Le livre de Thot ou Tarot de Marseille
Né au moyen âge, contemporain des livres d’heures richement enluminés et calligraphiés, les premiers Tarots sont peints à la main et sont des œuvres d’art originales et uniques. Le plus ancien Tarot répertorié et conservé, a été conçu par Jacquemin Gringonneur pour le roi Charles VI, peint à Paris en 1392. Il existe également pour cette période, trois superbes jeux incomplets, exécutés en Italie pour la famille Visconti-Sforza. La typographie naissante, et la xylographie vont permettre dès la seconde moitié du XVe siècle, une large diffusion des jeux de cartes. On passe du stade purement artistique, au stade artisanal puis industriel. Les techniques de reproduction évoluent rapidement, les lames de Tarot seront imprimées également en gravure sur plaque de cuivre, en taille-douce et eaux-fortes.
Les maîtres cartiers se sont constitués pour leur part en guilde dès 1594. Mais le Tarot de Marseille, est-il marseillais ? En réalité, ce n’est qu’à partir de 1754, que Marseille devient le cœur de la production des jeux de cartes, date à laquelle est aboli le privilège des cartiers avignonnais, ceux-ci dépendant directement du pape. La perte de cette exclusive va faire de Marseille le centre privilégié de cette activité, où de nombreuses fabriques sont créées. Nicolas Conver, conçoit en 1760, son magnifique Tarot, d’une subtilité de couleur encore inégalée. C’est en 1930, que la maison Grimaud le rééditera avec des variables chromatiques notables. Si nous repérons toutefois, avec certitude, les premiers pas du Tarot dans le médiéval, son origine se perd, comme l’on dit, dans la « nuit des temps…» Sacralisé dans l’antiquité, pratiqué selon des rites magiques chez les rois de Justice d’Israël à travers une symbolique du nombre, véhiculé sous le manteau par la tradition tzigane d’Orient en Occident, connu des Templiers eux-mêmes et ramené des croisades, toutes ces hypothèses, loin d’être erronées, ne sont cependant pas confirmées par le scalpel de l’Histoire. Il n’est pas douteux pourtant d’affirmer ici, que le Tarot dans son aspect divinatoire, tel qu’il fut pratiqué au moyen âge, n’a pu surgir ex-nihilo et qu’il possède de toute éternité, l’entière sagesse des arcanes métaphysiques. Valentin Tomberg (1), seul auteur avec Oswald Wirth (2) à avoir donné, sur le plan de la symbolique des lames la quintessence de ce parcours initiatique nous précise que le Tarot est le livre sacré de Thot Hermès, qu’il n’est pas hérité ou transmis de l’Egypte, mais qu’il est « réincarné » de l’Egypte.
Tarot, son étymologie est sujette à conjectures multiples et variées. En 1516, en Italie apparaît un jeu nommé « Tarocchi » d’où le nom de Tarot ? Le motif géométrique au verso des jeux de cartes se dit « tarotés ». En égyptien « Ta-Ro », c’est la Voie Royale. « Torah », la loi pour le peuple juif, Le Tarot est bien une Loi, il dicte par Arcanes interposés, les Commandements. C’est la « ROTA », la Roue de Vie, la lame Dix du Tarot, le Dharma des Bouddhistes, la Loi des cycles en action. Bien d’autres jongleries sont possibles. « Orat », en latin, la prière -il prie- « Orat », en langue slave indique le labour, l’agriculture céleste, le Tarot comme perpétuel ensemencement. En égyptien toujours, « Hator », la vache sacrée, parèdre d’Isis, déesse de la fécondité, de la magie et des mystères. « Hathors » les anges gardiens, protecteurs des lames, catalyseurs des énergies. Tarot enfin, le livre des Enigmes et de la Révélation, le livre d’images, Mutus Liber, le livre de « Thot Râ », le messager du soleil. Le Tarot, éternel enseignement, exprime en 22 lames majeures et 56 mineures toutes les passions humaines, reflets insondables de l’inconscient collectif. Expression de la Tradition Primordiale, il nous livre en quelques cartes tout l’amour et la sagesse de l’initié. Mais aussi comme le disait le maître Jacques Breyer (3) « ne demande rien aux Tarots si tu n’est pas comme un miroir devant l’astral, sinon il deviendront des fauves qui se joueront de toi au lieu de te servir ».
Thierry E Garnier © 1999 / Arcadia
En illustrations :
– Le Monde et le Fou, 2 lames du Tarot d’Oswald Wirth, édition originale « le Symbolisme » 1926, imprimé en feuilles non coupées
(collection T E Garnier / © Bibliothèque Arcadia. DR )
– Le Fou ou Le Mat, 22e arcane du Tarot de Marseille, non numéroté. Gravure à la pointe sèche, sur planche annexe encartée en fin de volume, du Tome I, de l’ouvrage « Le Monde primitif, analysé et comparé avec le Monde moderne, considéré dans divers objets concernant l’Histoire, le Blason, les Monnaies, les Jeux, les Voyages des Phéniciens autour du Monde, les langues américaines, etc. ou Dissertation mêlées, Tome I, remplies de découvertes intéressantes, avec une carte, des planches & un monument d’Amérique. » Huitième livraison. De Court de Gébelin. A Paris, avec approbation et privilège du Roi. 1781
(collection T E Garnier / © Bibliothèque Arcadia. DR )
(1) Il est l’auteur, présenté trop souvent comme anonyme, de l’ouvrage « Méditations sur les 22 arcanes majeurs du Tarot de Marseille » Aubier ed. 1980.
(2) Une étude circonstanciée reste à faire concernant les diverses interprétations symboliques des tarots de Papus et de Wirth, surtout dans leurs différences, ainsi que la mise en évidence des différentes lames et de leurs concordances avec les lettres hébraïques.
(3) Jacques Breyer (1922-1996) est également l’auteur d’un tarot très particulier, « Le Tarot des grands peintres », utilisable avec un tapis de jeu où se trouvent situés sous forme de roue, les 22 arcanes majeurs.