Avignon – Samedi 30 juillet 2005

Charpentiers & Tailleurs de Pierre

En 2005, année du bicentenaire de sa naissance, les compagnons du Tour de France tous unis…, commémorent un des leurs, peu connu du grand public, Agricol Perdiguier (1805-1875) aussi appelé « Avignonnais la Vertu » par ses pairs (1), compagnon d’exception, (même si pour certains : « il n’y a pas de compagnon au-dessus des autres »). Agricol Perdiguier fut le symbole vivant du compagnonnage, non pas ouvrier mais « œuvrier »; l’un des buts de sa vie, et pas le moindre, fut de tenter d’unifier tous les compagnonnages divisés sans cesse par d’obscures querelles doctrinales.

Les festivités entamées dans la cité des Papes, le samedi 30 juillet 2005, par un rassemblement de tous les groupements, avec cannes, couleurs et bannières, au square Agricol Perdiguier – évènement tout à fait historique dans l’histoire du mouvement compagnonnique – marquent en cette journée ensoleillée de Lumière, le vœu le plus cher de celui fêté ce jour là. Il fallait une figure de légende comme celle de Perdiguier, compagnon menuisier qui finira sa vie comme écrivain, éditeur et libraire… pour que puisse avoir lieu un tel rassemblement. Bien sûr, les rixes et les combats de cannes compagnonniques ont depuis longtemps été remisés aux oubliettes de l’histoire, cependant c’est le statu quo aujourd’hui qui domine, et les trois différents mouvements compagnonniques, la Fédération compagnonnique des métiers du Bâtiment, l’Union compagnonnique des compagnons des devoirs unis, l’Association ouvrière des compagnons du devoir, observent entre eux, une toute relative bienveillance confraternelle, chacun – pour soi – désirant conserver son autonomie propre et sa part de prédisposition naturelle à apporter sa vision identitaire (2). C’est dire si une journée comme celle-là, marquant une telle «réconciliation», était à ne pas rater, puisque c’était la première fois depuis les années d’après guerre que les plus hauts dirigeants de ces trois mouvements apparaissaient publiquement côte à côte !

Après la pose d’une plaque commémorative au pied de la statue d’Agricol Perdiguier, sise au milieu du square qui porte son nom, les discours de bienvenue et la visite de l’exposition Agricol Perdiguier à Avignon, la journée se terminait par un repas entre compagnons seuls, au parc des expositions, tous dans l’attente de la journée du lendemain, qui se poursuivra dans la ville natale d’Agricol Perdiguier.

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Morières – Dimanche 31 juillet 2005

L’Amour du métier

Le Dimanche matin c’est à 9h 30, dans le petit village de Morières-les-Avignon, sur la place de l’Eglise que débutèrent les allocutions des différents représentants et autres présidents des institutions compagnonniques, introduits qu’ils furent par le savoyard Sébastien Mariau, seulement âgé de 29 ans, Premier Compagnon, maître de cérémonie.

Celle-ci fut clôturée par le chant des compagnons de la Fraternelle :
« … Que tous les cœurs soient tournés vers l’unité, sur nos couleurs, gravons cette devise, fraternité, fraternité… ».

S’ensuivit un long cortège, bannières en tête, de plus de 200 compagnons, dans les rues du village de Morières, marqué par une halte devant la maison natale d’Agricol Perdiguier, au coin de la place de la Liberté. (Maison qui sert aujourd’hui de refuge aux aspirants qui font leur Tour de France). Arrivée au rond-point de la sortie du village de Morières, la procession inaugura – non pas un chef d’œuvre – mais un monument en fer forgé, représentant le tour de France d’Agricol Perdiguier, réalisé par un compagnon de la région. Moment d’intense émotion vécu par tous avec la présentation de l’œuvre par son créateur, devant la foule rassemblée.

Puis, le cortège déroula son pas dans les rues du petit village provençal, pour se retrouver à nouveau, sur la place de l’Eglise, pour un vin d’honneur.

A midi tous les compagnons furent conviés à un grand banquet amical rassemblant les trois mouvements, au parc des expositions de Châteaublanc.

A une heure où les « métiers de la main » sont encore bien dénigrés et où l’amour du métier fait figure de vieille lune, au-delà des festivités elles-mêmes marquant ce bicentenaire Agricol Perdiguier, toutes empreintes d’un grand respect pour l’homme et de considération pour la tradition orale, véritable école de la vie, c’est surtout l’ouverture au monde profane marquée par une sincérité avérée de mieux faire connaître le plaisir toujours renouvelé de bien réaliser l’œuvre au quotidien dans le plus grand respect de la transmission de métier, que nous retiendrons de cette journée.

A marquer, à n’en pas douter… d’une pierre blanche.

Thierry E Garnier – la LdT – septembre 2005.

(1) On donne au cours d’une cérémonie particulière un nomen à chaque compagnon ayant terminé son Tour de France.

(2) L’Union fondée en 1899, compte aujourd’hui 1500 adhérents, L’Association fut elle fondée 1942 et compte 10 000 adhérents, la Fédération fut fondée en 1955. L’unification des différentes composantes compagnonniques n’est plus actuellement à l’ordre du jour.

Photographies Arcadia © DR.