Dans certains traités du Talmud, il est dit que les Juifs n’ont pas de « mazal », ce que l’on peut traduire par l’idée qu’ils ne seraient pas soumis à l’influence des astres[1].
Si l’on admet, comme nous le faisons de nos jours, que l’influence des astres est un artefact que les hommes ont mis en place il y a des millénaires et qui les emprisonne dans un certain carcan, dire que les Juifs n’ont pas de mazal signifierait qu’ils ne sont pas esclaves de cette structure qui relie l’Humanité au Cosmos. Ils échapperaient à cette emprise, ce qui contribuerait à les différencier du reste des peuples (goyim).
Selon nous, le rapport des hommes aux astres s’apparente à un appareillage, à un logiciel qui fait que les humains en naissant vont se repérer par rapport à certaines configurations astrales.
Mais pourquoi les Juifs auraient-ils échappé à cette nouvelle condition humaine ? Nous répondrons qu’il est sage que le monde soit duel et nous avons toujours pensé que les Juifs incarnaient ce besoin d’altérité. (cf. nos textes sur le site ramkat.free.fr)
En effet, chaque système a ses limites. Et quand un système tend à s’épuiser et avant qu’il ne puisse se réenclencher, il y a un temps de latence qui exige la mise en place d’une alternative. Ne vivons –nous pas dans une ambivalence face à la machine : quand un ascenseur ne marche pas, nous prenons l’escalier, c’est-à-dire que nous régressons mais c’est ce qui nous sauve. Il faut toujours un plan B. Quand on ne peut envoyer un texto sur notre clavier, on peut toujours griffonner un mot à la main.
Les Juifs, selon nous, seraient chargés d’actionner ce plan B. Dire qu’ils n’ont pas de mazal, signifierait qu’ils ne sont pas vulnérables à la « panne » astrale. En fait, le plus des Juifs serait un moins. C’est quelque chose qui leur manquerait, comme en français, le masculin « grand » se distingue du féminin « grande », par le fait qu’il perd son « d » du moins à l’oral.
En ce sens, les Juifs seraient étrangers au système mais constitueraient également un recours en cas de faillite ou de défaut en tout cas du système. D’où une forte ambivalence à leur égard/encontre.
La Shoah apparaitrait comme le triomphe, au milieu du XXe siècle, de l’appareil technologique (trains pour Auschwitz, fours crématoire, chambres à gaz etc.) et la volonté de supprimer définitivement toute issue à l’aube d’une offensive foudroyante de la technologie qui aura marqué la période qui a suivi jusqu’à nos jours.
La contribution majeure des Juifs à la Recherche, dans tous les domaines, est l’expression de cette mission des Juifs en ce qu’elle rappelle à la Machine que les hommes n’ont jamais dit leur dernier mot et que rien ne peut être figé et terminé.
Seuls les Juifs sont en mesure d’éviter que l’Humanité ne tombe sous le joug de la Technique. C’est leur responsabilité d’y veiller. Si les Juifs sont associés à l’idée de Livre (Bible), ils ont longtemps été partisans d’une tradition orale. Le Shabbat (le septième jour) est un temps qui affirme la dualité par rapport au reste de la semaine en ce qu’il exige que la machine n’y ait pas droit de cité. L’idée de « repos » implique que la machine s’arrête. Le shabbat est le temps où les hommes doivent se recueillir, c’est-à-dire rechercher en eux –mêmes l’inspiration, pratiquer la réflexion mais sans passer par l’écriture, qui est déjà en soi un acte technique externe qui exige de se servir de matière.
On comprend que l’Astrologie soit rejetée par les Juifs, non point parce qu’elle n’existe pas mais parce qu’elle est un mal, qu’elle serait en quelque sorte l’œuvre de Satan, la tentation à laquelle il ne faut pas céder, non pas comme savoir mais bien comme phénoméne bien réel. Il faut donc se prémunir contre l’empire de l’Astrologie mais pour cela il faut le connaitre parfaitement comme un médecin doit connaitre la maladie pour pouvoir ruser avec elle. En ce sens ; les Juifs sont des médecins dans l’âme et de l’âme.
Au XXe siècle, la création d’un Foyer Juif puis, au lendemain de la Shoah, d’un Etat Juif est l’expression d’une volonté de sauvegarder les Juifs, en constituant un refuge en cas de malheur et pas nécessairement pour les y rassembler.
L’astrologie pose le problème de la Création. Les hommes auraient été emprisonnés par les Elohim dans une geôle, une cage invisible, liée à leur programmation produisant un tropisme les reliant à certains signaux célestes, un peu comme sous hypnose..Au quatrième jour de la Création, il est dit que Dieu (en hébreu ici les Elohim, un pluriel) crée les « luminaires ». « Dieu les plaça dans l’espace céleste pour rayonner sur la terre »/ Dans le monde judéo-chrétien, on emploie le mot « Ciel » pour désigner le lieu où se situe la Justice Divine. Ce lien entre le Ciel et la Terre renvoie à un tel écosystème dont les hommes ne sont pas forcément avertis. Il est possible que l’astrologie soit cette connaissance interdite car elle permet aussi de s’en libérer. En effet, si l’astrologie existe en tant que structure, il y a le savoir astrologique qui donne les moyens de s’en émanciper. C’est pourquoi il est dit que le Sage domine les astres. Malheureusement, cette astrologie antidote s’est perdue depuis bien longtemps et dans le Talmud, on nous explique que c’est par la pratique des commandements que l’on parviendra à neutraliser l’influence des astres. Mais c’est un leurre. Nombreux sont les Juifs qui se sont intéressés à l’astrologie. On pense notamment à un Abraham Ibn Ezra (Abenezra), au Moyen Age, en Espagne. Certes, les Juifs attachent-ils une grande importance au calendrier, et il est dit dans le Livre de la Genèse qu’il y a le jour et la nuit, dualité s’il ‘en est. « Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour la royauté du jour, le plus petit luminaire pour la royauté de la nuit ». Il est clair que la nuit permet d’échapper à la surveillance. Ce savoir concernant la « nuit » du système s’est perdu et il a été remplacé par des expédients. Il revient aux Juifs de restituer et de reconstituer le vrai savoir astrologique pour déterminer à quels moments le système est le plus fragile, quels en sont les angles aveugles. Il faut comprendre qu’il ne sert à rien de se protéger des machines puisqu’elles sont en nous mais l’on peut déterminer les temps « nocturnes » et d’en profiter à condition de disposer d’une humanité régénérée qui trouve en elle –même sa force sans recourir à des apports extérieurs.
Jacques Halbronn
[1] Voir J. Halbronn. Le monde juif et l’astrologie. Formation d’un vieux couplel Milan, Ed Arcé, 1985.