« Grâce à la valeur numérique de la lettre S, déplacée à dessein, nous comprenons que l’inscription doit se traduire en langage secret, c’est-à-dire dans la « Langue des Dieux » ou celle des oiseaux, et qu’il faut en découvrir le sens à l’aide des règles de la Diplomatique. Quelques auteurs, et particulièrement Grasset d’Orcet, dans l’analyse du Songe de Poliphile, publiée par la revue Britannique, les ont données assez clairement pour nous dispenser d’en parler après eux. »
Fulcanelli – Le Mystère des Cathédrales
Claude-Sosthène Grasset d’Orcet dans ses recherches sur la société Angélique n’avait pas été aussi loin que Patrick Berlier et avait identifié Sébastien Gryphe comme fondateur de cette même société. Il nous a semblé utile cependant de revenir à cette source et de proposer à la suite de cette interview un extrait des « Matériaux Cryptographiques » de Grasset d’Orcet consacré aux « Ménestrels de Morvan et de Murcie ». Ouvrage en 2 tomes, publié en 1983, grâce à l’aide consciencieuse et dévouée de : Nicole Allieu, Roland Béchade, Philippe Gruit & Albert Krief, sur des textes recueillis et assemblés par Bernard Allieu et A. Barthélémy. Une édition plus récente et complète nous est également proposée par les éditions e-Dite, on trouvera l’extrait de ce texte dans le volume II intitulé « Histoire secrète de l’Europe », avec une présentation Jean-Pierre Deloux ( Tome I, – L’Archéologie Mystérieuse ). Ouvrages à lire absolument, en complément des 2 ouvrages de Patrick Berlier ! Nous vous les conseillons.
Par ailleurs vous pouvez retrouver sur ce site internet http://espalier.limousin.free.fr/ le travail de Limousin Espalier, juin 1997 – intitulé : « L’Art royal, trahison et clercs ; les brisées de Grasset d’Orcet (1828-1900) », qui reste à ce jour une étude tout à fait exceptionnelle consacrée à l’œuvre du sémiologue-philologue-archéologue, autrement dit… du maître du grimoire, autrement appelé par Jean-Pierre Deloux : « l’Hermétiste inconnu ».
Quant à l’aspect biographique du personnage, il faut consulter absolument le site :
http://grassetdorcet.sost.free.fr/index_fichiers/grassetdorcet.htm
Arcadia – février 2006.
En illustration :
Matériaux Cryptographiques, Grasset d’Orcet édition de 1983 – (Bibliothèque Arcadia).
Les ménestrels de Morvan et de Murcie
Les ménestrels de Morvan et de Murcie
Dans l’étude que j’ai consacrée à l’hiéroglyphie du Songe de Poliphile, j’ai dit que ce livre singulier n’était pas autre chose qu’un traité de glyptique et un manuel d’initiation à l’usage des ménestrels de Murcie, il me reste à exposer le rôle qu’ont joué dans l’histoire ces ménestrels et leurs rivaux du Morvan.
Les ménestrels du Morvan existaient encore au commencement de ce siècle sous les noms de fendeurs ou bons cousins, et étaient identiques, quant à leur origine, aux carbonari italiens. Le but de cette association, mère de toutes les maçonneries modernes, était d’aider les voyageurs, qui, dans les forêts ou sur les routes, pouvaient courir des dangers. Quiconque était affilié aux fendeurs faisait alors signe ou prononçait certaines paroles, et s’il se trouvait à portée un bon cousin, il accourait immédiatement à son aide. Le cérémonial des fendeurs était véritablement gaulois, c’est-à-dire qu’il se composait d’une série de mystifications plus gaies les unes que les autres. Mais cette association n’en avait pas moins son côté sérieux : aussi tous les voyageurs, par état ou par goût, s’y faisaient affilier. Or les anciens ménestrels étaient de leur nature des vagabonds exposés à des dangers de toute sorte, et l’on conçoit l’utilité qu’ils retiraient de ces affiliations.
Les ménestrels de Murcie ne différaient de ceux du Morvan que par le lieu de leur origine, les premiers venaient du Morvan, et les seconds se rattachaient aux Goths qui avaient dominé le nord de l’Espagne, le midi de la France et une partie de l’Italie. Les uns et les autres se servaient du même idiome, le latin vulgaire ou français ; les uns et les autres s’étaient répandus sous divers noms dans tous les pays occidentaux, notamment l’Allemagne et l’Angleterre. Mais les ménestrels de Murcie tenaient pour le pape et ceux de Morvan pour le pouvoir séculier. Les premiers se recrutaient de préférence parmi les artisans, et les seconds dans les hautes classes. Les uns et les autres existaient de temps immémorial, mais il est difficile de suivre leur piste avant la fin du XVe siècle. Au commencement du siècle suivant, les ménestrels de Morvan prirent parti pour le connétable de Bourbon, seigneur du Morvan, et comme eux-mêmes représentaient le parti aristocratique, ils restèrent fidèles à sa cause, ce qui rejeta François Ier dans le parti des ménestrels de Murcie. Tels furent les motifs infiniment plus politiques qu’artistiques qui l’engagèrent à faire publier à leur intention la traduction française du Songe de Poliphile.
Ce livre n’avait eu que peu de succès en Italie, parce que les gravures en étaient médiocres et que le texte n’apprenait rien aux artistes italiens. On n’a qu’à examiner certains tableaux de Mantegna et les magnifiques fresques italiennes du Louvre, qui sont antérieures à la publication de Poliphile, pour se convaincre que Leonardo Crasso n’avait fait que résumer une légende qui courait les ateliers et recueillir des types d’architecture et d’ornement en usage depuis une vingtaine d’années. Mais il n’en était pas de même en France, l’art gothique s’y était tout naturellement transformé en ce merveilleux style dont le type est le château de Gaillon et n’existe pas en Italie ; nous le nommons le style François Ier, les Anglais le style Tudor. Il est beaucoup plus élégant et beaucoup plus logique que le style italien ou néoromain, mais le savant Serlio et Philibert Delorme, qui avait habité l’Italie, n’eurent pas de peine à persuader à François Ier que ce qui se faisait hors de chez lui valait mieux que ce qui se faisait chez lui, de sorte qu’il résolut de faire d’une pierre deux coups, substituer le style italien au style français et raviver le zèle de ses partisans, les ménestrels de Murcie.
J’ai dit que les ménestrels du Morvan étaient originaires du Forez, ils s’y étaient perpétués depuis les druides, et cette désignation, ainsi que celle de Murcie, remonte également à l’époque druidique.
Murcie ou Merci était le déesse de l’Ouest et de la mort ; Morgan ou Morvan, celle de l’Est et de la bonne fortune. Toutes les deux figuraient sur le temple gallo-romain de Montmorillon en Poitou, décrit par Montfaucon ; la première sous le forme d’une femme nue et décharnée tenant deux serpents qui lui mordaient les seins ; la seconde représentée par une dame richement vêtue avec des gants.
Murcie était la même que Marica ou Marca, la déesse la plus populaire du monde antique. Les Gaulois la nommaient tantôt Marca, tantôt Rosmarta, et elle était le plus souvent représentée par un marteau. Bien que la plupart des églises chrétiennes soient consacrées au dieu de la résurrection et aient, en conséquence, leur façade à l’ouest, on en trouve un bon nombre orientées à l’opposite, à commencer par Saint-Jean de Latran et Saint-Pierre de Rome. Il faut croire que Marica, qui était la divinité la plus vénérée de la plèbe romaine, avait conservé son influence sur la Rome chrétienne, car les ménestrels de Murcie semblent avoir été de tout temps sous la protection papale.
Parmi les églises françaises dont la façade est à l’est, on peut noter la collégiale de Saint-Martin à Marseille, qui doit indiquer l’emplacement du temple de ses anciennes divinités noires : Marcus et Marca. Or on sait que les madones des cryptes romanes sont également de couleur noire.
La même anomalie d’orientation se remarque dans les deux églises de la vallée de Domrémy, dont l’une est consacrée à saint Michel, vainqueur du dragon, et ce dragon lui-même est l’une des anciennes formes de la déesse Marica qui est représentée dans tous les traités de maçonnerie ancienne et moderne par la bisse se mordant la queue, avec cette devise : Ecce fons et meta (voilà la source et le but) ; il est donc probable qu’il se trouvait dans le voisinage du pays de Jeanne d’Arc un centre important de ménestrels de Murcie, dont le rite a toujours été le plus populaire, et que leur aide ne contribua pas peu aux succès de l’héroïque Lorraine. (…)
Grasset d’Orcet, Matériaux Cryptographiques – Bernard Allieu – 1983.
Blason de la famille de Claude Sosthène Grasset d’Orcet, à voir sur :
http://grassetdorcet.sost.free.fr/