ARCADIA : Vous semblez suggérer que le lieu majeur ne se situe pas à Rennes-le-Château mais ailleurs. A ce niveau, vous admettrez que l’on peut parler d’une mystification. Est-ce dans ces conditions que sont élaborés les ouvrages de Gérard de Sède et tous les documents mystérieux déposés à la Bibliothèque Nationale sans parler des fameux parchemins de l’abbé Saunière ?
GINO SANDRI : Ce n’est pas si simple que cela. Pour ma part, je préfère parler d’une intoxication. Au fond, à l’époque, ce n’est pas vraiment le grand public qui est la cible.

Distinguons si vous le voulez bien les ouvrages de Gérard de Sède (et d’autres…) des documents signés de pseudonymes. Ces derniers sont souvent diffusés par de curieux groupes ou réseaux qui cherchent à entrer en rapport avec d’autres. J’y reviendrai. Quant à Gérard de Sède qui a écrit à mon avis le meilleur livre sur la question, il est de notoriété publique qu’il a travaillé sur dossier et qu’il n’est que le co-auteur de son documentaliste Pierre Plantard de Saint-Clair. Ceci posé, j’estime que Gérard de Sède a fait l’objet par la suite d’un traitement qu’il ne méritait pas de la part de critiques qui n’ont pas son talent et qui ne comprennent rien à l’affaire. Pour être précis, présenter cet écrivain comme le dindon de la farce me paraît tout à fait déplacé !

En fait, il faut considérer qu’il existe plusieurs affaires que l’on mélange à loisir. Au fond, c’est le résultat du plan d’intoxication préparé par Pierre Plantard de Saint-Clair. Je prends un exemple. Trois personnages sont à l’époque les acteurs principaux d’une de ces affaires et cela se passe à Rennes-le-Château. L’un est connu sous le pseudonyme d’Henri Lobineau, l’autre se fait appeler Antoine l’Ermite dans le petit hôtel parisien qu’il fréquente alors. Un ingénieur qui habite un superbe appartement de l’avenue Foch complète le trio. Entre autres activités, Henri Lobineau, chercheur de trésors à ses heures, est en relation avec un expert viennois. En outre, le trio a vite compris l’intérêt que présente le petit village isolé de Rennes-le-Château, plaque tournante de leurs activités, à proximité de la frontière espagnole et d’Andorre. L’histoire du curé aux milliards, ajoutant à la confusion, ne pouvait que servir leurs intérêts.

Quant aux fameux parchemins, ils sont rendus publics pour la première fois dans un ouvrage portant le titre de Circuit, sous la signature de Philippe de Chérisey, ouvrage déposé en 1967 à la Bibliothèque Nationale. La méthode de décryptage y est exposée de façon synthétique mais explicite. Il n’y a donc pas matière à mystère. Composés sur les instructions de Pierre Plantard de Saint-Clair, dans le cadre de la manipulation à laquelle j’ai fait allusion, ils répondent à une situation ponctuelle. Ils permettent de détourner l’attention d’authentiques documents qui sont en sécurité dans un coffre.

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ARCADIA : Si je vous suis, le but est d’attirer les curieux vers un lieu qui n’est pas le bon. Vous-même, selon la rumeur, auriez contribué à ce plan en prêtant votre plume à d’autres. Mais que viennent faire de faux documents cryptés dans l’affaire ?

GINO SANDRI : Je vois à quoi vous pensez. Tout auteur a besoin d’un documentaliste, mais il existe bien des nuances dans la collaboration. Nous avons évoqué Gérard de Sède qui n’a besoin de personne pour lui tenir la plume. Ce n’est pas toujours le cas. Parfois, la contribution de l’écrivain se limite à sa signature! Cela fait partie de nos bonnes œuvres, c’est notre satisfaction…

En ce qui concerne votre première question, je confirme cette assertion. Je vous renvoie à l’ouvrage de Gérard de Sède : Les templiers sont parmi nous. Il est question d’une crypte mystérieuse sous le donjon du château de Gisors, crypte que personne n’a vue. Si vous lisez attentivement le livre, vous remarquerez qu’il est fait allusion à un autre lieu, une autre crypte… Nous sommes en présence du même procédé.

Les documents cryptés répondaient à un besoin spécifique à l’époque et ils sont désormais caducs. Pour l’anecdote et pour vous montrer jusqu’à quel point la confusion règne, je peux vous confirmer que des documents du même type ont été produits entre 1956 et 1965 à Rennes-le-Château et aux alentours par un groupe d’astucieux faussaires ainsi que d’autres manuscrits pouvant enrichir le débat ! Tous ces papiers ont fait l’objet d’échanges, de négociations. Ils circulent encore de nos jours. On croit rêver. Précisons que ce groupe n’avait strictement rien à voir avec le Prieuré de Sion.

Il existe plusieurs lieux en France et hors de France dans lesquels la tradition situe des trésors gardés par de mystérieux personnages. Ces lieux privilégiés où selon la légende, l’homme blanc partage la manne avec l’invisible sont accessibles à une date et une heure précises quand les grilles s’ouvrent. En réalité, l’imagination populaire a tendance au merveilleux et le trésor semble symbolique et cache peut-être une tradition hermétique.

ARCADIA : En conclusion, pouvez-vous nous parler du fonctionnement actuel du Prieuré de Sion à la suite de la réunion du 17 janvier dernier, de ses conditions d’admission ainsi que du rôle de Pierre Plantard de Saint-Clair et du vôtre ?

GINO SANDRI : Au risque de décevoir certains, le rôle de Pierre Plantard de Saint-Clair n’est pas encore terminé. Il ne me paraît pas opportun d’évoquer les conditions d’admission car la liste est actuellement close. Je tiens aussi à préciser qu’il n’est pas de mon ressort de décider qui peut y entrer ou non. Je peux simplement vous dire que la mixité est de règle à tous les échelons car, en la matière, la présence de la Femme est indispensable. Il y a là une clef essentielle que certains comprendront.

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Entretien de Gino Sandri pour ARCADIA © & la lettre de THOT No8,
(Droits réservés. Juillet 2003.)
Crédit Photographique :
– Signature et cachet de Gino Sandri. Prieuré de Sion ©
– Document inédit, Prieuré de Sion ©. Transcription :
Paris le 8 octobre 1967, de Maître B. Boccon-Gibod
A Mr. Philippe de Cherisey – 37, rue Saint Lazare, Paris Ixe.
Aff. de Cherisey / de Sède
Cher Monsieur, J’ai bien reçu votre lettre et j’écris aussitôt à la maison Julliard ainsi qu’à Monsieur de Sède, pour protester contre l’utilisation sans autorisation, des deux parchemins de votre fabrication et déposés à mon étude, ceci dans l’ouvrage : L’or de Rennes. Veuillez croire, Cher Monsieur, à l’assurance de mes sentiments dévoués.