Depuis le grand «en Haut» Innana dirigea sa pensée vers le grand «en Bas».
UR NINA UR NANSHE
AN GAL TA KI GAL SHE NGESHTUG NI NA AN GUB NIN AN GUB
Depuis l’immense «en Haut» et, jusqu’à cet immense «en Bas», ma déesse dirigea sa pensée.
INANNA AN GAL TA KI GAL SHE NGESHTUG NI NA AN GUB NIN MU AN MU UN SHUB KI MU UN SHUB
Abandonnant le Ciel, abandonnant la Terre. Au Monde des Enfers, elle descendit.
KUR RA BA E A E
(Extrait du mythe sumérien, « La descente d’Innana », traduit par Jean Botéro et Samuel Noah Kramer à partir de tablettes d’argiles.)
Chant d’Extase
«Viens, approche-toi.
Serre-moi dans tes bras… »
… C’est la femme soleil qui descend déchirer le voile de nos ténèbres exquises….
LA REINE SHU-BAD
Mon désir plonge vers les lueurs de la Terre.
… Ses parfums m’enivrent déjà.
… La ferveur d’en bas est déjà là.
… Elle court.
LE RISQUE DE L’OUBLI
Que ton reflet est beau…
Mes racines déjà se détachent du « très limpide »…
Dans mes veines, la vérité du Ciel
Sous la terre, le fond du monde
Le chant hideux de vos ténèbres m’appelle…
NETI LE PORTIER des ENFERS
Innana !…
Pourquoi veux-tu descendre…
Au pays d’où l’on ne revient pas ?
FUREUR D’INNANA
Ma liberté est pleine…
La terre verra bientôt l’éclat aveuglant du royaume des cieux venir jusqu’à elle. Et ce sera ma main qui comblera de perles ou de serpents… Et ce sera ma bouche qui allumera le feu des Enfers ou celui de l’Aurore…
Et tu me vénéreras … Toi, Humain.
… Pour que l’or de la terre te soit à nouveau offert.
LA GRACE D’INNANA
Sur la terre, la nuit est comme un temple…
Un temple offert à tous mes amants … étoilés.
Eperdus dans les replis du temps…
Leur joie les a tués … rejetés…
Dans les bras du plus profond mystère…
Ils errent…
Jusque dans la caverne de vos cœurs …
Je consumerai vos tiédeurs et vos fuites…
Jusqu’au dernier frisson… je goûterai les plaisirs sacrés…
Du souffle chaud de vos baisers sous mes jupes de plumes…
Dans mes veines…
Comme une nécessité…
Qui me relie à vous… humains…
LA DESCENTE D’INNANA
Des sept portes des Enfers il leva les verrous,
A la divine Innana il dit :
« Viens, Innana entre ! »
Et lorsqu’elle entra,
La Shugurra, la couronne de la plaie fut enlevée de sa tête.
Lorsqu’elle franchit la deuxième porte,
La baguette et le cordeau à mesurer de lapis-lazuli lui furent enlevés aussi.
Lorsqu’elle franchit la troisième porte,
Les petites pierres de lapis-lazuli furent enlevées de son cou.
Lorsqu’elle franchit la quatrième porte,
Les pierres-nunuz jumelées furent enlevées de son sein.
Lorsqu’elle franchit la cinquième porte,
L’anneau d’or fut enlevé de sa main.
Lorsqu’elle franchit la sixième porte,
Le vêtement-pala de seigneurie fut enlevé de son corps.
Courbée très bas, elle fut amenée nue devant Ereshkigal.
« Garde le silence, Innana, les lois des Enfers sont parfaites.
O Innana, ne désapprouve pas les rites des Enfers ! »
Dominique Strouc © Arcadia 2003 – DR
En illustration :
Inanna (Ishtar en akkadien) apparaît sur cette stèle en tant que déesse de la Guerre, portant un carquois à chaque épaule, une épée au côté et juchée sur un lion. Le mythe de sa Descente aux Enfers et de son retour symbolise l’interruption et le renouveau saisonnier de la fertilité.
LA DESCENTE AUX ENFERS
La grande Dame du Ciel sumérienne Inanna – Ishtar en akkadien – préside à l’amour charnel, la fertilité et la guerre. Repris plus tard en akkadien, avec des variantes, un important mythe sumérien relate sa Descente aux Enfers.
Sans doute pour y étendre son influence, la déesse veut se rendre au royaume des Trépassés. Elle revêt les sept parures concentrant ses pouvoirs et ordonne à sa confidente Ninshubur d’implorer l’aide des dieux si elle ne revient pas. Pour être admise au palais de sa sœur Ereshkigal, aux Enfers, elle doit franchir sept portes au seuil desquelles on lui ôte, un par un, ses talismans (turban, bijoux, brassière, manteau royal…). Nue, dépouillée de ses pouvoirs divins – « matée », dit le texte – elle comparaît devant Ereshkigal. Celle-ci, pressentant quelque ruse de sa sœur, la condamne à mort sans pitié et fait suspendre son cadavre à un clou, comme une vulgaire dépouille. Inanna ne revenant pas, Ninshubur supplie l’Assemblée divine et le dieu Enki envoie deux êtres de sa création ressusciter la déesse grâce à «la nourriture et au breuvage de vie» qu’il leur confie. Pourtant, selon la loi, pour quitter les Enfers Inanna doit laisser l’un de ses proches à sa place. Escortée de démons féroces et incorruptibles, elle choisit pour substitut son amant Dumuzi le Fidèle – Tammuz en akkadien – déçue par la nonchalance de celui-ci. Il est donc fait prisonnier tandis que la Dame des Vignes, sa sœur Geshtinanna, s’offre, éplorée, pour mourir à sa place. Alors, il est décidé que Dumuzi-Tammuz et sa sœur passeront alternativement une demi-année aux Enfers.
Roy Willis – Mythologies du Monde entier – FL ed. 1995