L’existence de cette fresque, représentant le débarquement des Saintes et de leurs compagnons à Marseille m’a été révélée par un article du docteur Marion Bonino dans l’International Journal of Nautical Archéology de février 1978. Elle se trouve dans l’église inférieure de la basilique de Saint-François à Assise, et a été peinte par un élève de Giotto dans les années 1330-35.

Le grand navire est une représentation toute conventionnelle, puisqu’on la trouve sur certaines urnes funéraires étrusques du musée Guarnacci à Volterra du IIe siècle, sur des mosaïques de Ravenne du VIe siècle après J.C. et sur des fresques du début du XIVe dans la basilique de San Piero a Grado près de l’embouchure de l’Arno.

Dans ce navire se trouvent cinq personnages : à l’avant trois femmes, Marie Madeleine, Marie femme de Cleopas et mère de saint Jacques le mineur, sœur ou belle-sœur de la Sainte-Vierge et Marie Salomé, mère de saint Jean et de saint Jacques le Majeur, suivant certaines légendes ou de sainte Marthe, sœur de Lazare suivant d’autres ; sur l’arrière se trouvent saint Lazare et saint Maximin.

La stèle de Volusianus à Saint-Victor, que Michel Clerc a datée du temps de Néron (64 après J. C.) et qui serait la plus ancienne inscription chrétienne de la Gaule et du monde, prouverait l’existence d’une communauté chrétienne à Marseille au premier siècle. Mais, suivant R. Busquet, après les travaux de Mgr Duchesne et de ses continuateurs, aucun historien ne songe plus à défendre la thèse de l’évangélisation des Gaules par les disciples du Christ, et en particulier les légendes provençales des Saintes, de saint Lazare et de saint Maximin.

En l’absence d’autres représentations d’époque, on ne peut que faire des hypothèses sur ce qu’elle représente : le point de débarquement qui y est figuré doit être l’accès maritime au fort des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem en-dessous de Saint-Laurent et qui commandait la passe (Gargata). On y voit aussi deux îles, l’une If (?), où dort une femme et où se trouvent deux petits personnages l’un à terre et l’autre à bord d’une nave, plus au large une île avec deux pins, l’île Saint-Etienne (Ratonneau). On prétend que jadis certaines îles étaient boisées ; on y chassait le cerf sous François Ier.

Du point de vue de l’archéologie navale, on peut remarquer qu’une des embarcations accostées au pied de l’escalier est gréée d’une voile carrée, ce qui prouve la survivance de cette voile en Méditerranée. Le navire accosté au rocher est sans doute une nave ; on voit son mât d’avant penché sur la proue et une voile latine. La petite nave génoise à gauche de la tour du phare, sous l’étrave du navire des Saintes, est une représentation remarquable des naves latines du début du XIVe et a été signalée par Nebbia (Arte navale italiana, Bergame 1932).

Cette fresque n’est pas la seule représentation de la légende du débarquement des Saintes à Marseille. Philippe Rigaud m’a récemment signalé le retable de Sainte-Marthe à La Brigue publié par Victor Henri Debidour (Trésors cachés du pays niçois, Paris, 1961), mais le navire figuré, une carraque, peut être daté de la fin du XVe début XVIe.

Noël Fourquin © Revue Marseille No 158.

En illustration : Les Saintes Maries débarquant à Marseille, fresque du XIVe siècle. Archivio fotografico ©.