En 1901, le « Journal des Voyages » consacre sa couverture aux « habitants de Mars communiquant avec la Terre » : installés en surplomb d’un canal martien, oeil rivé à l’oculaire du télescope, des astronomes martiens s’emploient à établir un relevé de la surface de la planète bleue. On ne sait s’ils y trouveront quelques canaux, preuve de l’existence d’êtres intelligents sur Terre !

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Due au talent de l’illustrateur Albert Robida, cette image à l’esthétique Art déco illustre un article de Wilfrid de Fonvielle, vulgarisateur scientifique. Sa « Fantaisie d’Astronome » ironise sur « le legs de 100 000 francs constitué par la veuve Guzman pour récompenser l’auteur des [premières] communications interplanétaires », accepté « après dix longues années d’hésitations, par l’Académie des sciences de Paris ». Proposé en 1891 par Mme Guzman, une riche admiratrice de Flammarion, en hommage à son fils Pierre décédé, le «
prix Pierre Guzman », valable 10 ans, excluait d’emblée une communication avec la planète Mars, supposée bien trop facile, pour ne pas dire imminente…

C’est que la Belle Époque se passionne pour les communications avec les autres mondes, qu’il s’agisse du monde spatial ou du monde astral. Ou des deux, à l’image justement de Camille Flammarion (1842-1925) : le célèbreastronome et vulgarisateur scientifique, également féru de spiritisme, s’interroge en effet sur l’existence de la vie ailleurs, qu’elle soit sur une autre planète ou après la mort. Ne s’intéresse-t-il pas au débat sur les fameux canaux d’irrigations construits par les Martiens, transportant l’eau des pôles vers les régions équatoriales d’une planète rouge en voie de désertification (en fait, une illusion d’optique engendrée par les appareils d’observations de l’époque) ? Et s’il participe aux séances médiumniques, c’est que, selon lui, le
spiritisme relève bien de la science, laquelle se doit d’annexer ce nouveau terrain de la connaissance.

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Les canaux martiens, observés et dessinés par son « inventeur », Giovanni
Schiaparelli, astronome à l’Observatoire de Milan, ici lors de l’opposition de Mars de l’hiver 1881-1882 (du 26 décembre 1881 au 13 février 1882).

22-10.jpg Portrait de Camille Flammarion (1842-1925), tout à la fois astronome,
vulgarisateur scientifique, métapsychiste – Crédit: coll. Agence Martienne.

Reste que, malgré les progrès techniques, Flammarion considère le voyage physique vers les planètes comme à jamais impossible : « L’espace interplanétaire est infranchissable pour nos corps terrestres ». Et c’est dans un récit de fiction, « Stella », qu’il livre le fond de sa pensée : « Mais, si nous pouvons être assurés que jamais on ne pourra se transporter corporellement d’un monde à l’autre, il serait téméraire de nier que jamais ces voyages ne puissent être réalisés par des êtres spirituels […] et qu’un jour une communication ne soit établie entre Mars et la Terre par les forces psychiques… »

Yves BOSSON © – pour les Chroniques de MARS, numéro 7, novembre 2011 – Crédits photos // coll. Agence Martienne.