Aperçus biographiques

PS_little-2.jpg En 1982, 1983 pour l’édition française de L’Enigme Sacré, Henry Lincoln et ses deux amis coauteurs Leigh et Baigent, écrivent à propos de Pierre Plantard un portrait ni flatteur ni embarrassé, du personnage qui fut leur principal pourvoyeur d’informations : « Pierre Plantard nous fit d’emblée l’effet d’un homme courtois et plein de dignité, aisé sans ostentation, discret, aimable. Son immense érudition nous étonna, ainsi que son agilité d’esprit. Ses réparties étaient fort spirituelles, cinglantes, parfois caustiques, mais jamais méchantes. Dans ses yeux scintillait une petite lueur indulgente et ironique, n’enlevant rien à l’autorité qu’il semblait exercer naturellement sur son entourage. On devinait pourtant en lui quelque chose d’ascétique, d’austère, dû peut-être à la simplicité de son comportement et à l’absence de tout luxe ostentatoire. Elégant mais classique, tout en lui respirait le bon goût et la modération. » Et sur le trésor de Rennes les trois auteurs anglais notaient bien la position très affirmée de Plantard : « Historique, archéologique ou politique ce trésor n’est qu’accessoire. Le véritable trésor est d’ordre « spirituel » et contribue du moins en partie à faciliter les changements importants qui vont survenir dans l’ordre social. »

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En 1985, Michel Vallet (Pierre Jarnac) notait bien, de son côté, un autre aspect intéressant du tandem Plantard/de Sède ; la dichotomie d’écriture entre les auteurs de L’Or de Rennes, au bénéfice de Plantard, et signalait également la distinction, dans un contexte historico-critique qui commençait à se décanter : « On a, à cet égard, beaucoup dit de mal de Gérard de Sède. C’était frapper un homme à terre. Gérard de Sède n’a fait que trouver les mots pour raconter l’histoire que lui avait apportée Pierre Plantard. Plantard a conçu le plan et rédigé les grandes lignes du livre. » Mais comme le fait remarquer très justement l’historien Hermès Kapf, en corollaire, dans son numéro dix-sept des Mystères de L’Histoire : « – pour qui ? », et à quelle fin a été conçu ce livre… ? La question reste posée, et plus nous avançons dans le mystère des prêtres audois, plus cette interrogation s’avère cruciale.

444-6.jpg En 2006, à nouveau, près de quarante ans après la mise en place de ce que l’on peut considérer être aujourd’hui « l’affaire de Rennes » à laquelle contribua grandement le trio britannique, avec un certain recul, et une bienveillance que l’on pourrait trouver surprenante et pourtant qui l’honore, Jean-Pierre Deloux, dans sa postface à la réédition de Rennes-le-Château – Capitale secrète de l’Histoire de France , écrit lui :

« J’ai dit ailleurs, et je le répète bien volontiers, que Pierre Plantard n’avait rien d’un être fruste et inculte (les textes publiés dans Archives secrètes du Prieuré de Sion l’attestent indubitablement). Bien au contraire, il était capable d’en remontrer, aussi bien que le très sympathique et érudit marquis Philippe de Chérisey, à Gérard de Sède qui, en matière d’Hermétisme, n’était pas le dernier béotien venu. Pierre Plantard menait le jeu, il en fixait d’ailleurs les règles en cours de partie, selon ses propres intérêts et nul ne savait où il voulait en venir. A quoi rimait cette volonté de faire de Rennes-le-Château (dont on ne peut dissocier Rennes-les-Bains), le centre géographico-historique d’un mythe en pleine évolution dont il est le grand médiateur et communiquant tout en étant le grand manipulateur de la plupart des auteurs (dont moi-même), qui se sont attaqués à Rennes durant les années 1960-1990. Ses fins ultimes demeurent inconnues. A cet égard, notre texte contient un certain nombre de points sur lesquels Pierre Plantard insista tels Fangallots, la montagne des Cornes, Notre-Dame de Marceille, sans oublier la présence d’un Temple rond, souterrain consacré à Mithra et situé non loin des ruines du château de Blanchefort, qui aurait servi ultérieurement de sépultures. De la même manière, il attirait notre attention sur Nicolas Pavillon, l’abbé Olier, le rôle de l’église de Saint-Sulpice et de la Compagnie du Saint-Sacrement de l’Autel. »

La même année, Jean-Pierre Deloux dans Archives secrètes du Prieuré de Sion, signale encore sur le même ton :

333-10.jpg « Pierre Plantard aurait pu facilement passer inaperçu, s’il n’avait eu une lueur amusée et pétillante dans son regard malin. S’il était agréable de converser avec cet homme courtois et cultivé que d’aucuns aujourd’hui, s’ingénient à présenter comme un être inculte et fruste, alors qu’il n’était assurément ni l’un ni l’autre, il était assez difficile, sinon impossible, de lui faire répondre à des questions qu’il éludait avec le brio d’un maître en casuistique, quand il souhaitait ne pas le faire. Même Gérard de Sède, malgré sa faconde d’homme du Sud-Ouest et son sens de l’investigation, avait toutes les peines du monde à coincer cette éminence grise qui pratiquait magistralement l’art de la dérobade. S’il ne donnait pas de réponse, Plantard n’en fournissait pas moins des bribes et des éléments susceptibles de vous mettre sur la voie. Celle-ci n’était pas forcément celle que vous souhaitiez emprunter. Tout comme celles du Seigneur, les voies de Pierre Plantard étaient et demeurent bien souvent impénétrables. Néanmoins, pour tenter d’obtenir un résultat ou une réponse, il fallait en passer par ses fourches caudines. »

C’était Gérard de Sède, à l’origine, qui avait mis en contact Jean-Pierre Deloux, à Paris, avec Pierre Plantard, dans les années soixante-dix, et cette collaboration, on l’a vu, avait donné lieu, dans un premier temps, à la fameuse série d’articles publiés dans l’encyclopédie Inexpliqué, chez Atlas, en 1981. Il est difficile pour Jean-Pierre Deloux, qui a donc très bien connu Plantard, dans ces trop courtes citations du plus grand intérêt, de donner plus d’informations sur l’homme, ses motivations profondes – non révélées – et ses centres d’intérêts historico-hermétiques qu’en ces quelques mots choisis. Jean-Pierre Deloux a donc été à très bonne école, in fine autant qu’un de Sède ou qu’un Lincoln pour donner son sentiment intime sur la personnalité de Pierre Plantard.

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Pour Deloux, Plantard est toujours apparu comme le « grand manipulateur » et ce, consciemment, auprès de tous les collaborateurs-auteurs avec qui il eut une transmission effective d’informations ou de documentations, que ce soit lui-même ou Jacques Brétigny, ou encore Gérard de Sède, Henry Lincoln, Michael Baigent, Richard Leigh, Jean-Luc Chaumeil, sans oublier un Paul Rouelle qui, pour la petite histoire, fut le dentiste de Philippe de Chérisey et qui eut, lui aussi, un rôle non négligeable à jouer dans La Race fabuleuse, par exemple ; et quelques autres encore… Mais comme le signale aussi avec beaucoup de malice Jean-Pierre Deloux, à propos d’un Plantard « manipulateur » :

« Le plus amusant était que nous le savions fort bien. Si nous nous prêtions au jeu, c’était dans l’espoir de pouvoir justement tenter de comprendre quel était le jeu auquel nous conviait le magicien. Et c’était là le problème, une manière de Grand Jeu que n’aurait pas désavoué Rudyard Kipling. Tous, et je pense que c’est encore le cas aujourd’hui, nous avions le sentiment qu’il y avait quelque chose à Rennes, qu’il s’y passait comme un vent d’aventures, contrastant avec une époque fort convenue malgré l’explosion soixante-huitarde. Pas étonnant que ce soit notre génération « aux semelles de vent » qui ait redécouverte R. L. Stevenson. »

En 2006, année faste sur les mises au point concernant Pierre Plantard, Paul Rouelle qui eut beaucoup d’affinités et de complicité avec les trois protagonistes de l’affaire et ce, dès 1969, confirma à sa façon les dires de Jean-Pierre Deloux. Le 25 juin 2006, sur le site de Johan Netchacovitch, Paul Rouelle déclarait dans une interview, à propos de sa rencontre avec Plantard : « J’avais pris un rendez-vous à Rennes-les-Bains parce qu’il s’y trouvait aussi. Je le comparerais à Louis XI, intelligent, futé, faisant tout pour se rendre insignifiant, mais plus sûr de lui qu’il n’y paraissait. Il fut un maillon entre le Prieuré de Sion et ce qui est derrière car, ce qui lui importait, c’étaient ses prétentions mérovingiennes ». Le 7 juillet 2006, le même Paul Rouelle donnait un avis à contre-courant sur Pierre Plantard, dans le cadre d’une conférence qui eut lieu à Rennes-le-Château :

55-5.jpg « Pierre Plantard ? Un nazillon, un illuminé fascisant ! C’est un peu lâche, maintenant qu’il n’est plus là pour se défendre. J’ai rencontré Pierre Plantard et, même si je n’ai jamais marché dans ses utopies politico-christo-mérovingiennes, je n’ai jamais su éprouver d’antipathie pour ce bonhomme (…).

Pierre Plantard, comme je l’ai connu, était un être, je ne dirai pas bizarre, mais partiellement insaisissable. Un homme qui savait ne vous montrer qu’une facette de lui-même à la fois, et qui savait choisir cette facette en fonction de l’interlocuteur. Il serait vain de nier ses sympathies politiques pour l’extrême-droite, encore que sa collaboration avec un écrivain d’extrême-gauche puisse laisser rêveur… Avec d’autres arguments que ceux de L’Enigme Sacrée, je pense pouvoir vous montrer que Plantard n’était peut-être pas exactement celui que l’on décrit aujourd’hui… Quant à ses visées dynastiques, je pense qu’il aurait pu aller un peu plus souvent à messe, histoire de rendre hommage à son ancêtre. »

On le voit, en quelques lignes, avec ces différents témoignages contrastés, la perception réductrice d’un Pierre Plantard, « mythomane », « mégalomane » et « manipulateur » se désagrège passablement et surtout ne résout en aucune manière l’équation : d’où provenaient les éléments d’informations à caractère hermétique que détenait Pierre Plantard et qui lui servirent à échafauder une telle histoire échelonnée sur tant de siècles et mettant en présence ce fameux « trésor maudit » de Rennes-le-Château ?

On observe aussi, curieusement, que les contestataires d’aujourd’hui furent également les porteurs d’eau d’hier. A partir de 2003 et la sortie du Da Vinci Code de Dan Brown, Pierre Plantard devint pour les journalistes des rédactions parisiennes et les auteurs qui leur emboitèrent le pas, une cible de choix. Privilégiée par le plus grand nombre, cette cible permettait aisément de faire d’une pierre deux coups, en mettant largement en relief les égarements coupables de l’homme, l’histoire officielle, la « religion d’état » et ses multiples réseaux – qui ne s’embarrassent pas de détails – condamnèrent sans juger et vilipendèrent à moindre coût. Il faut dire aussi que le principal intéressé qui fut jeté en pâture sans avocat, n’était plus là pour apporter la moindre contradiction au débat. L’amalgame rapide entre un Prieuré de Sion inexistant et un Plantard collaborateur permettait aussi d’invalider, en un seul mouvement de main un Da Vinci Code devenu pour beaucoup bien encombrant. Rappelons ici, car on a tendance à l’oublier, que le Da Vinci Code fut mis à l’index par le Vatican le 15 mars 2005, il restera pour la religion catholique comme une tache indélébile sur la pourpre cardinalice – le seul exemple de la sorte en plein XXe siècle – et il faut regarder du côté du monde musulman pour trouver pareil traitement pour un livre, avec Les Versets Sataniques de Salman Rushdie, qui fut condamné à mort à l’occasion d’une fatwa prononcée le 14 février 1989, par l’Ayatollah Khomeiny. Les rapprochements sont parfois saisissants.

(…) Extrait //

Les secrets perdus de Pierre Plantard.

77-3.jpg Si l’on y regarde donc de plus près, la présence de la Tradition hermétique dans ce que l’on peut considérer être « l’œuvre » de Pierre Plantard est constante, elle permet en réalité d’accéder à différents niveaux de compréhension des textes imbriqués en forme de puzzle, ce qui est somme toute l’exacte définition du langage hermétique, qui se conçoit, face au langage profane, comme foncièrement polysémique. Pour exemple, il n’aura échappé à aucun chercheur castelrennais que la réédition de L’Or de Rennes, de 1967, porte ensuite le nom de « Trésor maudit » – mais pourquoi « maudit » ?

Bien sûr « Terribilis est locus iste », et l’on peut penser que l’affaire de Rennes étant tellement conditionnée par la figuration d’Asmodée, le diable boiteux à l’entrée de l’église, que cela peut paraître évident. Curieusement, dans son livre L’Or de Rennes/Le Trésor Maudit, Gérard de Sède pose lui-même la question sur ce substantif de « maudit » contenu dans le titre de son propre ouvrage, sans apporter aucune réponse et signale même : « Est-ce un lieu maudit ? Par qui ? Quand ? Pourquoi ? … Questions vaines et mêmes puériles mais qui, malgré tout vous effleurent. »

En 1968, reparaît en collection de poche aux éditions Flammarion Le trésor maudit de Rennes-le-Château, Pierre Plantard n’est pas directement l’auteur du titre, mais il est indubitablement l’inspirateur du concept « d’or maudit ». Que sous-entendait par-là Plantard… ?

(…) Extrait //

DOUMERGUEGARNIER Les Chroniques de Mars No 8, avril 2012.
Le Prieuré de SION – Le véritable secret de Rennes-le-Château (Extraits).

DOUMERGUE & GARNIER – Le Prieuré de SION #1

DOUMERGUE & GARNIER – Le Prieuré de SION #2

DOUMERGUE & GARNIER – Le Prieuré de SION #3

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