter dans l’illusion que je suis contemporain des jeunes corps présents, et non de mon propre corps passé. Bref, périodiquement je dois renaître, me faire plus jeune que je ne suis. […] J’entreprends de me laisser porter par la force de toute vie vivante : l’oubli. Il est un âge où l’on enseigne ce que l’on sait; mais il en vient aussi un autre où l’on enseigne ce que l’on ne sait pas : cela s’appelle chercher. Vient peut-­-être maintenant l’âge d’une autre expérience : celle de désapprendre, de laisser travailler le remaniement imprévisible que l’oubli impose à la sédimentation des savoirs, des cultures, des croyances que l’on a traversés. » Leçon inaugurale au Collège de France : Roland Barthes (Soleil en Scorpion. Mercure du Scorpion au trigone de Pluton en Cancer).

Le site de Fabrice PASCAUD

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