Dêmêter ! Terre-Mère ! Un fruit ?…
Cherche-t-il à naître sur l’Arbre de la Vie ?
Teilhard de Chardin
En quelques mots, le père Teilhard de Chardin plante le tableau de la naissance du monde telle que les hommes anciens l’auraient conçue. Une mère, terre et glèbe à la fois, productive de vie et de récoltes, planète et univers à part entière. Par on ne sait trop quel miracle, un fruit arrive à la vie, ou un fils, ou un soleil, nul ne sait. Est-il issu de son ventre ? Non, il se rattache à l’arbre de vie. D’un côté une mère au ventre démesurément ample et généreux. De l’autre, un enfant – graine, puis un homme ou un arbre, droits et fermes, liens entre la mère et le cosmos.
Ainsi, la Déesse préexisterait à tout !
Sans son potentiel infini de matière, de forme, de vie, il n’y aurait pas eu d’univers.
Cette assertion paraît des plus incongrues dans un contexte entièrement fondé sur d’interminables lignées patriarcales. L’esprit semble perdre tout pouvoir, à moins de lui prêter quelque féminité attirante.
En l’appelant Dê-Mêter, Déesse Mère, les Grecs en faisaient une mère divine, mais dans la réalité, ils la plaçaient déjà sur un second plan, comme épouse ou concubine de Zeus, et régente de l’agriculture et de la production. Dans leur panthéon où le patriarcat avait mis ce dernier au-dessus de tous, y avait-il encore un peu d’espoir pour la féminité et la maternité ? Gaïa préexistait à tout, exubérante, infatigable, prolixe ; Nuit déterminait le destin du monde (et dictait sa conduite à Zeus lui-même) ; Dêmêter veillait sur les récoltes, assistée d’une fille que l’Hadès avait fini par lui ravir. Cette belle fable, qui mettait en œuvre un nouveau ternaire divin et totalement agraire, Koré, Hécaté et Perséphone, masquait en fait un phénomène historique – l’intrusion des Grecs dans le pays auquel ils allaient donner leur nom. Auparavant et dans un temps immémorial, régnait une déesse anonyme. Elle était honorée comme la mère universelle des immortels aussi bien que des mortels.
Au temps de la gloire des Mycéniens, la même déesse n’avait toujours pas d’appellation. Peut-être était-elle l’épouse des trois dieux qui se partageaient le monde ?
Finalement, elle prit le patronyme de Dê-mêter. Le sens en est simple, l’acception large, proche de l’indifférencié originel.
Ne convenait-il pas à une vierge mère se reproduisant par parthénogenèse, comme à l’aube de la vie ?
(à suivre…)
Myriam Philibert – Alma Mater, l’éternel féminin – (extrait – 1) Arqa éditions. La LdT – octobre 2006
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Myriam Philibert
Myriam Philibert est née en 1949 au Puy-en-Velay (Haute-Loire).
Après des études classiques et d’Histoire de l’Art à Lyon, elle passe en 1975 son doctorat de préhistoire à Paris I – Sorbonne. Archéologue départemental de 1980 à 1985, elle travaille actuellement à ses ouvrages en Provence, sans négliger pour autant l’aspect opératif qui prend forme fréquemment – in situ – par le biais de stages et d’initiations de petits groupes. Alma Mater, publié aux éditions Arqa est le 25e livre de Myriam Philibert. Son travail d’auteur est aujourd’hui florissant et sa production littéraire nombreuse, articles et livres sur l’origine des Mythes, La Préhistoire, Le Celtisme, Le Symbolisme… font autorité dans le domaine de la Tradition (1).
Son style littéraire, narratif et imagé, ajoute une perception singulière à une œuvre de référence.
TEG – Arcadia 2006
(1) A découvrir aussi les Divinités Gauloises d’Henri Hubert, que vient de publier les éditions Arqa le mois dernier, avec une préface de Myriam Philibert.