Ce dernier, en tout cas, a selon Ambelain et Canseliet été proche du groupe des Veilleurs de Schwaller, fondé en 1919, et où se retrouvaient d’autres adeptes du Grand Art, les « frères d’Elie », parmi lesquels Burgsthal, Celli et Larronde, tous attirés à des degrés divers par le mystère alchimique des bleus et rouges dits de Chartres, coloriés dans la masse, et dont le secret était et reste réputé perdu.
En 1922, Champagne assiste à Sarcelles à une transmutation, opérée par Canseliet en présence de Gaston Sauvage, chimiste chez Poulenc (comme Louise Barbe), transmutation opérée sous la direction de Fulcanelli.
Ce Sauvage, si l’on peut dire, n’était pas là par hasard à ce moment, puisqu’il est aussi un proche de Jules Boucher, écrivain maçon, martiniste, et peut-être sataniste, en tout cas magiste, dont Champagne fait la connaissance à ce moment, selon Ambelain grâce à une cousine de Champagne, travaillant également comme Sauvage et Boucher, pour Poulenc.
Julien se laissera entraîner par Boucher à participer à certaines activités de ce dernier, au sein de son cercle du Grand Lunaire, ce qui lui aliéna, explique Canseliet, la « protection puissante » de Fulcanelli, beaucoup plus sûrement, il semble, que ses autres défauts présumés, tel son penchant pour l’absinthe, ou ses farces de rapin (il n’hésitera pas à se faire passer pour Fulcanelli, à qui ce point n’a pas dû échapper non plus, auprès de Schwaller comme de Boucher).
Mais tout cela n’empêchera pas Fulcanelli d’envisager à nouveau de faire appel à Champagne pour illustrer son troisième livre, finalement non paru, Finis Gloriae Mundi (1).
Ni Canseliet de continuer à lui témoigner son amitié, en venant s’installer avec lui rue de Rochechouart, en 1925, et en n’en déménageant qu’après la mort de son « vieux camarade », soit en 1933.
Outre la fréquentation directe puis indirecte de Fulcanelli, et leur commun intérêt pour l’alchimie, la peinture et le dessin rapprochent les deux hommes, qui se voient régulièrement, non seulement pour « orare et laborare », mais aussi pour peindre et dessiner de conserve. En 1921, Canseliet fera ainsi un portrait de Julien, reproduit dans son Alchimie expliquée (4), et accompagnera encore Champagne aux environs de Paris lorsque ce dernier réalisera sa dernière aquarelle, tableau qu’il conservera. Nous sommes en 1930, et l’artérite qui emportera Julien se déclare.
Il décèdera deux ans plus tard, et au dam de Fulcanelli et Canseliet , sera inhumé par sa famille de façon peu discrète, puisque sa sépulture était ornée d’un retentissant Apostolus Hermeticae Scientiae, mérité, sans doute, mais ostentatoire. Depuis, cette plaque, reproduite par Dubois, a mystérieusement disparu ; seule demeure la significative coquille Saint-Jacques qui la surplombait.
Julien Champagne, apôtre de la science hermétique, « Maître » de ce point de vue, sans doute, mais surtout maître dessinateur et maître peintre. Canseliet lui-même déclarera :
« Il était maître, en effet, dans l’art du crayon et du pinceau, voire dans celui du violon. » Et il lui conservera toujours une respectueuse affection.
« De nombreux souvenirs m’attachaient à Julien Champagne, principalement ceux de l’ancien temps de ma jeunesse heureuse, ceux aussi de l’avenue Montaigne, et des fameux Voyages en Kaléïdoscope :
« Quel beau paysage cérébral, dit mon
Maître. Viens, Gilly, rentrons. Je voudrais
Travailler.
Alors il a repris mon bras,
Et nous sommes revenus
Ensemble. »
A notre tour, nous souhaitons rendre justice à cet homme et à son œuvre, tous deux méconnus.
Julien Champagne a-t-il eu seulement droit aux honneurs glacés, et du moins compassés, d’une mention d’un quelconque Bénézit ?
Que sont devenus ses tableaux et ses dessins autres que ceux reproduits dans les Fulcanelli et les Canseliet ? Combien de trésors, autres que cette esquisse retrouvée grâce à la sagacité de Dominique Nicol, libraire à Paris de livres anciens en ésotérisme, à l’enseigne de « L’Oiseau Livre » (2) ; combien de trésors nous attendent patiemment, dans une salle perdue d’un obscur musée de province, ou dans la demeure de collectionneurs particuliers, avertis autant que discrets ? C’est à cette quête que nous souhaitons, pour provisoirement terminer ici, convier nos bienveillants lecteurs – et bien entendu nos adorables lectrices.
Archer – article inédit pour La LdThot – octobre 2006 © & DR pour l’auteur et la LdT.
A lire aussi sur http://archer.over-blog.net ou http://archer.boosterblog.com
En illustration : – Finis Gloriae Mundi – Ce tableau du peintre espagnol Juan de Valdes Leal (1622-1690) est aujourd’hui visible à l’Hôpital de la Charité de Séville.
Et Dessin de J-J Champagne & photo J-J Pauvert – © DR. Ce dessin inédit de Jean Julien Champagne (en haut) a déjà été publié en noir et blanc dans le Numéro Spécial de la revue Arcadia en Juillet 2002, avec une interview de Geneviève Dubois. Ce dessin figure dans l’édition originale du Mystère des Cathédrales de Fulcanelli de 1910, son titre : – Les 7 métaux planétaires ; Portail de la Vierge, Notre-Dame de Paris – Dessin à la mine de plomb (26×37) sur papier de couleur et rehauts de gouache blanche. (Actuellement ce dessin est détenu en collection privée). On le retrouvera sous forme photographique (en bas) dans les éditions suivantes en page 129 par exemple de l’édition de 1964 de Jean-Jacques Pauvert.
(1) Nous laissons bien entendu toute latitude à Archer quant à l’expression de ce commentaire étant donné qu’un livre – fort controversé il est vrai – est paru sous ce titre en 1999. Lire l’excellent travail de recherches d’Archer sur :
http://archer.over-blog.net/article-2052055.html
(2) Dominique Nicol – L’oiseau Livre – Livres anciens en Hermétisme, Tradition, Alchimie – 3, rue Pache – 75011 PARIS
(recherches de livres au 01 43 70 93 77 & 06 08 71 80 68 – http://www.galaxidion.com/oiseau/ )
C’est Dominique Nicol qui confia en son temps aux archives Arcadia une copie de ce dessin de JJ Champagne à fin de publication, édité pour la première fois par Thierry E Garnier, dans le numéro spécial Arcadia – juillet 2002. Ce dessin est aujourd’hui détenu en collection privée.