Dans cette affaire, il s’agit bien d’une cosmogonie de la terre et du ciel. Les royaumes d’Uther et d’Arthur sont des terres sacrées. Une étoile très brillante apparut d’abord dans le ciel Breton puis à partir de son centre ses rayons lumineux s’agrandirent et formèrent la silhouette d’un dragon. De sa tête jaillit une immense flamme qui couvrit une grande partie du ciel de Grande-Bretagne. Les flammes projetées de la tête du dragon, signifient que son fils surpassera par sa gloire tous les monarques et que son royaume sera parmi les plus grands du monde.
Ainsi était annoncé par Merlin à Uther Pendragon, la venue du Roi Arthur.
Sa racine « Art » signifie « Ours », évoquant un royaume du froid hyperboréen. A partir de ce jour là, où apparut un signe dans le ciel, Uther prit le nom de Pendragon, « Tête de dragon » qu’il choisit pour emblème. Le Royaume du milieu = 5 = Pen. – (Dans le carré de Saturne : 10 chiffre sacré + 5. chiffre du centre = 15 chiffre du démon représenté par le dragon … Entre Uther Pendragon et Arthur, feu et froid trouvent leurs complémentarités. De ce centre… puisque tous les centres d’apparences territoriales conduisent à un centre suprême du pouvoir, du supérieur, du monde, voir de 1’univers … la terre d’Uther et d’Arthur, possède donc un axe d’équilibre qui y conduit.
Cet axe du monde qui passe par le centre du Royaume et en commande la fonction, est représenté par l’épée Excalibur qui traverse la Terre du Soi, que gardent en dernier ressort, les Dames du Lac du Lac (dans le contexte des traditions de la création) au fond de l’élément liquide primordial.
Sorti d’une enclume (minerai de la terre) Arthur, après l’échec de son royaume et de sa Chevalerie, blessé à mort par Mordred, fera jeter l’épée Excalibur au fond d’un lac, pour que les Dames du Lac la reprennent.
Avant de poursuivre sur la Table Ronde, il est nécessaire en quelques lignes de rappeler qui est Arthur, et d’où vient ce nom. En dehors de sa racine étymologique « art », il faut dépasser les clivages anthropologiques pour se convaincre que ce nom mythique remonte à des traditions millénaires et à des situations oubliées. Nous savons qu’après plusieurs périodes de glaciation de notre planète, sous le réchauffement de certaines régions en même temps qu’une nouvelle faune mieux adaptée dans les massifs rocheux et forestiers, un animal impressionnant, l’ours, toujours dénommé, art, par les peuples nordiques fait son apparition.
Un véritable rapport de force s’instaure entre l’animal le plus fort, « l’ours » et le chasseur du néolithique. Son aptitude à se dresser; sa puissance et ce qu’il représente dans le paysage saisonnier, attira le respect des peuplades qui lui attribuèrent un culte particulier. On a retrouvé dans la grotte « Chauvet » en Ardèche un crâne d’ours déposé volontairement sur une sorte de piédestal naturel. Son apparition au printemps engendra l’observation des saisons et la persistance du temps. S’ensuivit la notion de richesse, de fécondité puis d’éternité. Avec le déroulement régulier des saisons, cet équilibre servit d’union et de régénération aboutissant à une fête qui lui était consacrée.
D’adversaire redoutable, l’ours devint le symbole de l’âme des ancêtres des tribus qui s’étaient mesurées à lui. Ces manifestations précèdent celles de la déesse celtique Brigit liée à ce culte archaïque de l’ours qui marquait, dans la préhistoire, le passage du temps comme une horloge bio-cosmique.
Tels furent les premiers repères et les directions de notre société avide de temps et d’espace autant que de spiritualité avec le ciel.
Avec l’Antiquité, l’ours finira positionné par les dieux dans la voûte céleste.
Toujours dans l’esprit d’un centre hyperboréen, l’axe de la terre pointe vers Delta de la petite Ourse, le Chariot d’Arthur, traîné par sept boeufs (Septentrion). Et le pôle ne l’oublions pas est le point où pénètrent les forces cosmiques du soleil dans notre terre. L’étoile « Arthus » est proche de ce point du ciel qui est fixe et marque le nord, (l’étoile polaire).
Artus, Artour, Arthus, atteste bien une persistance d’une tradition de souveraineté et de continuité qui remonte à la nuit des temps. Une première monarchie de la tribu des purs qui découvrait la primordialité d’une fonction d’équilibre entre les biens de la terre et l’aspiration du sacré. A travers la mort d’Arthur, du moins dans notre monde, le troisième millénaire et la tradition des ours, la Légende Arthurienne, ne prend-elle pas aussi une dimension cosmique comme le laisse présager la Table Ronde. Restaurée par Merlin pour la quête du Graal et la postérité ainsi promise pour le royaume, la Table Ronde sera restituée après quelque temps d’oubli.
Le jeune Arthur retrouvera la légitimité par la célèbre mise à l’épreuve consistant à retirer l’épée fichée à sa gaine minérale. Endormie en quelque sorte dans la matière, une mise à l’abri dans la pierre ou un métal, représentée par une enclume. Après une période de conflits que devra surmonter le Roi face à ses vassaux rebelles, la Table Ronde où siège le fleuron de la Chevalerie, fut transportée sur les conseils de l’astucieux Merlin, de Tintagel où fût conçu Arthur, d’Ygern et Uther Pendragon, au château du Roi Arthur à Camelot, (Camaa-loth), sa capitale dirions-nous aujourd’hui. Le Royaume d’Arthur préconise dans son ambition, une société parfaite, réminiscence d’un Age d’Or oublié ? Elle tente, pour affronter le monde, de réunir le traditionalisme des individus aux abstractions relationnelles et métaphysiques des espaces.
La Chevalerie d’Arthur, la première au monde, sera au contact de la création, de la morale et du Divin, en oubliant que la royauté, même supérieure, est d’abord elle-même déjà un mythe. On sait ce qu’il en adviendra avec la fin de la Chevalerie, la mort d’Arthur, sa dormition pour les Gallois, l’épée magique Excalibur reprise par la Dame du lac pendant son sommeil et sa guérison en Avalon sous la surveillance de la fée Morgane. Malgré, sa prédestination fatale, on entrevoit aisément, après Wace et son roman de Brut et les premiers romans purement Arthuriens de Chrétien de Troyes, ce que deviendra cette « Table Ronde » elle-même entourée de multiples symboles.
La Légende, remaniée par des écrivains romanesques du Xlle au XlVe siècle, et l’audiovisuel de nos jours, la voit livrer à diverses implications qui tentent de se l’approprier. Pourtant à cause de sa forme: « Eternel recommencement », elle s’intègre parfaitement dans le règne cyclique d’Arthur. Il est dit que la Table Ronde, comme le monde, « Tournoie ». Elle se présente à nous comme un Zodiaque à l’échelle humaine, où chaque chevalier a sa place stellaire et cosmique. Elle se comporte différemment suivant les personnalités complémentaires entre elles comme un cercle de planètes, d’étoiles ou de signes destiné à marquer dans leurs agissements, l’unité et l’ordre aussi bien sur « Terre » que dans le « Ciel ».
La quête du Saint Graal où vont s’élancer les Chevaliers de la Table Ronde, ces guerriers, véritables héros de l’absolu, à la recherche du merveilleux et mystérieux objet, est faite pour nous le rappeler. Dans sa corrélation avec la « Rose », la Table Ronde dans le dépassement permanent des forces vitales et des prouesses chevalières, permet la transcendance de l’action salvatrice dans le désir de s’épanouir pour la recherche du Graal. La Table Ronde Arthurienne (et Graalienne tout à la fois dans sa démarche), participe à trois tables : la rectangulaire; une seconde, carrée, losangée ou plus exactement hexagonale; enfin la troisième table, ronde avec son cercle.
Georges A. D. Martin – texte inédit / Arcadia © Juin 2003