Du dieu Lug aux martyrs chrétiens

Lyon est une ville élue par les dieux. Déjà par son nom ! Sur les hauteurs de la ville, les Celtes rendaient sans doute un culte au dieu Lug. Sous le nom de Lugdunum, Lyon devint province romaine une cinquantaine d’années avant l’ère chrétienne. Sur la colline de Fourvière, les romains consacrèrent un temple à Cybèle, la mère des dieux. Chacun connaît le martyre de l’évêque Pothin ou celui de Blandine, esclave chrétienne de 19 ans. D’où le nom attribué à deux églises de la ville. En moins de trois siècles, trois religions auront marqué la ville. Avec un tel départ, Lyon ne pouvait pas décevoir les esprits assoiffés de mystère et de spiritualité. Enjambons un millénaire et demi. Faisons connaissance avec cinq figures hautes en couleurs qui marquèrent l’histoire lyonnaise.

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Nostradamus publie ses célèbres prédictions

Michel de Notredame, dit Nostradamus (1503-1566) tenait son nom du village de ses ancêtres ; Notre-Dame d’Alet (vallée de l’Aude). Il réunit les qualités de Médecin, astrologue, devin et mage.
Dans une de ses Centuries (1, 35), il annonce un tournoi. Le plus âgé des deux adversaires verra son heaume traversé par l’arme du plus jeune. L’œil sera crevé et il en mourra. Le 30 juin 1559, le roi Henri II meurt effectivement dans un tournoi, tué par le comte de Montgomery. Tous les détails se vérifient. Les Centuries de Nostradamus deviennent célèbres.

Catherine de Medicis le fait venir à Paris en 1555. L’année suivante, Catherine de Médicis et Henri II le réclament à Blois, pour le consulter sur l’avenir de leurs sept enfants. Emmanuel de Savoie et Marguerite de France le consultent en 1559. Charles IX le consulte en 1564.

Le 2 juillet 1566, Nostradamus meurt vers les trois heures et demi du matin. Dans ses éphémérides, sur la page de fin juin 1566, il avait écrit : « Ici, la mort est proche ». Le soir du 1er juillet, il prit congé en annonçant : « Vous ne me verrez pas en vie au soleil levant ».

Les éditeurs de la ville de Lyon publièrent l’essentiel des textes rédigés par Nostradamus. Le fonds général de la Bibliothèque de Lyon était déjà riche. Mais Michel Chomarat l’a considérablement augmenté en y déposant son fonds privé. Les chercheurs ont ainsi accès au plus important fonds mondial consacré au mage. En furetant sur le site de la Bibliothèque (bm-lyon.fr), vous y trouverez de multiples archives et documents. Dont une exposition (virtuelle) reprenant celle organisée à Salon de Provence sur les « Prophéties en temps de crise ».

La dernière victime de l’Inquisition séjourne dans la capitale des Gaules

20 octobre 1784. Cagliostro arrive à Lyon et descend à l’hôtel de la Reine. Cet hôtel occupait l’emplacement de la maison qui fait actuellement l’angle de la rue d’Algérie et de la rue Sainte-Catherine. Il parcouru l’Europe entière, multipliant les guérisons miraculeuses, soignant les pauvres, effectuant des opérations de haute-magie. Mozart l’immortaliserait bientôt dans sa Flûte Enchantée, sous le nom de Sarastro.

En novembre 1776, Cagliostro séjournait à Londres. Il s’y était fait remarquer en prédisant à six reprises successives le numéro gagnant de la Loterie Royale. Ce Cette raison et quelques autres avaient entraîné son expulsion.

Si certains soyeux craignaient de s’ennuyer, ils se trompaient ! Les disciples lyonnais se cotisent et bâtissent un temple magnifique aux Brotteaux. Le 24 décembre 1784, Cagliostro inaugure un nouveau rite maçonnique, le « Rite de la Haute Maçonnerie égyptienne ». Dans sa loge, des évocations sont organisées en présence du duc de Richelieu. Elles culminent dans des visions accessibles à tous. Prost du Royer, chef d’une loge lyonnaise, était mort le 21 septembre de la même année. Qu’à cela ne tienne ! Son fantôme apparut et fut reconnu par les membres de cette loge qui étaient présents. J. B. Delorme, premier d’une longue série, fut guéri d’une maladie incurable. Des enfants devenaient, sous son commandement, capables de la clairvoyance la plus spectaculaire.

Mais Cagliostro a la bougeotte. C’est un nomade. Le 27 janvier 1785, il quitte Lyon pour Paris. L’aventure continue. Le 22 août 1785, Cagliostro est arrêté et accusé d’avoir trempé dans l’affaire du collier de la Reine. Il est enfermé à la Bastille. Le 31 mai 1786, il est blanchi et acquitté par le Parlement de Paris. Le roi, désavoué par sa justice, le bannit de France. C’est alors que Cagliostro annonce, trois ans à l’avance, la destruction de la Bastille, la convocation des Etats Généraux et la destruction des lettres de cachet.

Tout cela devait mal finir. Le 27 décembre 1789, alors qu’il séjournait à Rome, le pape Pie VI ordonna son arrestation. Le 7 avril 1791, Cagliostro fut condamné à l’emprisonnement perpétuel. Enfermé le 21 avril au fort de San Leo (près de Rimini), il y passa le reste de sa vie dans des conditions ignobles, au fond d’un cachot nommé Il Pozzetto, nom qui signifie quelque chose comme « oubliette », « puits » ou « égout ». Il y mourut le 26 août 1795, deux ans et demi avant l’arrivée des troupes françaises qui firent sauter la forteresse de San Leo. Cagliostro fut peut-être la dernière victime de l’Inquisition. Dans son cachot, qui se visite aujourd’hui, les visiteurs déposent des roses rouges.

Un lyonnais fait tourner les tables

Hippolyte-Léon Rivail naquit à Lyon en 1804 et mourut en 1869. Il formalisa le spiritisme. Ce nom recouvre plusieurs modes de communication avec les esprits, dont les célèbres tables tournantes. Un des esprits lui révèle que, dans une existence antérieure en Gaule, il fut druide sous le nom d’Allan Kardec.
Il réunit ses enseignements dans deux livres constamment réédités : Le Livre des Esprits et Le Livre des médiums. Il répandit en France l’idée d’un perfectionnement de l’âme par des réincarnations successives. Lyon fut un centre spirite important. Sait-on que la première crèche de la ville fut organisée par les spirites ? Et jusqu’au 15 janvier prochain, ne manquez pas l’exposition « Lyon, cœur du spiritisme » organisée par la Bibliothèque de Lyon (Part-Dieu) !

Le spiritisme devait se répandre dans le monde. Il imprégna et domina la religion de pays entiers, du Brésil au Vietnam. Si vous allez dans le second, visitez les temples du spiritisme local, le cao-daïsme. Vous y verrez trôner la statue de Victor Hugo, un autre spirite célèbre.

A Paris, Allan Kardec est enterré au cimetière du Père Lachaise. Toujours fleurie, sa tombe reproduit un monument mégalithique.

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Le guérisseur devient médecin des armées impériales

Nizier Anthelme Philippe (1849-1905) est mieux connu sous le nom « Maître Philippe de Lyon ». A l’âge de 14 ans, il quitte son village natal (Loisieux, en Savoie) pour rejoindre son oncle Vachod, boucher à Lyon.

Il vécut à l’Arbresle. Guérisseur, il avait poursuivi en auditeur libre des études de médecine et de pharmacie pour exercer légalement ses dons. La popularité de Maître Philippe était immense. Il soignait par le magnétisme et dispensait gratuitement ses soins aux pauvres.

Sa renommée se répandit dans toute l’Europe. A partir de 1901, il séjourna à plusieurs reprises à la cour de Russie pour soigner l’hémophilie du fils du tsar Nicolas II. Il y opéra des guérisons remarquées. Au point que le tsar demanda au président de la République française, Emile Loubet, un diplôme en médecine ad honorem pour le guérisseur. Irrité par le refus qui lui fut opposé, le tsar nomma Philippe médecin des armées impériales !

L’influence de Maître Philippe à la cour de Russie fut supplantée par celle de Raspoutine. Pourtant, le français avait tenté de mettre en garde la famille impériale contre le personnage, et avait annoncé l’irruption de la révolution russe.

Allez au cimetière de Loyasse, sur le plateau de Fourvière. La tombe est fleurie par des admirateurs venant du monde entier.

Les petites Eglises parallèles et leur patriarche

Joseph-René Vilatte était un prêtre fâché avec la hiérarchie catholique. Fondateur d’une communauté au Québec, il lui fallait en assurer la survie. En 1892, trois évêques orthodoxes (l’un d’eux a été canonisé depuis) le consacrèrent évêque. Ce nouvel évêque en consacra d’autres à son tour. L’un des successeurs fut l’abbé Julio, grand guérisseur. Il rassembla une multitude de prières recueillies dans les campagnes. Ses livres portent des titres qui rappellent la Belle époque. Ainsi, ces Grands secrets merveilleux pour aider à la guérison de toutes les maladies physiques et morales, constamment réédité.

En 1913, le successeur de l’abbé Julio consacra un lyonnais, Jean Bricaud (1881-1934).

Cette petite Eglise parallèle était indépendante de l’Eglise romaine. Elle était composée de plusieurs courants regroupés sous le vocable « Eglise Gnostique ». En mémoire des Gnostiques, chrétiens des premiers siècles exterminés par Rome pour dissensions doctrinales.

Il y a cent ans, les francs-maçons étaient déjà automatiquement excommuniés. Si peu s’en soucient de nos jours, beaucoup en devenaient insomniaques à l’époque. A leur mort, les rites funéraires catholiques leur étaient refusés. L’Eglise Orthodoxe était alors réservée aux communautés étrangères (russe, grecque, arménienne, etc.) dont elles utilisaient la langue et la liturgie. Ce n’était donc pas une issue possible. Aussi, des francs-maçons et occultistes de toutes sortes se dirigeaient-ils vers de petites Eglises parallèles.

Allez au cimetière de Francheville-le-Haut. Vous trouverez une tombe étrange. Y sont enterrés Constant Chevillon et Jean Bricaut. Le premier dirigea un rite maçonnique occultiste. En 1944, il fut assassiné par la milice de Vichy à qui cela ne plaisait guère. Le second fut à la tête de l’Eglise Gnostique et mourut en 1934. Leurs titres sont gravés sur la pierre tombale. Le monument est à l’abandon, alors que la tombe d’Alan Kardec et la cellule de Cagliostro sont couvertes de fleurs. Les hommes qui estiment se situer dans la ligne de Jean Bricaut seraient-ils plus ingrats que les disciples de Kardec et Cagliostro ?

Denis Labouré © Pour la Lettre de THOT – No 58, avril 2009.

Denis Labouré © Pour la Lettre de THOT – No 58, avril 2009.

Denis Labouré // à consulter :

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