Il ne manque pas, en France et ailleurs dans le monde de lieux magiques…
De ces endroits dont le seul nom aussitôt prononcé fixe l’attention de l’auditeur, requiert son
imagination, accapare sa faculté à construire du rêve.
Qui peut s’en plaindre en une époque paradoxalement entièrement centrée sur l’exaltation de son propre reflet à son tour réfléchi à l’infini par cent miroirs audio visuels ? Une époque adepte d’une consommation autophage qui, affirmant avoir tué Dieu, ne cesse de reconstruire mille divinités à sa propre image, toujours recommencée, sans cesse emprisonnée dans la minuscule et immense prison technique de sa science sans conscience ?
Qui pourrait survivre sans les pôles mystiques et mythiques aussi indispensables que le mont St Michel, Jérusalem, La Mecque, les cathédrales romanes et gothiques de notre « blanc manteau d’églises », les grottes de Lascaux, les Pyramides d’Égypte ou d’Amérique du Sud ?
Qui respirerait encore sans Lourdes, Altamira, l’Acropole ou la Grande Muraille ?
Où puiserait-on la force de résister sans le Serengeti, le Mont Athos, le Tibet et ses Himalaya,
Yellowstone et le Bush australien, l’Antarctique, Samarkand, le Sahara ?
Si petits, si ténus ou si gigantesques qu’ils soient, ces lieux constituent les plus surs ancrages de la mémoire humaine. Sans eux il n’y a plus de souvenance, plus de récit et plus d’Histoire.
Et même si cette dernière paraît bâtie de toutes pièces par l’homme autour d’un imposant maillage d’incertitudes qui fit dire à Huysmans – de façon abusive, mais tellement éclatante – qu’elle est « le plus solennel des mensonges et le plus enfantin des leurres », elle nous est aussi nécessaire que l’air, dans sa capacité à nous offrir le dépassement des réalités du jour.
De tels sites sont aujourd’hui connus de tous grâce à l’image photographique, à la télévision
et au cinéma ce qui donne naissance à un surprenant paradoxe.
Sans ces médias et leur impact sur nos esprits, ces lieux seraient-ils ce qu’ils sont ? Mais, dans
le même temps, en les rendant aussi accessibles au plus grand nombre, ne prend-on point
le risque d’en user « l’âme » et d’en réduire ainsi la portée jusqu’à l’indifférence ?
Répondre c’est être déjà ailleurs.
En France, un petit village de l’Aude, Rennes-le-Château, appartient désormais au nombre de ces places extraordinaires où l’Histoire la plus ancienne côtoie les légendes les plus obscures comme les plus dorées. On traita naguère ce village de « capitale secrète de l’Histoire de France ». Pas moins !
On y trouva, dit-on, de l’or à profusion et les templiers y fabriquèrent de la fausse monnaie tandis que les cathares y abritèrent un improbable, mais omniprésent St Graal.
Ici, le diable garde depuis la nuit du temps, un trésor (forcément) sans limites – où serait le rêve si l’on en fixait une ? – qui, dans de sombres retraites souterraines attire le chercheur, l’envoûte et l’arrache définitivement au monde raisonnable.
Au comble de la surprise, escaladant l’empyrée de l’imaginaire le plus débridé, voici que c’est encore en ces lieux que le Christ et Marie-Madeleine procréèrent et lancèrent il y a vingt siècles la plus grande OPA de l’histoire qui, par Concile de Nicée, Mérovingiens, templiers, cathares, Masque de fer, Révolution française et Prieuré de Sion interposés (nous abrégeons bien sur !), allait imposer au monde entier le fameux mythe agglutinant, aujourd’hui baptisé l’affaire de Rennes-le-Château…
Textes de Jean-Pierre MONTEILS – Photos de Jean-Louis SOCQUET-JUGLARD – OMBRES ET LUMIÈRES SUR RENNES-LE-CHÂTEAU – © Les Chroniques de Mars numéro 6 et Arqa éditions, 2011.