« Ô Satan! Prends pitié de ma longue misère ! »

Charles Baudelaire

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Il fut un temps de « passage » où le message initiatique à découvrir et donc à révéler, pratiquait par delà les convenances attendues un certain couloir temporel à la fois artistique et mystérieux dont la littérature anglo-saxonne de Mary Shelley à Erle Cox en passant par Bram Stoker et H-P Lovecraft, ce dernier fer de lance d’une école en devenir, était sens et soufre à la fois. Cette école fut entièrement soutenue au XIXe siècle en France par un mouvement symboliste d’exception qui toucha alors tous les pays d’Europe, notamment durant la Belle Époque… Josephin Péladan, par exemple, créateur fantasque et inventeur des salons de la Rose-Croix fut lui aussi un singulier éclaireur de ce courant ésotérico-littéraire qui avait à l’époque pour avenir une profession de foi en l’art total.

Des peintres, dessinateurs et graveurs tels Arnold Böcklin (1827-1901), Ilia Repine (1844-1930), Nestor de la Torre (1887-1938), pour ne citer provisoirement qu’eux, au meilleur de leur art, nous donnèrent à voir, en plusieurs milliers d’images peintes, les coulisses de certaines contrées abyssales aux confins des enfers, ou même pourquoi ne pas le dire, assurément, certaines parties des enfers eux-mêmes… et ajoutés d’ailleurs à ceux-ci, quelques portraits vraisemblablement croqués sur le vif, d’une population stercoraire entrevue entre deux songes, sur les lieux, et idoine. Ces porte-flambeaux incontestablement visionnaires des antres des feux de l’enfer furent, au demeurant, les arcs-boutants flamboyants de cette galaxie archétypale et littéraire évoquée à fort juste raison plus haut.

Disons-le tout net, ce temps est révolu.

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Et de ce temps révolu, selon un principe essentiel qui intéresse et la nature et le vide, les couloirs employés aujourd’hui sont de toutes autres fractures et concernent fréquemment Internet pour une part très importante et pour une seconde part – ce que nous qualifierons aujourd’hui par ironie du destin, de couloir sacré ou de « Bois sacré », je veux bien entendu parler de Holy-Wood, ou autrement dit « ’Hollywood », c’est-à-dire de ce qui vient du « Bois de houx »… Et on le sait de paroles druidiques, c’est bien au fond du bois que se trouve le loup.

Depuis quelques années maintenant, la magie du septième art et des effets spéciaux nous convient à une magnificence toute révélatrice des temps conjoints. La qualité du message initiatique délivré est souvent à la hauteur de cette ambition (1). (Pas toujours certes, mais faute de grives mangeons des merles).

constantine.jpg En l’occurrence nous allons nous attarder pour l’heure sur le dernier film de Keanu Reeves, Constantine. Après le Johnny Mnemonic de Robert Longo, en 1995, et surtout la fantastique trilogie des Matrix, réalisée par les frères Andy Wachowski et Larry Wachowski, Keanu Reeves endosse à nouveau le costume de l’Élu afin de sauver la planète. Que du classique en apparence et pourtant ce film, disons-le tout de suite, est un pur ouvrage initiatique, pour peu qu’un instant on veuille bien soit volontairement, soit par inadvertance, mettre de côté et les effets spéciaux tapageurs et le scénario relativement succinct – en apparence – et pourtant d’une richesse et d’une complexité rarement vues au cinéma – à la condition extrême de vouloir bien chausser les bonnes lunettes aux bons moments.

Autant dire que, de cette navigation entre les mondes, il vaudra mieux s’arrêter sur quelques scènes crépusculaires et surtout sur certains dialogues d’une rare intensité dont la qualité d’intention nous a réellement confondu. Les deux scènes principales, dialogues avec l’ange, entre le héros, John Constantine et Gabriel, notamment. Un film qui transfigure le genre et qui augure vraisemblablement si ces scénaristes là récidivent, Mark Bomback, Kevin Brodbin, Frank A. Cappello, d’autres œuvres « hollywoodiennes » donc, d’une créativité métasymbolique et d’une acuité bien au-delà de ce que nous laissait entrevoir jusqu’alors le cinéma américain dans son ensemble, à quelques rares films d’auteurs exceptés.

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Pour conclure et sans ne rien déflorer, j’aimerais aussi avec vous poser la question de savoir pourquoi, dans ce film qui met au prises dans un combat d’éternité les forces de Lumière et des Ténèbres, l’intercesseur divin du Divin est bien plutôt Gabriel que Mikaël ?

Méprise ou volonté…

Thierry E Garnier – La LdThot © – Mars 2005.

(1) Nous n’oublierons pas ici la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson dont nous avons déjà eu l’occasion de parler dans la Lettre de Thot.

Constantine – le Film – Genre: Fantastique, Thriller, Durée: 2h 01.
Réalisé par : Francis Lawrence
Avec: Keanu Reeves, Rachel Weisz, Shia LaBeouf, Djimon Hounsou, Max Baker, Pruitt Taylor Vince, Gavin McGregor Rossdale, Tilda Swinton, Jesse Ramirez, Michelle Monaghan, Larry Cedar, Suzanne Whang, Johanna Trias, Nicholas Downs, Billy Million, C.W. Pyun, Andrei Sterling.

http://www.youtube.com/watch?v=0-gwQ2fz36U

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