Evolution de l’organisation et de la doctrine
Nécessairement un certain nombre de questions viennent à l’esprit lorsque l’on se penche sur les écritures.
Comment à partir des exhortations à l’Amour Universel, comment à partir de textes aussi superbes que : Le Sermon sur la montagne, a t-on pu fixer les dogmes pour en arriver par exemple à la proclamation de l’infaillibilité du pape lors du concile de Vatican en 1870 ?
Comment est on passé de la vie de cette toute première communauté à une organisation solidement structurée telle que nous la connaissons aujourd’hui ? Questions mais aussi aspirations, pour le cherchant véritable qui souhaite revenir aujourd’hui à la simplicité du message primitif et des écritures.
Le monde dans lequel nous vivons n’est il pas ainsi fait que nous ne puissions très longtemps garder à la Lumière sa pureté originelle. Ainsi le souffle premier se densifia et s’empêtra dans la matière. Il est vrai que les spécialistes : historiens ou théologiens cherchent toujours à expliquer le pourquoi et le comment d’une telle évolution en une organisation forte et rigide. Nécessaire, diront ils pour propager le Christianisme, lutter contre les hérésies et fixer une doctrine solidement établie. En un mot : Il s’agissait d’une volonté de pérenniser l’Eglise et de défendre son unité. Il s’agissait de recouvrer ce qui insuffla la vie à cette primitive église et cela a été rendu possible par un certain nombre d’écrits. L’un d’entre eux est particulièrement intéressant : la Didaché, un petit livre écrit en langue grecque, en Syrie vers la fin du Ie ou début du IIe siècle de notre ère. C’est un ouvrage que l’on peut qualifier d’important puisqu’on le lisait avec les épîtres, lors du culte des premières communautés. Le mot grec « Didaché » ou « Didakhé » veut dire Enseignement ou Doctrine. Le manuscrit est ainsi libellé : la Didaché ou Enseignement des 12 apôtres bien que ceux ci ne soient pas mentionnés spécifiquement dans le texte. Les Pères de l’Eglise (Irénée, Clément d’Alexandrie, Origène…) la cite très souvent ainsi qu’Eusèbe dans son Histoire Ecclésiastique. Par la suite elle fut traduite en latin et en arabe. Puis, elle disparut soudainement pendant des siècles jusqu’à ce qu’un certain Philothée Bryennios, évêque de Séres en Macédoine et doyen de l’Ecole de Phanan à Constantinople en découvrit le manuscrit en 1873, dans la bibliothèque du Saint Sépulcre.
Ce manuscrit est une copie d’un manuscrit plus ancien transcrit à Jérusalem en 1056 par un certain « Léon, scribe et pêcheur ». Depuis cette époque un certain nombre d’études sont parues à son sujet, prouvant tout l’intérêt qu’on attache à ce texte extra canonique du Christianisme des premiers siècles, contemporain des écrits composant le Nouveau Testament. Selon les historiens il aurait été écrit entre 70 et 150 de notre ère.
Comment percevaient ils le Maître ? Pour eux n’était il pas le Vivant, le sentier qui parti de Dieu ramène à lui (l’alpha et l’oméga des écritures), n’était il pas la vérité, le chemin et la vie.
Comment pouvait donc se présenter les premières communautés chrétiennes ? Luc, l’évangéliste brosse le tableau des premières communautés : « Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres, aux réunions communes, à la fraction du pain, aux prières. Ils vivaient ensemble et avaient tout en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et partageaient le produit entre tous, selon les besoins de chacun. Tous ensemble, ils étaient assidus au Temple, rompaient le pain dans les maisons et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur. ».
– La devise de la nouvelle communauté étaient :
« On vous reconnaîtra pour mes disciples si vous vous aimez les uns les autres ».
– Une prière unique : Le Notre Père
– Un but : préparer l’esprit humain à recevoir la Lumière.
– 2 sacrements : le Baptême (rite de purification certainement d’origine Essénienne) et l’Eucharistie (rite d’union avec le Divin).
Dans les premières communautés existaient 2 catégories de personnes, mais pas de véritable organisation définie :
– ceux qui se consacraient à la prédication.
– ceux s’occupant de la vie matérielle.
Le fonctions spirituelles étaient remplis par :
– les prophètes (pas celui qui prêche l’avenir, celui-ci est un inspiré ; pour Paul, le prophète est celui qui édifie, qui exhorte, qui console…)
– les docteurs qui enseignent ce qu’il faut savoir pour devenir chrétien.
– les apôtres (du grec : apostolos qui indique celui qui est l’envoyé, c’est à dire les 12 au départ plus Paul). Par la suite, Paul donne ce nom aux responsables désignés pour représenter chaque église dans la collecte des fonds destinée à la communauté de Jérusalem. On appelle aussi apôtres, celui qui apporte des nouvelles des églises voisines. En fait, l’apôtre est celui qui est choisi par sa communauté.
Les apôtres, les prophètes, les docteurs tiennent directement leur don de Dieu.
Apparaissent ensuite des fonctions d’organisation :
– Certains s’occupent des malades, des pauvres : ce sont les diacres. Ils représentent la fonction la plus ancienne au sein de l’Eglise.
– D’autres président au culte : ce sont les anciens ou presbytes (du grec prebuteros qui signifie le plus âgé, mais dans le sens de la connaissance acquise). Ils délibèrent sur toute question intéressant la communauté mais n’ont pas de rôle de sanction.
– D’autres enfin assurent l’ordre au sein de la communauté, ce sont les évêques, du grec episcopos qui signifie surveillant. Leur rôle au départ est de surveiller les biens de l’église et l’activité de la communauté. Ce n’est que plus tard que le terme d’évêque prendra plus d’importance. Cette fonction est aujourd’hui la plus éminente.
En fait c’est la lecture des différentes Epîtres de Paul, de Pierre et de Jean qui permet de constater l’évolution de ces différentes fonctions.
Cependant le temps passe et un après l’autre les apôtres disparaissent.
Ce don transmis par le maître à ses premiers disciples se fait maintenant par imposition des mains : c’est le début des ordinations.
Quoiqu’il en soit, tout cela met en évidence le fait que l’organisation de l’Eglise primitive a été relativement simple dans ses débuts, comme le démontrent les textes canoniques et la Didaché. L’enseignement contenu dans la Didaché est simple : « Jésus est le Christ : le prophète annoncé, les hommes l’ont rejeté, mais il reviendra dans la gloire ». Ici pas de traces de discussions théologiques, pas de polémiques, pas d’affrontements doctrinaux… On s’unit à la communauté et au Christ par le baptême et l’Eucharistie et par la mise en pratique des enseignements des évangiles. Il faut noter également que si l’épître de Paul se rattache à sa mort et à sa résurrection, la Didaché comme l’épître de Jacques se rapporte essentiellement à ses enseignements.La gnose chrétienne fait son apparition dès les débuts du Christianisme. En l’absence d’un canon, la seule possibilité de vérification des pratiques et des croyances reste la tradition apostolique. Vers 150, tous les apôtres sont morts, néanmoins leurs témoignages ont été conservés par un certain nombre de textes rédigés ou inspirés ainsi que par la tradition orale. Aux côtés des 4 Evangiles et des Actes des Apôtres reconnus par l’ensemble des communautés, ont cours également, un certains nombre de textes tels que : l’Evangile de Thomas, l’Evangile du pseudo-Mathieu, l’Evangile de Vérité, les Actes de Pierre, de Jean. La majorité de ces ouvrages sont dits : « apocryphes » dans le sens qu’ils : « contiennent des révélations jusqu’alors cachés », celle d’une doctrine ésotérique révélé par Jésus aux apôtres et transmis à eux par tradition orale. Enseignement secret dont se réclament les gnostiques. Quelles sont donc ces paroles cachées ? A t-il aux premiers temps du christianisme existé un ésotérisme chrétien ? Quelle fut la portée de cet enseignement ?
Jean Iozia © pour la LdT – article inédit (à suivre)