« A vous tous les hommes, je dis pliez, devenez ronds, laissez la connaissance vous submerger, vautrez-vous dans l’herbe, n’agissez plus, restez assis, fermez les yeux pour écouter le bruit de la danse des protons dans les galaxies lointaines, devenez entendants, c’est-à-dire muets.
Laissez renaître sur vos faces le sourire du poisson.
N’ayez pas le désespoir de vos ventres à jamais vides d’enfants, votre force est de les avoir remplis ces ventres que vous n’aurez jamais.
Recouvrez de terre vos maisons de béton, laissez pousser l’herbe sur les toits.
Quand vos mains s’ouvriront, que vos richesses s’en échapperont et se disperseront sur la planète comme une goutte de lait dans un verre d’eau pure, alors vous pourrez commencer à vivre libres et l’étau qui vous broie la tête se dissoudra.
Votre crâne s’ouvrira, il pourra recevoir l’énergie, la dispenser et les mots ne pourront plus rien dire de ce que vous éprouverez. A vous les femmes, je dis, par pitié pour les hommes, avouez leur votre connaissance, pour qu’ils cessent de marcher à reculons et mettent enfin leur bateau dans le fleuve car vous savez beaucoup : comme eux vous avez été ce qui remplit le ventre, mais vous pouvez approcher la mort sans peur, car vous pouvez être remplies. Voyez-les, eux, orphelins de votre puissance. Apprenez-leur à se fondre dans la matière, puisque la division de leurs corps leur a été refusée.
Depuis que l’histoire humaine sait se raconter, les hommes ont été chercher seuls et les femmes se riaient d’eux ils ont voulu trouver le chemin sans elles, ils étaient nus et abandonnés, ils haïssaient les femmes, car ils voyaient bien qu’elles n’étaient jamais nues.
Leur tristesse et leur faiblesse ils l’ont appelée force, ils ont construit un monde à leur image, triste et faible Ils vous ont tout volé, et pourtant vous n’étiez pas toujours nues.
Ils ont trouvé beaucoup de vérités, qui toutes aboutissent à la ligne courbe.
Maintenant, femmes, vous n’avez plus le droit de rire d’eux, car ils sont arrivés près de vous plus nus que jamais.
Ne les laissez plus faire, ne soyez plus assises dans l’herbe avec vos sourires de poissons, construisez des maisons qui ressemblent enfin à l’univers.
Femmes, celui qui ne veut pas voir qui vous êtes, combattez-le avec violence, femmes, que celles d’entre vous qui laissent encore les hommes faire leurs meurtres soient maudites et crèvent dans la poussière, car le monde qui est à l’ordre du jour ne pourra se faire sans vous. »
Coline Serreau ©
Née à Paris en 1947, Coline Serreau fait des études de musique et de littérature. Elle a fait l’Ecole de la Rue Blanche comme élève comédienne et pratique le trapèze à l’école d’Annie Fratellini depuis 1975.
En 1973, elle écrit et réalise des films, tout en poursuivant une carrière d’actrice et en écrivant des pièces de théâtre. Elle écrit le scénario et interprète le rôle principal de » On s’est trompé d’histoire d’amour » de Jean Louis Bertucelli. Puis se lance dans l’écriture et la réalisation de son premier long-métrage en 1975, » Mais qu’est-ce qu’elles veulent « . » Pourquoi pas « , réalisé en 1977 est une comédie interprétée par Samy Frey, Christine Murillo et Mario Gonzales. Coline Serreau explore en 1981 l’univers de la publicité dans » Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? « . En 84, » Trois Hommes et un couffin » se retrouve en tête du box-office pendant plusieurs semaines. Le film obtient le César du Meilleur Film et Michel Boujenah celui du Meilleur Second Rôle (…).