« Ecce Homo » Au XVIe siècle, le plus grand de tous les Samouraïs, Miyamoto Musashi, celui que l’on avait nommé, après une vie incessante de combats, le « samouraï invaincu » se retire paisiblement, quelques mois avant sa mort, dans une grotte et publie le « Traité des cinq roues », un ouvrage de philosophie dans lequel il met l’essentiel d’une vie… On y trouve notamment cette métaphore de la pensée juste : « Lorsqu’au cours d’un combat, votre adversaire et vous-même vous attardez à des choses insignifiantes et que vous êtes mêlés l’un à l’autre, ayez en tête constamment le proverbe de la tactique “tête de rat et tête de bovin”, et remplacez vos idées petites par des grandes, comme si elles passaient d’une tête de rat à une de bovin. C’est un principe de la tactique. Il est important que les samouraïs aient toujours en tête, même dans leur vie quotidienne, “tête de rat et tête de bovin”. Dans la tactique, qu’elle soit de masse ou individuelle, n’oubliez pas cet esprit. Réfléchissez-y bien…”

Au pays des mangas, en ce début de XXIe siècle, pensez-vous que Hidehiko Nishiyama, porte-parole de l’Agence de sûreté nucléaire et industrielle nippone ait songé à son ancêtre samouraï, lorsqu’il a souligné le 4 mai dernier à propos de la catastrophe de Fukushima que :

« La situation est alarmante mais sans danger immédiat pour la santé humaine… » ?

Au-delà de l’aspect purement sanitaire, dont il est question ici, il serait particulièrement intéressant de prolonger ensemble la réflexion de notre ami nippon pour s’interroger sur la nature holistique de cette santé humaine.
« L’humain » en tant que genre – étant consubstantiellement composé d’un corps, d’une âme et d’un esprit, (si l’on veut bien s’accorder avec nous sur cette vision platonicienne), tous trois possédant en propre une santé qu’il importerait de qualifier un peu mieux. Posant ainsi à nouveau le débat tel que Malraux en son temps l’avait anticipé…

– La situation spirituelle de l’être en ce début de millénaire est-elle alarmante, y a-t-il un danger immédiat pour sa santé mentale ?

Chroniques d’un suicide annoncé, blood and guns. En rouge et noir les requins affamés sentent à plein nez dans la mer numérique l’odeur du sang, les paraboles des chaînes TV crépitent dans le petit matin blême, quand la blogosphère entre en émoi… À quelques encablures des Twins towers, à une heure où ce que l’on appelait autrefois sur le « vieux continent » la « place de grève » se transforme en tribunal populaire planétaire, à face de bouc, où le lynchage médiatique se twitte en quelques minutes, où il est vrai un individu blanc en charge des destinées du monde attise ses pulsions primales à l’encontre d’une esclave noire dans un hôtel de Babylone et réécrit devant le monde ébahi tout à la fois « le journal d’une femme de chambre » et « le bûcher des vanités » et ce en l’espace d’une matinée.

Il nous importe de croire encore un peu – s’il se peut – à l’hygiène mentale d’une civilisation en totale décadence, qui a force de penser que la téléréalité est une nourriture de l’esprit comme une autre, nous aspire un peu plus chaque jour dans les méandres écervelés d’un fleuve médiatique à l’entière satisfaction de nos temps de cerveaux disponibles, pour sanctifier encore et encore le voyeurisme planétaire comme une onction sacrée.

Le Tsunami meurtrier au Japon…, le désastre de la centrale nucléaire de Fukushima…, le mariage du prince William et de Kate Middleton…, la mort en direct de Ben Laden au Pakistan par une unité d’élite US…, l’arrestation inouïe du directeur général du Fonds monétaire international à New York…, chaque actualité semble lyophilisée pour se résoudre en un éclair à sa propre substance et chasse la précédente à la vitesse de l’Internet. – Attendons la suite…

Nul doute que la situation n’est pas alarmante mais le danger, lui par contre, est bien immédiat.


>[Les Chroniques de Mars – mai 2011]


Avec ce numéro 4, les « Chroniques de Mars » prennent maintenant leur rythme de croisière… Vous trouverez, entre autres articles, dans cette livraison un texte sur le plus beau manuscrit calligraphié et enluminé du XVIe siècle, le « Splendor Solis », sans doute le plus fabuleux traité d’Alchimie jamais créé. Réalisé en 1582, en 22 feuillets, tous plus extraordinaires les uns que les autres, ils réalisent une fresque incomparable de beauté, de merveilleux et d’érudition. La présentation pour les « Chroniques de Mars » en est signée par Jörg Völlnagel, historien de l’art, chercheur au Staatliche Museum de Berlin.
Vous trouverez également une présentation d’un libraire fou, vivant à New-York, qui ne présente dans sa boutique qu’un seul livre à la vente – Un livre martien ! Mais oui ! Umberto Eco l’avait rêvé… les Yankees l’ont fait !
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A suivre aussi les péripéties abracadabrantesques et toujours renouvelées du mystère audois, jamais avare de rebondissements, avec un article sur le « Bugarach 2012 » – à faire pâlir de jalousie le Grand Monarque lui-même, et tous les plus grands schizos réunis… En effet, la fin du monde étant maintenant géolocalisée dans un temps donné et en un lieu circonscrit, il ne vous suffit plus que de sortir votre pliant, la glacière, quelques chips, l’Equipe, et d’attendre tranquillement que tout se déroule selon le plan prévu…

Vient de paraître le numéro 4 des Chroniques de MARS > SOMMAIRE