En 1937, Wirth publiait aux éditons Le Symbolisme un ouvrage intitulé « Le Symbolisme Astrologique » avec en sous titre Planètes, Signes du zodiaque, maisons de l’horoscope, aspects, étoiles fixes », ce qui recoupe assez bien le thème de notre prochain Colloque « Cycles et Symboles », à 75 ans de distance. Cet ouvrage a-t-il été dépassé depuis, se demandera-t-on. Si l’on devait en juger par le niveau de la plupart des astrologues et astrophiles francophones, la réponse serait plutôt négative, d’autant que l’ouvrage parut au lendemain de la découverte de Pluton (1930). Notre Colloque aura justement pour objet de reprendre le projet wirthien.
En avant propos, nous ferons un certain nombre de remarques à propos de cet ouvrage. En dépit d’une intention de relier signes et maison (premier signe et maison I et ainsi de suite), on note que le rapport signes/planétes fait probléme au regard de ce que nous avons récemment appelé l’Astrologie zodiaco-planétaire (AZP) puisque Wirth passe en revue successivement planétes et signes, sans les relier entre eux si ce n’est par le biais du dispositif des domiciles. Or, un tel ensemble est marqué par un certain nombre d’incohérences.
Qu’on lise ce que Wirth écrit sur le signe des Gémeaux :
« Les Gémeaux (cf réédition, Ed, Dervy 1973 (..) correspondent à la dualité qui fusionne harmoniquement (…) Dans le tarot, sous le Soleil de l’arcane XIX, un garçon et une jouvencelle se trouvent tendrement enlacés au milieu d’un cercle de fleurs » Et Wirth de poursuivre « Domicile diurne de Mercure, le signe des Gémeaux favorise le discernement etc. » On voit là les limites du travail de Wirth. Il s’agit pour lui, somme toute, de valider la tradition astrologique, avec le plus d’ingéniosité possible. Mais dans le cas des Gémeaux, le décalage est patent entre une tonalité visiblement vénusienne (Les Amoureux) et une attribution mercurienne.
En revanche, nous apprécions ce que dit Wirth sur les maisons et que l’on ne retrouve plus dans les manuels depuis belle lurette :« Aux yeux des astrologues, toute la vie d’un individu se reflète dans les 24 heures qui suivent le moment précis de sa naissance (…) le symbolisme des maisons s’applique admirablement aux phases de la vie individuelle » (pp. 115 et seq). On a bien là un cycle complet de vie marqué par 12 étapes successsives. Wirth a raison de souligner que la signification des maisons est liée avec les âges de la vie. Encore faut-il corriger éventuellement certaines attributions. On notera que le fait que la maison VIII corresponde à la mort renvoie à un système à 8 et non à 12 maisons et que l’on aura ajouté 4 maisons supplémentaires en référence aux 12 signes.
Autre information absente de la plupart des manuels (pp. 114 et seq)., celle des 12 grands dieux en rapport avec les 12 maisons : on y trouve successivement Minerve, Jupiter, Vénus, Mars, Diane, Cérès, Vesta, Mercure, Vulcain, Neptune, Junon, Apollon. Wirth se réfère à « une table de marbre provenant de Gabiés » (p. 124)
Ce qui nous frappe, c’est que cette liste correspond aux planètes astronomiquement connues et baptisées jusque dans les années Trente.-les 4 premiers astéroïdes (Cérès, découvert en 1801,(suivie de Junon, Pallas (Minerve)), Vesta) Neptune en 1846), les trois transsaturniennes, Il est assez étonnant qu’un document ancien comporte un tel énoncé et que les astronomes semblent s’en être inspirés. On notera que ni Saturne, ni Uranus ne sont dans la liste alors que Vulcain s’y trouve. Le fait que Saturne en tant que dieu soit absent nous montre qu’il est à part. Venons –en aux « triplicités élémentaires » (p. 97)/ Ce faisant Wirth introduit un nouveau niveau, associant signes et éléments, ce qui vient encore complexifier le système dans sa globalité. On en arrive à une addition, à un croisement d’informations, comme si le « symbolisme astrologique » était inévitablement constitué d’un tel ensemble hétérogène. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain et corriger plutôt que d’évacuer comme l’ont proposé certains comme Jean-Pierre Nicola, vingt cinq ans plus tard, ce qui ne l’ a pas empêché de conserver un découpage en 12 qui selon nous n’est pas astrologiquement pertinent et qui conduit notamment, avec les 4 Eléments, à une division en trois de l’écliptique qui ne fait pas sens et qui est en porte à faux avec la division en quatre, ce qui pose ipso facto le bien fondé de l’opposition entre le trigone et le carré dont traite Wirth (pp. 145 et seq)
La description que donne, en 1937, Wirth du « symbolisme astrologique » reste selon nous superficielle. « Nous sommes en présence, écrit-il, dans son Avant propos, d’une merveille d’ingéniosité. Aucun symbolisme n’est aussi admirablement coordonné que celui des astrologues. Tout s’y agence avec une telle perfection qu’il est impossible qu’un si bel organisme ne corresponde à une mystérieuse réalité »
Etrangement, Wirth reconnait qu’un tel ensemble n’est guère aisé à gérer : « Il faut faire preuve de sagacité pour interpréter judicieusement les données fondamentales d’un thème de nativité » (p. 142) Wirth mentionne à la fois les exaltations et les doubles domiciles sans comprendre que le dispositif des doubles domiciles est conçu pour se substituer aux exaltations.(p/144). Il ne voit pas d’inconvénient à ce que chaque planète possède son propre cycle alors même que le dispositif des domiciles, qui n’a rien d’astronomique, sinon sur un mode « symbolique », sous entend l’existence d’un cycle astronomique central. Wirth ne s’offusque pas outre mesure du fait que certaines planètes, comme Mars et Vénus, sont en domiciles dans des saisons opposées, du fait du quinconce (150°).
On notera que lorsque Wirth écrit, il semble que l’on se soucia moins de typologie zodiacale que de typologies planétaire. (p 4), les signes ne sont encore alors que des secteurs s’inscrivant dans une cyclicité. Le temps de l’astrologie zodiacale ne faisait alors que commencer (signe solaire/signe ascendant), il est vrai plus aisé à appliquer qu’une astrologie proprement planétaire. Wirth écrit « Si avant d’aller plus loin, le lecteur veut bien s’arrêter au septénaire des planètes, il établira lui-même des comparaisons et des rapprochements (…) Humainement, ces types existent et ont été fort bien observés, quelle que puisse être l’intervention des astres, quant à la détermination de ces types » (p. 4). Notons que cette simplicité du propos initial est en tension avec l’insistance sur la complexité dans le discours final.
Wirth n’oublie pas, on l’a vu pour les Gémeaux, le Tarot, dans son exposé –il est d’ailleurs l’auteur d’un jeu de tarots- et il relie les signes à tel ou tel arcane.
Nous dirons en conclusion que l’enjeu de l’astrologie ne se situe pas dans la modernité mais bien dans un retour à une cohérence originelle due à une construction humaine. Cela ne signifie nullement que les hommes d’aujourd’hui aient quelque compétence pour construire une astrologie à frais nouveaux. Ce n’est que par un repli stratégique dans un temps révolu mais intégré et programmé par la psyché humaine que l’astrologie pourra s’affirmer, paradoxalement, comme science. L’heure de l’astrologie appartient au passé mais ce passé perdure. Comme dit Wirth « Les corps célestes prennent pour nous les vertus que nous leur attribuons (…) L’Astrologie relève des mystères de l’imagination, qui n’est elle-même qu’un aspect de la sensibilité. Nous héritons des anciens ce qu’ils ont senti, non raisonné à notre façon » (p. X). On préférera soutenir que les Anciens ont fixé, arbitrairement, des lois qui conditionnent notre rapport au cosmos et que ces lois ne peuvent être retrouvées par la seule contemplation de la réalité astronomique actuelle, ce qui serait tout à fait anachronique. Entre les sciences dures et les sciences humaines, nous placerons le champ du linguistique et du juridique qui n’est pas celui de la description mais de l’institution.
Jacques HALBRONN