Trois jours avant son lancement officiel, la campagne promotionnelle de l’Hadopi a déjà fait le tour du web français. Entre parodies sur la forme, indignation sur le fond et commentaires sur le budget, on cherche toujours le premier internaute charitable qui lui aurait réservé un accueil positif (ou même neutre)… En vain. Sur la Toile, le rejet semble unanime. Histoire de vérifier cette hypothèse, le Parti pirate lance aujourd’hui une pétition pour rassembler les « indigné(e)s » et faire entendre leur voix.
Car s’il était rigolo, dans les premiers jours, de détourner le nouveau slogan Hadopi pour railler Christine Albanel (ex ministre de la Culture) ou Marie-Françoise Marais (présidente de la Haute autorité), les idées véhiculées par la campagne, explicites comme sous-entendues, sont sérieusement dérangeantes. On évoquait ici-même l’image décevante de la jeunesse renvoyée par les spots publicitaires. Le Parti pirate se montre encore plus dur, et dénonce non seulement « une image sexiste et superficielle des adolescents, très loin des usages responsables » promus par le label PUR, mais aussi et surtout l’« instrumentalisation de l’image d’enfants à des fins de propagande […] sans aucun lien légitime avec la protection de l’enfance, pour toucher la fibre sensible des familles et l’inconscient collectif. » Les agences de communication mandatées par l’Hadopi souhaitaient mettre en scène « les rêves d’enfants » sur un ton « décalé », mais est-ce réellement aux mineurs que parlera cette publicité ? Une fillette, dans sa chambre couleur Barbie, se projette-t-elle vraiment dans cette chanteuse anglophone « avec des références telles que Voltaire et Zola » et exhibant sa poitrine à la télévision ?
Sur cette « création » artistique représentée par un fade tube de musique électro, une série sans originalité sur des agents secrets et un thriller au scénario déjà lu mille fois, ensuite, le Parti pirate voit « une grossière caricature de production américaine » que personne n’a envie de défendre ni de protéger : « comment le ministre de la Culture peut-il cautionner un tel appauvrissement culturel ? »
Il y a enfin l’argument que transmet l’Hadopi, sans pouvoir revendiquer un quelconque second degré, que le partage en p2p nuit à la santé de l’industrie culturelle. « Spécieux, sans fondement, purement prospectif et imaginaire ».
Sans oublier « le concept douteux de pureté » induit par le sigle PUR (Promotion des Usages Reponsables) : on ne peut s’empêcher d’y voir un « Internet purifié dans la lignée de l’ « Internet civilisé » de Nicolas Sarkozy ». Certains signataires attribuent déjà un point Godwin aux inventeurs de ce sigle : « Le terme « pur » dans la bouche d’un gouvernement devrait rappeler des choses à n’importe qui ayant étudié l’histoire du 20e siècle. »
Pour toutes ces raisons, le Parti pirate et les nombreux internautes qui ne manqueront sans doute pas de signer cette pétition réclament le retrait de ces publicités. Il n’y a aucune chance que leur plainte aboutisse un jour vu le budget gargantuesque alloué à la campagne — 3,2 millions d’euros —, mais l’essentiel est de faire savoir combien de citoyens, derrière les simples parodies et moqueries, sont réellement choqués par cette vision « fallacieuse » et « idiote » de la défense de la culture.