LA TABLE RONDE
La troisième Table, est la fameuse Table Ronde du Roi Arthur, symbole matériel et moral de souveraineté universelle.
Autour de cette table, en présence du souverain Breton, Arthur, légitimé par la possession de la fameuse épée Excalibur retirée du perron magique s’y réunit, chaque année à la Pentecôte, le meilleur de la Chevalerie des deux Bretagnes lancée dans la « Quête » à la recherche du Graal perdu. Le rituel de la Table, ne pouvait commencer sans qu’une nouvelle étonnante soit apportée ou qu’une aventure ne se produise.
A son origine, la Table Ronde possédait douze sièges plus un, qui devait rester vide, tout était de pierre, la Table comme les sièges où était gravé le nom du chevalier autorisé à y prendre place. Parmi les Chevaliers, le plus couramment nommés au côté d’Arthur, on peut citer : Kai, Gauvain, Urien, Bohors, Hector, Perceval, Bedurere, Tristan, Sagremor, Lancelot, Galaad.
Dans ce dispositif en cercle autour de la Table Ronde, nous venons de l’évoquer, il y avait une treizième place, place de Judas, dite « Siège périlleux » (ou éjectable !) destiné à éprouver la valeur de tout prétendant voulant conclure la quête par la possession du graal.
L’acte lui même de sa possession ne peut être de ce monde. Si le chevalier n’avait pas le mérite d’être pur et sincère, le siège se lézardait et le sol s’ouvrait pour précipiter dans les abîmes de la terre le prétentieux chevalier. Elle perpétue la place d’une trahison à celle, rectangulaire, de la Cène.
Seul Galaad aura 1’honneur de pouvoir l’occuper et Perceval de l’essayer un instant, avant d’être l’élu de la quête à la Table Ronde, émanation par le Saint-Esprit, les trois Tables auront trois élus : Jésus, Joseph, Galaad.
Le cercle fut initialement composé de douze Chevaliers, mais probablement très vite élargi à l’admission de quarante huit et même davantage, plus d’une centaine pour certains puisque entre autres, le Roi Ban de Bénoïc, père de Lancelot du lac, Bohort de Gaunes, seigneurs en Gaule, et le parricide Mordret (fils de Morgane, incestueux et parricide d’Arthur), en firent partie également. A l’allégorie ou aux multiples symboles que la rotondité de la Table (Comme le Monde!), et le cercle suggèrent, il faut mentionner l’image d’une couronne Solaire, une entité « Féminine » voire sexuelle du cercle et de l’anneau, un postulat à l’opposé du « Masculin », de l’épée, et du Guerrier, qui garde ici à priori plus que jamais ses grandes prérogatives ancestrales avec la Table Ronde de la Quête. Aux allégories de la Table Ronde, se greffe le « Cercle » fidèle des Chevaliers du Royaume d’Arthur, « l’Ordre » militaire indispensable au Roi pour ses entreprises. Une alliance de guerriers et de forces invisibles destinés à fournir l’énergie indispensable au Roi et à son entreprise peu commune.
Le Siège Périlleux de pierre de la Table Ronde qui « crie » et se « fend », fait appel à une situation primitive préceltique bien particulière, tout comme, la Lance, l’Epée, ou le Chaudron, qui seront récupérés par la culture Celtique avant d’être Christianisés plus tard.
Avec les récits du Légendaire Arthurien et ses nombreuses correspondances symboliques d’un monde presque oublié pour nous, il ne faut pas négliger qu’à la fameuse bataille de Tailta près de Stonehenge, les Tuatha Dé Danann (Le peuple de la Déesse Dana), avaient été vaincus par les Gaëls c’est-à-dire les Celtes.
A cette époque, il fut convenu que les Gaëls garderaient la surface de la terre et les Tuatha, le sous-sol de la terre, des lacs, et des tertres, ainsi que les îles lointaines sur la mer ! Dans ce changement brutal de civilisation probablement proche d’une réalité, où 1’ancienne ne disparaîtra pas complètement, un comportement chamaniste et druidique laissera entrevoir des accès entre ces deux mondes, véritables portes magiques sur des au-delà.
C’est ainsi que la pierre de Fâl à Tarra, capitale religieuse et symbolique de l’Irlande primitive, servait aux cérémonies d’investiture de Souveraineté. La Pierre devait désigner le nouvel élu, le Roi Suprême, par un cri! …, alors que la Pierre qui se fend s’ouvrait en deux!
La recherche d’un « Cor » qui prolonge le « Cri de la Pierre », annonçant cette élection, sera aussi le sujet d’une quête semblable à celle du Graal dans un récit ancien.
A la Table Ronde, le cri de la pierre est remplacé par les noms des Chevaliers qui s’inscrivent spontanément dans la pierre de chaque siège.
La Pierre qui se fend dans le contexte cérémonial de la Table Ronde, est à l’image d’un vagin de la terre de la Déesse Mère, susceptible de « donner » son approbation à la naissance d’un Chevalier nécessaire à la quête, mais aussi de « reprendre » toute créature, une exigence en cas de non convenance à l’accès de la valeur suprême du Graal.
La « Pierre » est donc à considérer, tel le fondement de la Table Ronde, comme le symbole de la « Terre », la Déesse Mère elle même, qui attire ou rejette le prétendant au même titre suprême qu’un Roi, en l’occurrence, les Chevaliers de la Table Ronde, égaux du Roi Arthur dans la Légende.
Toute quête du Graal, est aussi une recherche de puissance supérieure. Avec pour objectif le Graal ou le Saint Graal, la Table Ronde du Roi Arthur est destinée à redonner (le Graal retrouvé!), puissance à un Royaume mais aussi une vie à un pays stérile, d’ou une connexion permanente qui apparaît entre les éléments masculins et féminins. La quête accomplie marque certes l’apogée du Royaume, mais le manque de motivation et d’attrait sera finalement le déclin de cette chevalerie « au Masculin », et sa perte.
Comme peut être « Féminin » la Table Ronde de pierre ou l’entité Graalienne qui motive cette « Masculine » Chevalerie dans l’action. Les femmes rencontrées dans la quête, sont des manifestations à peine déguisées d’une initiation sexuelle ou dispensatrice à « l’envie » par la femme d’une seconde naissance…
Georges A. D. Martin – texte inédit / Arcadia © Novembre 2003.