Nous avons actuellement Uranus dans notre collimateur car ce « chouchou » des astrologues d’aujourd’hui n’est pas sans faire problème en ce qu’il est révélateur d’un certain nombre de failles tant dans la pensée que dans la pratique astrologique. Et nous espérons que les personnes de bonne foi ne continueront pas comme si de rien n’était à passer un disque rayé.

Il convient d’abord de bien comprendre que la valeur uranienne correspond au « grain de sable », qui peut tout changer, tout empêcher, quelque chose de si petit qu’on ne l’avait pas vu venir mais aux effets pouvant néanmoins être considérables. Petites causes, grands effets. Uranus n’est pas la montagne qui accouche d’une souris mais la souris qui accouche d’une montagne. D’ailleurs, le fait qu’Uranus soit très difficilement visible et soit pratiquement resté invisible des siècles, des millénaires durant, renforce ce statut du détail que l’on a négligé et qui « tue ».

Mais il y a là une bizarrerie historique qui fait que dans le système solaire, il existe deux cas d’astres invisibles, ceux qui sont trop loin du soleil et ceux qui en sont trop proches. Jusqu’à la découverte d’Uranus, c’était la première option qui seule était ouverte et Mercure était un astre difficile à repérer1], un astre furtif lié à un dieu réputé être le patron des voleurs, qui généralement interviennent en un clin d’œil. On connaît aussi le cas de Vulcain, nom accordé à l’ « objet Lescarbault », censé se trouver entre Mercure – avec donc une vitesse de l’ordre de celle de la lune – et le soleil et qui finit par désigner dans certains manuels d’astrologie, comme celui d’André Barbault, l’une des planètes transplutoniennes.

Uranus est dans une situation bien étrange : il est invisible parce qu’il est lent et éloigné du soleil. Mais sa lenteur aurait du le disqualifier d’entrée de jeu pour incarner le changement et tout particulièrement le changement brusque, inopiné, soudain. Or, comment sérieusement un astre aussi lent qu’Uranus pourrait-il faire l’affaire ? Même chez l’astrologue le plus complaisant, cela ne saurait tenir et pourtant, comme l’on sait, cela tient.

Mais examinons le dossier des tenants d’Uranus en ajoutant que la question n’est pas ici de savoir si la planète Uranus exerce quelque effet mais de savoir si cet effet peut être celui que la « néo-tradition » astrologique lui confère. Nuance ! Car quant au dieu Uranus, rien ne nous obligé à l’associer à l’idée de changement et de soudaineté.

On nous dit que l’on peut remarquer que le passage d’Uranus, notamment en transit, se « fait sentir ». Mais si Uranus prend la place d’une planéte rapide, comme la Lune ou comme Mercure- cela signifie que si l’on avait utilisé Lune ou Mercure, il y aurait de nombreuses occasions de changements, plus nombreuses par définition qu’avec Uranus, tellement plus lent, puisque l’on passe carrément de quelques semaines à plusieurs dizaines d’années.

C’est le concept même de changement qui nous semble mal maîtrisé car au niveau temporel, Uranus est un super-Saturne, qui occupe un des domiciles de Saturne (verseau), c’est-à-dire une force qui se développe et se déploie lentement, qui agit en profondeur, ce qui sera bien décrit pour Pluton qui est trois fois plus lent qu’Uranus.

Or, quand on entend des astrologues ou des astrophiles parler des effets d’Uranus, cela ne ressemble nullement à un processus lent. On nous objectera que les effets d’Uranus, quant à eux, seraient durables, prolongés. On a l’impression d’une définition hybride : changement rapide ou changement durable ? De la sorte, l’astrologue gagne à tous les coups, puisque c’est l’un ou l’autre, tantôt l’un, tantôt l’autre…

Si l’on prend pour hypothèse que nous sommes en permanence sujets à des changements, il suffit d’une seconde d’absence, de distraction et tout bascule. Alors pourquoi un aspect d’Uranus ne correspondrait-il pas en effet à l’un de ces moments, parmi cent autres ? Ce qui vaut pour un astre rapide vaut automatiquement pour un astre lent, d’autant que le temps de passage d’Uranus étant lent, cela pourra aisément recouvrir le temps de passage d’un astre rapide.

Nous avons déjà signalé cette négligence méthodologique consistant à ne pas rechercher d’alternative à une corrélation. Ce que l’on cherche à expliquer par le facteur A peut fort bien s’expliquer par le facteur B. Le cas de 1989 et de la conjonction Saturne-Neptune est exemplaire d’une telle négligence car ce que l’on a expliqué par cette conjonction peut s’expliquer autrement tout comme ce qu’on tente d’expliquer par Uranus peut s’expliquer autrement, au moyen notamment d’un astre plus vif. Il y a ici décalage entre signifiant (un astre lent, lointain, obscur) et signifié (un effet soudain, remarquable).C’est dire que le dossier Uranus est bien difficile à défendre.

Mais là nous touchons à la mentalité uranienne des astrologues. On sera d’accord pour admettre qu’un individu est moins massif qu’un groupe, que toute une société et l’on sait qu’Uranus fait partie des planètes générationnelles, du fait même qu’il est à la même place zodiacale chez les gens nés la même année ou sur plusieurs années successives. Nouvelle contradiction. Comment une planéte lente pourrait-elle incarner l’individualité, le personnage qui, à lui tout seul, parfois, peut enrayer, saboter tour un processus, toute une entreprise ? Là encore, ce que l’on nous dit astrologiquement d’Uranus correspond à une planète rapide et non à une planète lente !

Cela dit, l’individu uranien pourra prendre plaisir à se mettre en uranien qui malheureusement ne saurait relever de la planète Uranus. Là encore, il y a comme une guerre entre planètes rapides et planètes lentes. A l’évidence, les valeurs uraniennes sont incompatibles avec un astre lent.

C’est l’occasion de rappeler que lors de la consultation astrologique, l’astrologue ou/et son client utilisent des concepts dont ils ne contrôlent pas les tenants et les aboutissants. On est là dans un flou très neptunien, on est dans le brouillard et l’on y prend aisément des vessies pour des lanternes. Cette notion de changement qui semble bel et bien être au cœur de la problématique astrologique est bien mal assurée. Il y a des changements obéissant à des cycles relativement lents et il y a des changements relevant de cycles plus rapides. Or Uranus est plus lent que Saturne, en tant que planète. On n’en sort pas. D’ailleurs, au niveau même de la topographie du système solaire, en passant par le dispositif des domiciles, si une planète doit prendre le contrepied de Saturne, elle doit se placer à son opposé dans le zodiaque et non à ses côtés, Or, la tradition, dans sa sagesse, a placé les planètes rapides dans une moitié du zodiaque (soleil, lune, mercure, vénus, mars), du bélier au scorpion, et les planètes lentes dans l’autre ( Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, Pluton), du scorpion aux poissons[2]. Ne parlons pas du rapport aux saisons : comment assigner à une seule et même saison des valeurs aussi opposées que Saturne et Uranus, dans deux signes successifs (Capricorne et verseau, Saturne restant d’ailleurs lié au verseau) sauf si bien entendu on est disposé à repenser de fond en comble la signification d’Uranus ? Comment d’ailleurs imaginer que la tradition astrologique aura eu à attendre la découverte d’Uranus pour intégrer les valeurs que l’astrologie contemporaine associe à cette planète découverte en 1781 ? La rapidité de nombre des planètes du Septénaire faisait parfaitement l’affaire, de la Lune jusqu’à Mars. Quant à Jupiter et Saturne, ils avaient pour tâche de représenter les lents changements historiques, de par notamment le cycle que les deux planètes formaient entre elles.

L’on connaît en vérité les raisons qui poussèrent les astrologues du XIXe siècle à associer à Uranus l’idée de changement brusque.[3]. Cela tint à des considérations politiques à savoir la volonté d’expliquer, chez les astrologues anglo-saxons de l’époque, par l’apparition d’un nouvel astre les événements terribles s’étant produits en France comme ce sera le cas pour Pluton en rapport avec ce qui se passait en Allemagne, dans les années 1930. Quant à l’ère du Verseau, fondée sur la précession des équinoxes, elle obéit également à des enjeux politico-religieux, étant donné qu’elle émane de milieux hostiles à l’Eglise Romaine, au cours des mêmes décennies, marqués par le protestantisme, par la théosophie, les Témoins de Jéhovah etc et désireux d’annoncer son terme et l’avènement d’une nouvelle « ère ». Or, l’on sait qu’Uranus sera associé au signe du Verseau.

Selon nous, Uranus de toute façon, ne fait sens en astrologie que dans une approche divinatoire. Il marque la frontière, effectivement, entre une astrologie scientifique, saturnienne et une astrologie oraculaire uranienne occupée d’annoncer ce qui est échappe à la logique saturnienne. C’est un peu le Cheval de Troie de l’astromancie. Au vrai le débat sur la vitesse d’Uranus est relatif car en directions primaires, toutes les planètes progressent d’un même pas, de la Lune à Pluton, ce qui est précisément l’occasion de préciser que les directions primaires, lesquelles ne respectent aucunement la réalité astronomique, constituent, elles aussi, une technique fortement douteuse au regard de l’astrologie scientifique. C’est pourquoi, à juste titre, Jean-Pierre Nicola les a exclues de son astrologie conditionnaliste alors même, malheureusement, qu’il faisait tout pour intégrer les trois planètes transsaturniennes au cœur même de la pensée astrologique.[4]. (RET). Il convient donc de rétablir en astrologie l’idée d’une dualité centrale, entre le plan soli-lunaire incluant l’escorte solaire (Mercure et Vénus), dont l’élongation par rapport au soleil est restreinte) et le plan Mars-Jupiter-Saturne.( dites extérieures par opposition à intérieures (à l’orbite terrestre). C’est probablement la perte de conscience d’une telle dualité qui aura conduit l’astrologie contemporaine à introduire une nouvelle dualité entre septénaire et planètes transpersonnelles.(Uranus, Neptune, Pluton). Le fait que l’on ait attribué les domiciles de ces trois planètes à des signes initialement attribués à Mars (Scorpion), Jupiter (Poissons) et Saturne(Uranus) fait apparaître un double emploi parfaitement inutile et redondant.

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Jacques Halbronn