Jimmy Guieu (19 mars 1926 – 2 janvier 2000), de son vrai nom Henri René Guieu, s’intéresse très jeune à tous les domaines touchant le Paranormal. Engagé dans la résistance durant la guerre, il est arrêté par la Gestapo en novembre 1943 à Aix-en-Provence. Libéré en février 1944, il s’engage ensuite dans le maquis vendéen jusqu’à la fin de la guerre. A la fin de celle-ci, il s’adonne passionnément pour l’écriture, il abandonne bien vite, son travail de démarcheur à domicile pour rejoindre dès 1951, les auteurs de « Fleuve Noir ».

Rapidement sa notoriété grandissante lui permet d’ouvrir au maximum le champ des possibles, son imagination débordante faisant le reste… et ses lecteurs nombreux adorent les différentes aventures de ses héros ; Gilles Novak, le plus abouti d’entre eux, reste une référence pour bien des lecteurs de SF.

Par la suite, son nom deviendra une marque de collection et Jimmy Guieu publia sous divers pseudonymes (Claude Vauzière, Jimmy G. Quint, Claude Rostaing ou Dominique Verseau) dans de très nombreuses maisons d’édition. Son succès fut planétaire avec plus d’une centaine de titres et de cassettes vidéos diffusés (sans compter les collaborations diverses à des revues et autres publications) ; regroupant tous ses centres d’intérêt, le Paranormal, les OVNIS, la Science-Fiction, l’Esotérisme, les Sociétés secrètes, etc. Traduits dans plusieurs langues, il est certainement aujourd’hui l’écrivain français de SF, le plus connu du grand public. Mélangeant allègrement les meilleurs sources, (il était l’ami intime de sommités dans les domaines de l’Initiation véritable et de l’Alchimie) à des intuitions de génie, ces ouvrages nous apportent bien souvent – et de façon cryptée – des réponses essentielles aux questions que nous nous posons tous. Mais encore fallait-il exprimer ces thèses là d’une manière simple et directe, enrobées d’un parfum de légende. Franc-maçon convaincu, ami d’Alain le Kern et de bien d’autres, Jimmy Guieu rencontra les meilleurs ésotéristes de son temps, avec eux, il enquêta très régulièrement sur le terrain et c’est ce substrat que l’on retrouve en permanence, en filigrane, dans tous ses livres, lui permettant au mieux de voiler une réalité qu’il avait agrandie mieux que quiconque, matière vivante silhouettée sans cesse de personnages amis, conservant leurs vrais noms, que l’on retrouve d’amitié au gré des pages lues.

Pour conclure ce dossier inédit sur le Verdon Mystérieux, [La lettre de Thot] vous propose ce mois ci, un court extrait du « Piège du Val Maudit » de Jimmy Guieu, publié chez « Fleuve Noir » en 1991. Une aventure de Gilles Novak, le dixième de la série « Les Chevaliers de Lumière ». Le lecteur y retrouvera donc une région qu’il connaît bien maintenant, quelques indications qui valent leurs pesant d’initiation et un meunier bien connu de nous maintenant… Sans parler d’un mystère qui nous est cher…

Arcadia

Voir aussi :

http://www.sfmag.net/article.php3?id_article=774

http://sf.emse.fr/AUTHORS/JGUIEU/jg.html

Gilles Novak pianota sur le clavier de l’ordinateur et sur un écran défila la carte au 1/100 000e des régions survolées cependant que, sur un écran voisin, apparaissaient des cartes au 1/25 000e. Gilles Novak examina rapidement la première et concentra son attention sur les relevés topographiques à plus grande échelle :

– Nous abordons le département du Var, secteur du Haut Var et des Gorges du Verdon…

– Notre « guide » réduit progressivement sa vitesse et infléchit sa direction maintenant orientée vers… le sud…

– Nous survolons effectivement le Grand Plan de Canjuers, confirma le banneret des Chevaliers de Lumière. C’est une région que je connais assez bien ; l’un de mes bons amis, Paul Amoros, a créé un restaurant au Moulin de Soleils, à trois ou quatre kilomètres au nord de Trigance. L’I.M.S.A. et le C.E.O.F y donnent parfois des déjeuners débats.

Un grandiose paysage bosselé de montagnes, la plupart couvertes de forêts et sabrées de vallées profondes, alternant avec des barres rocheuses quasi inaccessibles. C’est dans ce relief tourmenté ceinturant le Grand Plan de Canjuers et ses installations militaires — prohibées aux civils — que le bizarre engin discoïdal noirâtre se déplaçait, changeant fréquemment de cap, descendant toujours plus près du sol et disparaissant parfois derrière une crête ou un pic. Il obliqua brusquement vers le nord, plongea dans un étroit défilé sombre aux falaises crayeuses qui s’écartaient, s’ouvraient sur une riante vallée avec, au pied d’une butte, une bergerie en mauvais état près d’une chapelle en ruine. (…)

Un bruit de moteur de voiture et au tournant du chemin apparut un break Peugeot 505 qui pila net devant le tableau !

Mais… c’est l’ami Paul Amoros ! (…)

D’une taille moyenne, des cheveux bruns ondulés, petite moustache, jean et chemise blanche aux manches retroussées, Paul Amoros sortit de son véhicule, s’approcha, ne sachant pas s’il devait s’étonner d’avantage de ces deux hommes planant à quelques mètres en l’air ou de cet être vraiment étrange, très grand, la peau bistre, chauve au crâne bizarrement ridé et aux oreilles décollées, qui l’observait avec beaucoup de sympathie.

– Excuse-moi, Gilles, j’arrive un peu en retard mais… (…)

– Je vous présente mon ami Paul Amoros, déclara Gilles. Passionné d’ésotérisme, de tradition, d’archéologie, il est aussi un spiritualiste convaincu… Et converti à la restauration naturelle, assurant en son Moulin de Soleils une nourriture saine accompagnée d’un pain de campagne fabriqué sur place et cuit dans son four au feu de bois. Vous verrez, sa cuisine est un régal !

Il se tourna vers le nouveau venu et lui serra chaleureusement la main. (…)

Le repas pris par Gilles et ses amis (à l’exception du Vahoun, trop « voyant » !) au Moulin de Soleils, n’eut rien de comparable à celui du « dîner officiel » offert au délégué ministériel par le commandant en chef de la base du Grand Plan de Canjuers. Un moulin qu’avait naguère entretenu une communauté tibétaine avant d’être repris par Paul Amoros, son adorable compagne la blonde Cathie et leurs associés, la non moins adorable Bernadette et Stéphane.

Ces deux jeunes couples s’étaient totalement investis — pour le plus grand plaisir de leurs clients — dans la restauration « campagnarde », naturelle, saine, accompagnée de pains cuits au four du moulin, la farine provenant évidemment du blé moulu également « à l’ancienne » avec une meule de pierre actionnée par une chute d’eau entraînant une roue à aube.

Le café servi, Paul prit place à leur table et baissa la voix :

– J’ai de la peine que votre ami… extraterrestre n’ait pas pu partager ces agapes, mais je comprends sa réserve : qu’auraient dit les clients en découvrant, à vos côtés, cet humanoïde si étrange bien que proche de nous par la morphologie et ses sentiments de fraternité…

Le restaurateur sursauta en percevant comme une voix feutrée qu’il n’identifia pas tout de suite à une transmission télépathique du Vahoun :

– Tu es un homme au cœur pur, Paul Amoros, et tes proches te ressemblent avec leur chaleur humaine. Un jour viendra où ceux qui, comme d’autres frères du cosmos ou moi-même, se tiennent à l’écart en raison de leurs différences, pourront se promener parmi les humains sans plus avoir à s’en cacher. Merci d’avoir eu ces pensées à mon égard. Et que le Grand Architecte des Mondes vous garde, toi et ceux que tu aimes…

Paul se retint in extremis de répondre et se donna une contenance en s’informant auprès de ses hôtes :

– Et que… sont devenus les « méchants », lorsque vous m’avez annoncé que vous viendriez dîner un peu tard, après avoir fait un tour dans la région ?

Le banneret des Chevaliers de Lumière le renseigna, imperturbable :

– Ils se sont rendus à un dîner officiel…

– Dans l’état où ils étaient ? S’étonna-t-il.

– Oui, confirma Daniel Huguet, mais on les a accompagnés. Faut bien s’entraider, dans la vie…

Avant d’accomplir cette B.A., les Chevaliers de Lumière s’étaient entretenus avec les bergers. Sans difficulté, ceux-ci leur montrèrent l’entrée de la grotte sise dans un massif rocheux dominant à peine d’une vingtaine de mètres le camp militaire ceinturé par une double clôture métallique.

– Voilà, expliqua Robert Vincent, c’est dans ce trou assez peu profond que serait caché le trésor, ou soi-disant trésor des Templiers. Je peux vous l’avouer, Germaine et moi avons récolté des ampoules aux mains à force de piocher, de sonder les parois, sans jamais rien trouver. Pauvres comme Job nous étions, pauvres comme Job nous restons! Si vous voulez essayer, je vous apporte des pioches et des…

– Ce ne sera pas nécessaire, Robert, le remercia Gilles Novak. Retournez auprès de Germaine qui a bien besoin de votre présence, après cette lâche agression.

Le berger acquiesça d’un mouvement de tête et s’en alla. Shorung-N’Taal, lui, se plaça aussitôt en état de réceptivité maximale et sonda psychiquement la caverne de faible dimension. Une minute à peine s’écoula et, exerçant ses fonctions PK (Psychokinétique : action motrice sur la matière), il fit se déplacer latéralement la dalle qui, au fond de la cavité, livra accès à une galerie en pente. Alors qu’ils éclairaient leurs torches électriques, ils eurent un sursaut et se reculèrent en dégainant.

Un être terrifiant venait de se dresser; une sorte de nain ne dépassant pas 1 m 30, le visage triangulaire, osseux, de gros yeux globuleux, une touffe de poils au menton, des moignons d’ailes au-dessus des épaules et des doigts griffus. Une courte cape laissait nues ses épaules et ses ailes atrophiées de vampire.

– Merde ! fit Daniel Huguet (1), l’index sur la détente, sans oser tirer. Ça ne vous dit rien cette tronche ?

– Bien sûr que si ! Asmodée, le démon — pris pour un diable — qui supporte le bénitier de l’église de Rennes-le-Château ! Et comme par hasard, cette caverne est dans la Combe Dasmodels, certainement une dérive sémantique d’Asmodée !

L’être effrayant oscillait sur lui-même, donnait l’impression de se dandiner, crachant comme un félin entre ses dents pointues et écartant ses doigts aux griffes acérées. Novak ramassa une pierre et la lança, sans trop de violence, sur l’apparition qui cracha de plus belle mais ne bondit point sur eux.

(…)

Jimmy GuieuLe Piège du Val Maudit (extrait) – Fleuve Noir ed. 1991.

(1) Daniel Huguet personnage romanesque cité ici par Jimmy Guieu est bien entendu son ami, le célèbre hypnotiseur Daniel Huguet, connu dans le monde entier pour ses spectacles exceptionnels.

Voir : http://www.hypnotic-show.com/