On ne cessera de le répéter, l’astrologie est née d un projet de transposer la cyclicité soli-lunaire sur un plan supérieur, la preuve en étant que l’on a projeté au niveau stellaire les 12 mois soli-lunaires, ce qui a donné les constellations. On est en fait passé d’une astronomie primitive basée sur la succession des nouvelles ou/et des pleines lunes, avec l’idée de « croissant », reprise par l’Islam, à une numérologie fondée sur le 12 et sur le 7, non pas du fait des planètes(d’ailleurs les luminaires ne sont pas des planètes, au sein du septénaire qui nous apparaît comme une construction qui ne fait sens que numériquement) mais du fait du nombre de jours quand on divise un cycle en 4, comme pour le cycle soli-lunaire.(avec les demi-lunes), division que l’on va d’ailleurs projeter sur le cycle solaire avec les 4 saisons qui pourraient aussi bien être huit, vu que le cycle saisonnier se prête à toutes les subdivisions imaginables, du fait qu’il n’est pas sous-tendu par un phénomène céleste matérialisé. Par la suite, on aura voulu retrouver les nombres de la Lune dans le cosmos et cela fut la découverte de Saturne, quand il ne fut plus confondu avec les étoiles fixes, laquelle planète avait le même profil numérique. [1]. Dane Rudhyar avait bien pressenti l’importance de ce parallèle Lune-Saturne qui est au cœur de son système prévisionnel, sur la base d’un jour pour un an qui est exactement le rapport entre ces deux astres…
Mais pour que Saturne joue pleinement son rôle de Lune supérieure, encore fallait-il bien évidemment qu’il conservât ses données numériques. Dès lors, l’idée même de relier Saturne avec une autre planète apparait comme une absurdité numériquement parlant. Quand on commence, en effet, à combiner Saturne, que ce soit avec Jupiter (conjonction tous les 20 ans), avec Uranus (tous les 44 ans), avec Neptune (tous les 35/36 ans), on fait totalement éclater la base numérique de Saturne. Si Saturne était une tour, ce serait celle de Babel, quand on passe de l’unité à la multiplicité. Et qui plus est, on introduit des planètes inconnues de l’Antiquité et de surcroît invisibles à l’œil nu, ceci expliquant cela…
Il est donc aisé de comprendre que l’astrologie a commencé sa chute au moment où le cycle de Saturne n’a plus été respecté alors même que l’Humanité l’avait intégré. Dans la vie, il faut savoir corriger les erreurs, les rectifier mais n’est-ce pas précisément le grand problème de ceux qui viennent à l’astrologie que de ne pas savoir ou pouvoir retrouver la norme au point d’ailleurs de se demander s’il y en a une, sur laquelle tout le monde pourrait se mettre d’accord ? Selon nous, la demande d’astrologie serait liée à un défaut du système régulateur, permettant de diagnostiquer instinctivement les facteurs de perturbation affectant le bon ordre des choses sans tomber dans une sorte de manichéisme, avec une multitude de bonnes et de mauvaises fées. C’est pourquoi semblent bien mal placés pour parvenir, par eux-mêmes, à une « révolution », c’est-à-dire au retour à ce qui a précédé le désordre. Pour que l’astrologie fasse sa révolution, il importe qu’elle sache retourner à sa structure d’origine.
Quelle était-elle ? On a dit plus haut que Saturne était la clef de voûte de tout l’édifice astrologique. Il n’est pas tant interface entre planètes visibles et planètes invisibles- ce qui est anachronique du point de vue de l’Antiquité- qu’entre le monde des planètes et celui des étoiles fixes. Le cycle sidéral de Saturne n’implique nullement des aspects avec d’autres planètes plus lentes ou plus rapides, qui en modifieraient le cycle (ainsi le soleil se conjoint à Saturne une fois par an et la Lune une fois par mois) mais passe par le Zodiaque qui est le garant de l’orthodoxie cyclique des planètes. On peut soit considérer le passage de Saturne sur les axes d’équinoxe et de solstice – mais cela reste assez abstrait visuellement- soit sur certaines étoiles, ce qui est la pratique qui permet précisément de fixer la durée de révolution d’une planète. Par exemple, si l’on prend Sirius, Saturne repassera tous les 29 ans et quelque sur cette étoile – ou du moins à son niveau de perspective. On peut aussi découper le cycle de Saturne en 4 semaines de sept ans et donc l’articuler sur quatre étoiles fixes formant un carré dans l’espace. De la sorte, l’on dira que tous les 7 ans, on entre dans une nouvelle « semaine » d’années, ce qui est très facile à suivre pour les gens, sans même avoir à observer le ciel. Les événements d’un même type sont distants les uns des autres d’un multiple de 7. En fait, dans bien des cas, ce que l’on cherche à expliquer par tel cycle de deux planètes ou par le retour d’Uranus sur sa position radicale (dans le thème de naissance) – ou l’opposition d’Uranus à la dite position- peut aussi s’expliquer par le fait qu’on a là des multiples de 7. Idem pour Saturne- Neptune. Au lieu d’en revenir à Saturne, on explique les choses par toutes sortes de moyens, tantôt ceci, tantôt cela.
Un des autres très graves inconvénients d’associer Saturne à une autre planète et non pas à une étoile, tient au fait que l’on se trouve ainsi en quelque sorte avec un chevauchement de deux zodiaques. En effet, toute conjonction enclenche en quelque sorte un « zodiaque », c’est-à-dire une succession de secteurs. On oublie trop souvent que les aspects déterminent des subdivisions à l’instar des signes et des maisons. Donc si par exemple je pars d’une conjonction Saturne-Uranus, le secteur 1 commence à ce moment là et ainsi de suite. Mais en même temps les planètes vont traverser le zodiaque tropique solaire, à partir d’un autre point. D’où des interférences entre deux types de subdivisions qui ne correspondent pas. Ce qui a conduit André Barbault à ne pas tenir compte du signe où s’effectuait la conjonction, en astrologie mondiale. Certains se réjouiront d’une telle complexité qui garantirait cette faculté de l’astrologie à identifier les causes de perturbation du cours de nos affaires.
Nous ne pouvons ici que dénoncer de tels appareillages censés pallier le manque de lucidité et d’analyse des gens. L’on n’a pas besoin de mettre les perturbations sur le compte des astres et surtout de les observer pour savoir ce qui entrave le cours normal des choses. Si encore, on avait dit que les planètes transsaturniennes figuraient les facteurs de perturbation – ce qui est d’ailleurs peu ou prou ce qui se fait en pratique- ce serait à la limite jouable, d’autant que ces nouvelles planètes ont bel et bien perturbé un certain ordre. Mais en intégrant le s nouvelles planètes sur le même plan que les anciennes – notamment par l’attribution d’un domicile à chacune d’entre elles, en signe et/ou en maison (cf. l’intervention de Patrice Guinard, au Colloque du 25 mars 2011)- on a tout mélangé. Que certaines personnes soient handicapées dans leur faculté à détecter et à corriger leurs erreurs comme celles d’autrui – et c’est un défaut fort fréquemment répandu- peut faire l’objet de solutions de toutes sortes mais pas au point d’envahir l’astrologie et de passer d’un monoplanétarisme à un polyplanétarisme comme celui qui règne depuis belle lurette. On repère assez facilement ce type de personnes enclines à commettre des erreurs d’interprétation, d’appréciation, en raison d’un certain manque de « bon sens ». Si on leur faisait passer des tests, on verrait que le moindre décalage les égare et qu’elles ne sont pas en mesure de rectifier par elles-mêmes, même au sein d’une série de cas. Elles préfèrent en arriver à des conclusions délirantes que de corriger des données visiblement incomplètes et/ou corrompues. Elles ne savent pas recadrer, recentrer, resituer pour que cela reprenne une forme « rationnelle », raisonnable. Elles ont du mal avec ce qui est de l’ordre de « l’ortho » (orthodoxie, orthophonie, orthographe etc.).
Qu’il puisse exister une astropathologie, cela ne nous gène pas tant que ça, à condition, toutefois, qu’elle se distingue clairement d’une astrologie centrale qui fasse référence, dans un distinguo qui pourrait peu ou prou recouper astrologie individuelle et astrologie mondiale. Mais cette astropathologie reposerait sur des fondements épistémologiques complètement différents de l’astrologie « lunaro-saturnienne » (cf. supra) et se rapprocherait somme toute irrésistiblement d’un support divinatoire.
Une des déviances de l’astrologie aura consisté à (faire) passer des subdivisions associées à un cycle représenté par une série de dieux – comme dans le cas des domiciles- à une série de planètes, se substituant ainsi à notre propre entendement et nous donnant, comme une sorte de pense-bête – la solution aux questions que nous nous posons, au lieu de nous apprendre à savoir retrouver la simplicité sous-jacente derrière l’apparence de la complexité. Il est clair, évidemment, que pour quelqu’un qui est habitué à une certaine pratique astrologique, à un certain savoir- faire, toute nouvelle formulation lui complique la vie même si elle simplifie celle du plus grand nombre. Si en plus la maitrise d’une certaine «technique » est perçue et vécue comme un mode d’intégration au sein d’un certain milieu, un tel abandon pourrait se révéler déchirant du fait que l’astrologue trouve ainsi son équilibre, non plus tant en tant qu’astrologue mais en tant que personne, vu qu’il s’agit de se mettre en conformité, comme on le fait en apprenant une nouvelle langue et de nouvelles coutumes et cela vaut aussi bien pour l’astrologue que pour son client et a fortiori pour son élève.. On pourrait parler d’une astrologie coutumière. Mais ne jouons pas, de grâce, sur les mots ! Devenir philosophe ne s’apprend pas – comme semble le (laisser) croire un Patrice Guinard –(cf son Manifeste, cura.free.fr) en se procurant le « kit du petit philosophe », et son mode d’emploi ; prétendument fourni par l’astrologie où l’on n’aurait plus qu’à appuyer sur une touche d’ordinateur pour accéder aux concepts en jeu, apparaissant sur écran en une sorte de radioscopie.. On est là dans une dérive technologique grave !
[1] Voir notre entretien avec Josiane Chartier, sur teleprovidence.