INTRODUCTION
Parmi les innombrables symboles de l’Egypte ancienne, le scarabée joua un rôle prépondérant dans les croyances des anciens égyptiens. Très vite élevé au rang de divinité, il fut considéré comme le réceptacle même de la puissance divine. On lui attribuait des pouvoirs surnaturels et une puissance créatrice.
Symbole de naissance et de résurrection, porte-bonheur, talisman, symbole de souhait pour une vie heureuse, supports d’annonces commémorant d’heureux évènements, amulettes magiques, objets-substituts de coeur des momies, bijoux, porteurs de maximes, dépôt de Fondation, sceaux et cachets, telles étaient les multiples utilisations de l’image du scarabée.
Gravé ou peint sur les parois des monuments et des tombeaux, dessiné sur papyrus ou taillé dans diverses pierres avec une remarquable précision, le scarabée accompagnait la vie quotidienne de l’ancien égyptien.
Aussi, la connaissance du symbolisme du scarabée est la voie incontournable pour qui veut appréhender, voire approfondir et comprendre, une part importante de la religion de l’Egypte ancienne.
LES MŒURS DU SACARABÉE
Le scarabée appartient à la famille des coléoptères. Environ 20.000 espèces ont été dénombrées dans le monde. De différente grosseur selon les espèces, généralement de quelques millimètres à plusieurs centimètres, certains spécimens, vivant au Vénezuela, peuvent atteindre 16 cm.
Les entomologistes les divisèrent en deux groupes, en fonction de leur mode nutritionnel :
– les phytophages qui se nourrissent de substances végétales,
– les coprophages qui se nourrissent exclusivement d’excréments et de matières en décomposition.
Le scarabée égyptien est, quant à lui, coprophage et c’est pour cette raison qu’il est appelé aussi scarabée bousier. Il est de couleur noire et mesure entre 2,5 et 3,5 cm environ.
Très nombreux en Egypte, les scarabées bousiers suscitèrent, par leur comportement et leurs moeurs, l’intérêt des anciens égyptiens. En effet, ce scarabée fait preuve d’un dynamisme et d’une énergie extraordinaires lorsqu’il creuse son trou dans le sable blond du désert à la limite des terres cultivées, et non loin des chemins empruntés par les animaux. On peut l’observer dans sa quête de nourriture en suivant ses traces laissées sur le sable et ainsi constater son incroyable capacité.
Pour se nourrir le scarabée extrait, à l’aide de ses pattes, des petits morceaux d’excréments d’animaux qu’il façonne en une boule qui peut atteindre la taille d’une boule de pétanque ! Ce travail accompli il saisit la boule avec ses pattes arrière en s’arc-boutant sur ses pattes avant et la fait rouler en la poussant jusque dans le trou préalablement creusé dans lequel il se réfugie. Ainsi, bien à l’abri des prédateurs, notre scarabée se nourrira en toute quiétude durant deux semaines environ. Sa réserve alimentaire épuisée il remontera à la surface pour façonner une autre boule d’excréments. Et ainsi ira la vie du scarabée bousier.
Quant au scarabée femelle, en plus de sa quête de nourriture, elle se livre, à l’automne, à une tout autre activité, celle de préparer un nid. Pour y parvenir elle façonne une boule d’excréments, légèrement ovale et plus petite que celle destinée à la nourriture. Dans cette boule-nid elle creuse un orifice et y dépose ses oeufs. Ensuite elle l’enterre dans un trou préalablement creusé dans une terre qu’elle aura choisie légèrement humide, car l’humidité et la chaleur conjuguées créeront la fermentation nécessaire au bon développement de la larve enfermée dans la boule matricielle qui servira également de nourriture aux futurs petits scarabées. L’incubation dure 28 jours. A l’issue de cette période les petits scarabées attendront le lever du soleil pour sortir à la lumière du jour.
Les anciens égyptiens ne surent pas différencier, chez le scarabée, le mâle de la femelle. Aussi furent-ils émerveillés par son mode de reproduction et le nommèrent Khepri. Ils le vénérèrent en le désignant comme : « celui qui devient », et « celui qui vient de lui-même à l’existence ».
Plutarque dans « ISIS et OSIRIS » écrit, concernant les moeurs du scarabée :
« Quant au scarabée, on prétend que son espèce ne possède point de femelles, que tous sont mâles et qu’ils déposent leur semence dans une sorte de matière qu’ils façonnent en forme de sphère et qu’ils roulent en la poussant avec leurs pattes de derrière, imitant en cela le cours du soleil qui, en se portant d’occident en orient, semble suivre une direction contraire à celle que suit le ciel ».
Khepri, « celui qui devient », incarne le soleil levant qui sort de terre chaque matin et qui roule dans le ciel, identique au mouvement de la boule poussée par le scarabée. On dira du soleil qu’il est « le scarabée devenu faucon » pour signifier qu’il est passé de son état naissant, hors des entrailles de la terre (le scarabée), à la pleine puissance de son état, au zénith (le faucon).
Dès l’époque Thinite (2850 avant J-C) le scarabée devint un symbole solaire.
Gravée sur les murs des temples et le plus souvent sur les murs des tombes, l’image du scarabée est présente un peu partout.
De nombreux scarabées furent taillés et gravés selon les techniques de la joaillerie. Ils sont soit en métal fondu, en argent, en or, soit taillés en pierres précieuses : cristal de roche, jaspe, agate, lapis-lazuli serti d’or, en pierres dures : stéatite et serpentine. D’autres sont en argile ou en faïence émaillée, on en a même retrouvé quelques uns en bois. Ils ornèrent les bracelets, bagues, colliers, tours de chevilles, pectoraux, pendentifs et furent portés en amulette.
Leur forme varie selon la matière dans laquelle ils sont taillés. Par exemple la courbure du dos est plus ou moins prononcée selon qu’elle est ovoïde, sphérique ou ellipsoïde. Le plat, ou le dessous du scarabée, est décoré de textes hiéroglyphiques gravés selon la technique du « relief dans le creux ». Leurs dimensions varient selon l’emploi : de moins d’un centimètre à une douzaine de centimètres de longueur.
Certains scarabées servaient d’objets de piété, de cachets, ou de sceaux. Les scarabées-sceaux étaient de petites dimensions. Leur utilisation sous forme de sceaux n’apparaît qu’au début du moyen empire. Ils étaient portés en pendentifs ou montés en bagues. Ils sont gravés, sur le plat, du nom de leur propriétaire.
Ils sont le plus souvent utilisés pour cacheter les papyrus. Le papyrus, plié plusieurs fois dans le sens de la hauteur, formait un parallélépipède épais de quelques centimètres que l’on ficelait à ses extrémités. On déposait une pastille d’argile humide à l’endroit du croisement des liens, puis l’expéditeur utilisait sa bague-scarabée ou son pendentif-scarabée comme sceau qu’il apposait sur l’argile humide imprimant ainsi, en léger relief, les signes hiéroglyphiques composant son nom et ses titres honorifiques.
Les scarabées-sceaux servaient aussi à cacheter les jarres, les vantaux des portes des naos des temples ainsi que la porte des tombes. Par exemple, lors de la découverte de la tombe de Toutankhamon, la porte portait encore le sceau au nom de couronnement du roi accompagné d’une pastille d’argile imprimée du cachet de la nécropole royale à l’effigie du chien Anubis représenté couché au-dessus des ennemis de l’Egypte.
Les scarabées-sceaux, portés en pendentifs, étaient percés dans le sens de la longueur afin d’y passer une cordelette permettant ainsi de le mettre autour du cou.
Certains scarabées ne possèdent pas de hiéroglyphes. Ils sont décorés, sur le plat, de scènes symboliques tel un scarabée de Thotmes III, exposé au Musée de Berlin, sur lequel figure l’érection d’un obélisque. D’autres sont gravés de la ligature des plantes héraldiques des deux terres. Quelques uns, de l’époque du pharaon Akhenaton, sont généralement gravés de scènes de la nature : envol de canards sauvages, etc.
Originaires de l’ancienne Egypte les scarabées, sous forme d’amulettes, furent également utilisés dans les pays voisins de l’Egypte ; on en retrouva en Palestine, en Sicile, en Italie, etc.
En Grèce, certains sont décorés, sur le plat, de la représentation de Thésée tuant le Minotaure. En Crête on découvrit des scarabées égyptiens sur lesquels étaient gravés des souhaits de bonne chance ; probablement des dons faits par les égyptiens aux navigateurs crétois pour les préserver des dangers encourus lors de leurs périlleuses traversées maritimes.
Le scarabée le plus ancien, retrouvé à ce jour, date de la 11ème dynastie (2050 avant J-C). Il fut découvert dans la tombe d’un noble thébain qui vivait sous le règne du pharaon Montouhotep 1er. Ce scarabée, sous forme d’amulette, est en argent et gravé d’un motif représentant une ligne ininterrompue formant deux boucles ovales.
Jean-François Hesnard © la lettre de Thot – octobre 2003
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