Je suis une femme mendiante
Mendiant ton amour une femme clocharde
Celle que personne ne voit
Son fard c’est sa peau
Sa douceur sa crasse
Je suis cette femme vagabonde
Aux cheveux de crin qui erre par les rues
En murmurant ton nom comme une écharde
J’effarouche qui me touche
Et fais fuir les moineaux je crie mon coeur
Au fond de la forêt me roule dans l’humus et m’enroule de feuilles
Je fane ma jeunesse et fauche mes amours
Ma broche sur mon pelage
C’est le regard du loup
Jaune et fixe ; je fascine ta peur
Sorcière je marmonne les formules magiques
Les plus rauques musiques et les fontaines sous la terre
Mendiante pelée ogresse et orpheline
Sous mes hardes et mon silence
J’ai un visage d’ange et de femme princesse
Ma force s’enracine et je danse le sol
Le ciel est sous mes pieds je le porte à mes paumes
Mendiante je te l’offre je ne suis que lumière
Clocharde de l’amour me voici devenue fée
Donnée à toi comme une fleur au soleil ma danse du feu de la nuit et des songes
Tu n’as rien pris homme bleu de ce regard vivant
Tu as reculé ton âme vers des frontières plus calmes
Ton coeur a cessé de battre le tambour ton coeur chaman
A bâti son igloo a repoussé mon âme a repoussé mes doigts
Ce regard de louve a fermé ses paupières sur ma nuit l’impuissance des rêves
Et la mortalité des vagues
Oh ! Forêts je reviens vagabonde l’échine courbée et le hurlement en cendres
Je reviens en vous me rouler dans la boue les étoiles et les larmes
Je reviens en vous rejoindre en moi toutes les femmes
Sauvages qui ne se lavent qu’aux ruisseaux et dansent leurs corps velus
A l’ombre des châteaux. Mon chant ne finira jamais et je mourrai sorcière
Clocharde, mendiante jusqu’au soleil de celui qui me relèvera.
Ton regard que je mendie je me l’offre dans une coupe, cadeau fait à moi-même
Je te bois et te découvre en moi comme un arbre qui s’élance
Mendiante je fus tu m’as fait souveraine d’un royaume fauve où j’aime à vouloir
Qu’homme tu viennes, à ton tour devenu louve et terre des forêts.
Anne Jullien ©