Tradition, ce qui est transmis, c’est le sens du mot, transmettre de génération à génération en acte de filiation, transmettre de peuple à peuple le sens d’une histoire, transmettre de civilisation à civilisation le mystère de l’homme.
Non pas l’avoir et ses quantités mais les principes fondamentaux de l’être ; transmettre les principes immuables, universels, éternels par lesquels l’être humain réalise l’être par opération de son humanité.
L’être humain, ce qui veut dire l’homme saisi dans sa totalité par son double divin et humain, éternité dans l’être, soumission aux cycles dans le devenir porteur de l’humanité de l’homme ; c’est-à-dire l’état individuel humain dans la multiplicité des états de l’être.
Le principe ? Ce qui est premier, ce qui détermine un ordre, ce qui marque un commencement essentiellement dans le domaine qualitatif de la cause, ensuite, seulement ensuite, en succession temporelle, numérique et quantitative.
Voilà pourquoi on ne peut transmettre des valeurs qui appartiennent au second domaine, celui du devenir dont les sciences sont la morale et la politique ; l’une et l’autre impuissantes à se réformer par elles-mêmes parce que marquées aux altérations du temps.
Il faut les principes supérieurs de l’être, inaltérable, au-delà de tout changement, pour fonder la qualité et la nécessaire réforme des valeurs qui ne valent qu’en un point de l’espace à un moment du temps.
Etre et devenir. La distinction fonde-t-elle l’intelligence contemporaine ? Un chef d’état, dit-on ! Alors qu’il s’agit de nation, lieu du devenir d’un même peuple. Nation est mot de la famille du verbe naître.
Oh ! l’emploi des mots à la fois révélateurs d’une mentalité et gardiens d’un savoir que par eux on ne saurait oublier.
Il appartient à chacun de faire l’expérience des valeurs dans l’acte de filiation selon le sang, de parents à enfants. Ce geste personnel est signifiant à l’intérieur de la communauté où se fait l’histoire commune à tout un peuple, par des histoires racontées, contes et légendes, qui illustrent les valeurs dans l’expression symbolique des principes.
On ne fait pas l’expérience du principe. On le connaît. On le connaît selon sa qualification dans l’être. On le transmet dans le sens du symbole par l’acte de filiation selon l’esprit, de maître à disciple.
Il faut dire le sens de ces deux derniers mots qu’on n’ose plus employer : le maître devenu « plus » + par la conscience du « moins » – dans l’exercice du métier, de la fonction pour laquelle il est fait, selon le signe de croix qui croise l’horizontale sur la verticale.
Il le fait pour lui. La connaissance est le seul acte qui se suffit. Il le fait pour qui veut comprendre, se soumettant à la discipline qui fait apprendre, afin d’être enseigné, de faire le signe, d’entrer dans la signification.
Jean-Paul Vaillant, « Transmettre en Ardenne » – Les cahiers de la Grive No 6 – Association les 3 mondes ed. 1998.
Jean-Paul Vaillant est né à Saulces-Monclin le 29 septembre 1897.
Mort à Charleville-Mézières le 31 mai 1970.