« La seule initiation que je prêche et que je cherche de toute l’ardeur de mon âme est celle par laquelle nous pouvons entrer dans le cœur de Dieu et faire entrer le cœur de Dieu en nous pour y faire un mariage indissoluble qui nous fait l’ami, le frère et l’époux de notre Divin Réparateur. Il n’y a pas d’autres moyens pour arriver à cette sainte initiation que de nous enfoncer de plus en plus jusque dans les profondeurs de notre être et de ne pas lâcher prise que nous ne soyons parvenus à en sortir la vivante et vivifiante racine. »
Louis-Claude de Saint-Martin.
L’année 2003 sera marquée par un bicentenaire particulier, un anniversaire, celui de Louis-Claude de Saint-Martin (Amboise, 18 janvier 1743 – Aulnay, 14 Octobre 1803), à qui Arcadia rendra un hommage filial dans les prochains mois.
Parmi les œuvres importantes de Saint-Martin, Le Crocodile reste une œuvre majeure, à part, dans la bibliographie du Philosophe Inconnu. Publiée en 1799, elle est toute imprégnée du déchirement d’une nation, la France, en pleine période de troubles révolutionnaires, mais n’est-elle pas également, œuvre prophétique ?
En quoi le message martiniste est-il vivant aujourd’hui en ce XXIe siècle et porteur de sens dans notre monde moderne, voilà le questionnement que nous aimerions soulever au débat. Comme le fait remarquer Paul Coroze (1) dans sa présentation du Crocodile, « pour Saint-Martin, son œuvre écrite, publiée, n’est qu’une partie secondaire de son action, de ce qu’il appelle « ses desseins ». Il était convaincu de l’importance essentielle de la transmission orale de l’ésotérisme, de l’initiation individuelle de quelques disciplines, et ne croyait pas devoir ou avoir le droit de divulguer publiquement les plus importantes de ses connaissances.» Si pour Saint-Martin l’esprit souffle où il veut, quand il veut, sans que nous sachions d’où il vient, ni où il va, on veut croire avec le Philosophe Inconnu, que ce « où il va » dans un au-delà spatial et temporaire, nous atteint et nous concerne au plus haut, nous touche ici et maintenant, pour que cette œuvre authentique et collective de rédemption des âmes se poursuive et s’induise, inexorablement s’introduise dans une Sainte alliance, pour qu’enfin avec Louis-Claude nous puissions dire que cette œuvre, son œuvre, mais aussi notre œuvre, qui a sa base et son cours dans le Divin, ne manquera pas d’avoir aussi son terme -essentiel- dans ce même Divin.
En cette aurore millénariste où le fléau agrégatif des pourritures humaines conçoit la décadence comme un exercice stylistique, quand les éléments dissolvants s’activent, s’arc-boutant sur les clepsydres du Temps, nous entrevoyons, pour notre part, une autre voie, un autre schème, une transparence de l’Absolu qui, sans parti pris, sans loges ni écoles, ni chapelles, ni mirages, ni transmissions, ni grand-maîtres, ni anathèmes, nous laissera pour portrait de Saint-Martin, Philosophe et Inconnu, celui d’un initié en exil, capable d’enseigner la brisure du cœur mieux que la brisure du chef (2). Sans cesse désireux de faire in-connaître la destruction de la mort, par une co-naissance du dedans, de l’intériorité de l’Etre, apologétiquement entendu, en subtils atermoiements, dans un temple à venir où tous les hommes seront rois et où le désir de l’Homme conjoindra celui de l’homme de désir.
Les Bergers d’Arcadie
(1) Paul Coroze – Les Anticipations du Crocodile- Triades – No 1, 1962, p 24.
(2) « Ce n’est point la tête, qu’il faut casser, pour avancer dans la carrière de la vérité, c’est le cœur. » Louis-Claude de Saint-Martin.