Il est de ces hommes que l’on dit de l’ombre, peu ou pas connu du grand public et des spécialistes eux-mêmes.

A son propos, le mot «ombre» semble d’ailleurs bien péjoratif tant l’importance de la Lumière est pour lui chose véritable et sacrée. Gino Sandri, il s’agit de lui, occupe une place éminente depuis le 24 juin 1981, au sein du très secret Prieuré de Sion. Cette société mythique, dont certains contestent l’existence, dont certains encore nient l’histoire est, à l’évidence, bien présente dans le paysage initiatique occidental.

Nous avions appris la réunion à Paris, le 17 janvier dernier, de membres de cette société et nous désirions depuis longtemps informer les lecteurs de la revue Arcadia (1999 -2002) tout d’abord et de la « Lettre de Thot » (janvier 2003) ensuite, de certaines informations que nous croyons capitales pour la bonne compréhension du mystère de Rennes-le-Château. Nous sommes donc entrés en relation avec Gino Sandri, qui a bien voulu répondre très aimablement à nos questions.

Le parcours personnel de Gino Sandri l’a amené a côtoyer depuis plus de 30 années toutes les plus grandes figures de l’Hermétisme occidental, d’Eugène Canseliet au Marquis de Cherisey… et son intérêt pour l’affaire de Rennes ira croissante après sa rencontre avec Pierre Plantard de Saint-Clair en 1973. Celui-ci le prendra sous son aile et l’initiera aux arcanes audois. Les affinités de Gino Sandri avec tous les courants initiatiques d’Occident, connus ou inconnus, lui permirent rapidement de nouer des contacts avec ceux-ci, et de devenir une personnalité incontestable et incontestée du milieu Traditionnel.

C’est à cet homme discret, pour le moins, de grande érudition, généreux et sincère, que nous avons demandé une mise au point, un éclairage particulier qui nous permettra, c’est certain, de mieux comprendre l’histoire du Prieuré de Sion, et pourquoi pas d’élucider une partie de l’énigme. Pour quelles raisons ? Gino Sandri connaît parfaitement tous les rouages de ce Mystère, les vérités comme les fausses pistes, les illusions comme les contradictions, car il a été l’acteur privilégié et le témoin attentif de bien des évènements concernant notre époque. De ces évènements précisément sont naît bien des ouvrages, ceux de Gérard de Sède ou d’Henry Lincoln par exemple pour ne citer qu’eux (1)… Les sources y sont rarement données, parfois même, ne soyons pas naïf, volontairement occultées, mais elles sont pourtant toujours identiques, à leurs origines, un petit cercle d’initiés possédant les éléments factuels permettant d’alimenter le discours et par la même la publication.

Qui mieux donc que Gino Sandri eut pu répondre à nos questions ?

Qu’il en soit ici remercié.

TEG / La lettre de Thot © – juillet 2003 – DR.

(1) Gino Sandri participa notamment à la rencontre importante et à la projection privée qui eut lieu à Paris en 1978 entre certains membres du Prieuré de Sion et Henri Lincoln et son équipe.

L’ENTRETIEN

ARCADIA : Comme vous le savez, le Prieuré de Sion est un mythe qui occupe les recherches et les spéculations du monde de l’occulte. Certains vont jusqu’à en contester l’existence, parlant à ce sujet d’un montage, voire même, d’un canular monté par Pierre Plantard de Saint-Clair à son profit tandis que d’autres laissent entendre que ce Prieuré relève de la franc-maçonnerie. Que pouvez-vous répondre à cela ?

GINO SANDRI : Affirmer que le Prieuré de Sion n’existe pas m’amuse franchement car, à notre connaissance, on en compte au moins onze de par le monde. Certes, leurs effectifs et leurs buts sont de natures fort diverses mais ils sont bien là ! Pour le profit de qui ? Plus sérieusement, il faut constater que ces contrefaçons manifestent l’intérêt que suscite cette question.

Quant aux liens avec la franc-maçonnerie, il n’y en a aucun ! Ce bruit trouve son origine, à mon avis, dans le fait que le docteur Camille Savoire, cheville ouvrière du Prieuré de Sion entre 1930 et 1950, était un franc-maçon éminent, d’où la confusion ! D’ailleurs, il avait pour collaborateurs dans cette affaire Gabriel Trarieux d’Egmont, de la Société Théosophique, le Maréchal Franchet d’Espérey, président des Amitiés Africaines ainsi que l’abbé François Ducaud-Bourget.

ARCADIA : Vous venez de mentionner un nom connu, celui de Pierre Plantard de Saint-Clair. Est-il le fondateur du Prieuré de Sion comme on l’affirme parfois ?

GINO SANDRI : Certainement pas ! Il existe naturellement une légende de fondation que je vais rappeler.

Des archives secrètes, propriétés de certaines sociétés, affirment qu’en 1188 à Gisors, l’ORME fut coupé et qu’un rameau, l’ORMUS ayant pour emblème une Croix Rouge et une Rose Blanche serait l’origine de la Rose-Croix…

Depuis 1188, le nombre des membres serait TREIZE comme les signes du zodiaque. Un suprême maître appelé Nautonier porterait depuis cette date le nom de Jean. Sous cette directive, il existerait un millier de membres dont sept cents assumeraient une haute autorité. Le lieu de pèlerinage de ces mille était jadis Interwalden en Suisse, remplacé plus tard par Notre-Dame du Puy et Lourdes, anciens sanctuaires d’ISIS. Bien entendu, il s’agit d’une légende…

D’un point de vue strictement historique, des recherches ont permis d’établir que le Prieuré de Sion dont nous parlons se manifeste au XVIIème siècle dans la région de Toulouse et plus précisément, dans le diocèse d’Alet. Le 19 septembre 1738 à Rennes-le-Château, une « réforme » du Prieuré de Sion est réalisée sous la direction de François d’Hautpoul et l’abbé Jean-Paul de Nègre.

ARCADIA : Vous nous affirmez que cette contrée serait le berceau du Prieuré de Sion. Vous comprendrez sans peine que l’on pense immédiatement à l’affaire de Rennes-le-Château et à ses mystères. Voulez-vous dire que le Prieuré de Sion aurait été fondé au XVIIème siècle à Rennes-le-Château et que là serait la clef du mystère ?

GINO SANDRI : Il est avéré que Rennes-le-Château a abrité à cette époque le cœur du Prieuré de Sion et certaines archives. Pourquoi ce choix ? A mon avis, pour des raisons de sécurité et d’opportunités, Vincent de Paul et Nicolas Pavillon avaient retenu cette option. Un nom retient l’attention, celui de Blaise d’Hautpoul, dont il existe un portrait par Rivals.

En ce qui concerne l’affaire de Rennes-le-Château, il faut peut-être clarifier certains points. On pourrait dire beaucoup de choses sur l’abbé Saunière et sur son hypothétique trésor. De quelle manne a-t-il disposé ? Ce détail, à vrai dire, ne m’intéresse pas. Je me souviens très bien que cette histoire faisait beaucoup sourire Déodat Roché qui avait connu le curé de Rennes-le-Château dans sa jeunesse.

Cette affaire prend toute son ampleur à une date que l’on peut fixer à 1956. Il faut comprendre qu’à cette époque, Pierre Plantard de Saint-Clair doit faire face à diverses campagnes dirigées contre lui et contre le Prieuré de Sion. Les convoitises sont déjà à l’œuvre mais de façon discrètes ! Selon une stratégie qui lui est familière, il conçoit alors le projet de lancer l’affaire de Rennes afin d’attirer tous les importuns, tous les curieux dans une nasse. Des publications sont suscitées afin de lancer le mythe. Il faut bien admettre que c’est une réussite. Il est aidé dans sa tâche par un allié de circonstance, Monsieur Noël Corbu qui vient d’ouvrir un hôtel-restaurant à Rennes-le-Château et qui, pour attirer la clientèle, compte sur le trésor de l’abbé Saunière, trésor qui ne peut être que celui des rois wisigoths, naturellement.

Entretien de Gino Sandri pour ARCADIA © & la lettre de THOT No7
(Droits réservés. Juillet 2003.)

Crédit Photographique :
– Photographie, Gino Sandri, Arcadia © et la lettre de Thot no7, DR.
– Logotype du Prieuré de Sion © Droits réservés.