La Symbolique de la Table Ronde dans la Légende Arthurienne
Sans faire implicitement référence à Arthur et au Graal, il semblerait que vouloir traiter uniquement de la Table Ronde soit d’un domaine proche de l’impossible. L’idéal aurait été de présenter trois chapitres essentiels: « Arthur », « Le Graal » et « La Table Ronde » regroupés dans une sorte de triptyque littéraire. Premièrement : Arthur et l’enfance du légendaire Arthurien, ensuite le Graal à l’apogée du Royaume d’Arthur pour finir avec la Table Ronde parachevant les aventures chevaleresques.
Malgré la passion et le plaisir qui sont les nôtres, connaître tous les rouages secrets qui président et animent cette vaste saga, depuis la naissance de Merlin à la mort du Roi Arthur, nous oblige à rester raisonnable dans le présent cadre d’un seul article. Tout ceci aurait été long, bien trop long, pour vite devenir insupportable par le flot des images, même résumées en un temps record ! La sagesse a donc été de ne traiter que le sujet de la Table Ronde, seule, dans son espace éthique propre à sa mysticité.
Voici donc ce sujet, quelque peu « débridé » de son contexte général d’aventures… de quêtes… et de chevalerie habituelle, pour finalement ne garder qu’un reflet purement symbolique et conceptuel d’une fresque de si grande tonalité afin de mieux en saisir les véritables et passionnantes valeurs. Approchons-nous de cette Table qui découle des trois fonctions; Royale, Religieuse, Militaire, et qui finalement ne font qu’un tout dans l’œuvre Arthurienne et Graalienne. Dans le contexte de ce que nous savons sur la Légende Arthurienne, Arthur et de certaines cotations bien particulières sur le Graal, il nous faut répondre pour être complet sur ces sujets, …et dans la Chevalerie Arthurienne, que représente donc la fameuse « Table Ronde » ?
En 1155, l’écrivain Anglo-normand, Wace, un clerc né à Caen interprète avec une certaine liberté « L’Histoire des Rois de Grande-Bretagne, (Historia Regum Britannia) de Geoffroy de Monmouth, évêque des Galles du Nord, qui lui-même avait repris dans un sens plus authentique, une « Histoire des Bretons » d’un certain Nennius au IXe siècle.
Dans cette Histoire passablement fabuleuse des temps anciens, Nennius raconte pour la première fois des histoires parfois encore dans la mémoire collective, où apparaissent les exploits d’un chef de guerres (Duc Bellorum), dénommé Arthur. Arthur gagne une douzaine de batailles dont sa célèbre victoire de Badon, sur les envahisseurs Saxons, en Domnonée, qui correspond aux actuelles régions du Somerset, du Devon, et de la Cornouaille. Wace puise donc à ces deux sources, Nennius et Geoffroy de Monmouth ses prédécesseurs en la matière. Son oeuvre le « Roman de Brut », est une chronique à la mode de l’époque sur de lointaines origines Troyennes, (Brutus) ! Qu’il dédie à Henry II Plantagenet et Aliénor d’Aquitaine. Cet ouvrage sera suivi du « Roman de Rou », (pour Rollon), premier Duc de Normandie. Sur le plan strictement Historique, à propos de Rollon, il me semble opportun de mettre en relief, une page importante de notre Histoire de France qui aura de graves conséquences au Moyen Age dans le développement de notre Occident et pour ce qui nous intéresse, sur la naissance des romans Arthuriens écrits en Français dans l’entourage des Plantagenet, souverains Anglo-Normands des deux cotés de la Manche. C’est le Roi de France Charles le Simple qui, par un accord à Saint-Clair-sur-Epte en 911 donna au Viking, Rolon, le soin d’assurer la défense et l’administration des terres de l’ancienne Neustrie, jusqu’aux marches de Petite-Bretagne. C’est donc cette prise en charge de ce qui va devenir la Normandie, qui sera le théâtre d’événements historiques lourds de conséquences pour la suite.
En effet, événement rarissime! Depuis la Normandie, le Duc Guillaume conquiert l’Angleterre à la bataille d’Hasting en 1066, et devient Roi D’Angleterre. (Duc – Roi, et la nation anglaise est née). A son tour 40 ans après, jour pour jour avec la fête de l’archange Saint-Michel !…, Henry 1er, son fils, s’empare de la Normandie, victoire à Tinchebray sur le continent, sur son frère, Robert, Duc de Normandie. Un roi anglais commande le Duché de Normandie. Les premiers arguments des deux guerres de cent ans sont en place, pourrissant et bouleversant toute cette période du Moyen Age.
Pendant cette période trouble, l’écrivain Wace décrit la cour d’Arthur où se dessine la figure de Merlin. Ces événements sont sensés se passer au VIe siècle et suivant la coutume celte de s’asseoir en cercle autour du Roi, pour la première fois Wace fait mention de la « Table Ronde ». (…) « Pour ses nobles Seigneurs dont chacun s’estimait le meilleur, dont nul ne savait qui était le moins bon, Arthur fit faire la Table Ronde dont les Bretons racontent bien des récits. Les seigneurs y prennent place, tous chevaliers, tous égaux. Ils avaient à la table une place égale et étaient servis de la même manière. Aucun d’eux ne pouvait se vanter d’être assis plus haut que son égal ».
Il est probable que la connaissance de l’auteur sur des traditions très anciennes, fait appel, en dehors des œuvres écrites dans les chroniques historiques Britanniques, à des récits qui remontent aux institutions bardiques transmises d’abord oralement, puis codifiés par des moines au début de l’ère chrétienne. Depuis l’âge du bronze et du fer, ces premiers individus qui revivent ainsi, furent-ils membres d’une famille? D’une tribu? D’une caste? D’une secte? Furent-ils des chasseurs? Des guerriers? De toute évidence, nos ancêtres païens furent un peu de ceux-là, mais cette notion d’unité par quelques hommes réunis en cercle ou en rond, atteste déjà une volonté d’être proche et attentif les uns aux autres, autour d’un foyer. Le feu est suffisamment symbolique avec le soleil pour donner notion de « vie » et la flamme notion « d’esprit », pour que s’introduisent dans le groupe des notions d’ombre et de lumière, d’existence et de mort dans ces « festivités » communes, qui précédèrent des unions politiques.
En résonance de ces adorateurs du feu, voici l’extrait d’un hymne Védique qui remonte peut-être à ce tronc commun primitif des Celtes :
... « Feu, feu sacré! Feu purificateur, toi qui dors dans le bois et monte en flamme brillante sur l’autel, tu es le coeur du sacrifice, l’essor hardi de la prière, l’étincelle divine cachée entre toute chose et l’âme glorieuse du soleil ».
Georges A. D. Martin – texte inédit / Arcadia © Avril 2003.
Voir de Georges A. D. Martin aux éditions ARQA :
La Symbolique de la Table Ronde
Voir de Gil Alonso-Mier aux éditions ARQA :
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