« Grâce à leur chien qui s’était engouffré dans un trou, quatre jeunes périgourdins découvrent la grotte de Lascaux près de Montignac. Stupéfaits de trouver des peintures sur les parois, ils alertent leur instituteur Léon Laval. Quelques jours plus tard, le préhistorien Henri Breuil, au terme d’une étude approfondie, certifie scientifiquement qu’il s’agit de peintures rupestres. Il baptise alors la grotte: « La chapelle Sixtine du Périgord ». Le 27 décembre 1940, le site est classé monument historique. »
Histoire des découvertes archéologiques.
Chantal Jègues-Wolkiewiez chercheuse indépendante émérite, Docteur ès Lettres et Sciences Humaines, Anthropologue, Ethnoastronome, Psychologue, a à la fin des années 1990, mis en évidence une thèse absolument incroyable qui tendrait à démontrer que les scènes rupestres d’animaux enchevêtrés à Lascaux seraient la représentation figurative et très concrète du ciel étoilé tel que pouvait le percevoir il y a environ 20 000 ans les hommes de la Préhistoire… Autre découverte majeure faite par Chantal Jègues-Wolkiewiez : l’entrée de la grotte de Lascaux se trouve être parfaitement orientée, par rapport au grand diverticule axial, de manière à ce que soleil puisse y pénétrer de façon linéaire le jour même du solstice d’été. Au tout début de l’entrée de la grotte, les rayons solaires au solstice éclairent d’abord le premier taureau peint, qui représente la constellation du même nom. Nous serions donc en présence d’un « planétarium » préhistorique absolument unique qui, outre sa qualité de représentation graphique et picturale exceptionnelle, nous indiquerait aussi de façon réaliste une autre « vérité », celle qu’un savoir ancestral astronomique préservé ainsi pour les générations futur… Ce qui bien entendu remettrait en cause la totalité de ce que l’on croyait connaitre sur les connaissances primitives de nos ancêtres.
Mais il faut aussi convaincre… !
Devant tant d’interrogations et de mystères inexpliqués, et afin de se faire une opinion plus circonstanciée nous avons interrogé pour nos lecteurs des « Chroniques de Mars » Chantal Jègues-Wolkiewiez dans une interview sans concession qui tente de remettre en question les théories soutenues par l’ethnoastronome et ce pour pouvoir faire encore plus de lumière sur ce magnifique chemin étoilé de Lascaux…
Les CHRONIQUES de MARS – Septembre 2013.
Les Chroniques de Mars // Chantal Jègues-Wolkiewiez, votre travail « d’ethnoastronome » est aujourd’hui considéré grâce – entre autres – à vos recherches sur la grotte de Lascaux, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs, nous en dire un peu plus sur vous-même et nous parler de votre cursus personnel qui permet de cautionner votre travail de recherches ?
Chantal JEGUES-WOLKIEWIEZ // Si j’ai pu pénétrer à plusieurs reprises dans la grotte de Lascaux, c’est parce qu’auparavant j’avais soutenu une thèse d’ethnoastronomie : « Des gravures de la Vallée des Merveilles au ciel du mont Bego. Approche ethnoastronomique d’un temple luni-solaire du Néolithique ». Avant de m’inscrire en DEA d’Anthropologie en 1992, j’étais psychologue.
Fin 98, c’est le Professeur Pierre Erny, qui avait été un de mes rapporteurs de thèse, qui m’avait recommandé à Jacques Willmont, qui enseignait comme lui à Strasbourg. Il avait déjà fait le film« Lascaux revisité » avec Norbert Aujoulat, et ils voulaient tous deux en réaliser un nouveau. La phrase courante des visiteurs étant : « Oh ! on dirait le ciel ! » les avaient interpellés. C’est la raison pour laquelle il s’était adressé au Professeur Erny qui était Président de l’association « Astronomie et Sciences humaines. » Je faisais partie de cette association qui avait son siège à l’observatoire de Strasbourg. Nous nous réunissions 2 fois par an, pour écouter les communications des uns et des autres qui étaient ensuite publiées.
Lorsque Jacques Wilmont m’a téléphoné pour me demander si je voulais donner mon avis concernant cette relation entre Lascaux et le ciel, je n’ai pas hésité un instant. Une autorisation de visite a été demandée à Jean-Michel Geneste le Conservateur à cette époque et le 9 mars 1999, je pénétrais pour la première fois dans ce sanctuaire. C’est en travaillant sur plan que je m’étais rendu compte de la pénétration possible du soleil dans la salle des Taureaux le soir de l’été. Une fois l’horizon alentour repéré, et la mesure de l’azimut de l’entrée prise de l’intérieur de la grotte je n’ai plus eu aucun doute. Bien sûr, Jean-Michel Geneste était dubitatif, tout comme les différentes personnes qui m’ont entendue lorsque je suis sortie de la grotte. Jamais personne n’avait rien soupçonné ni remarqué.
Je donnais donc rendez-vous à Jean-Michel Geneste pour lui prouver « soleil sur la porte » au moment du couchant de l’été que je disais vrai. Le 19 juin 1999, lui, mon mari et moi-même avons attendu le « roi du ciel. » Depuis combien de millénaires n’était-ce pas arrivé ? J’imaginais aussi, les premiers hommes qui avaient pris conscience de ce fait. Des Solutréens sans doute…
J’avais l’impression que les battements de mon cœur allaient rompre ma poitrine. Il fut au rendez-vous. J’avais les yeux pleins de larmes. L’émotion, le bonheur de me trouver là, dans les pas des ces artistes merveilleux et d’avoir franchi un petit pas vers eux. Nous attendîmes 50 minutes jusqu’à sa disparition sous l’horizon. Sur le tertre, il y avait des repères indiquant le début et la fin du diverticule. Quand j’ai dit au cours de ces instants d’éblouissement que le soleil était dans la direction du fond du diverticule axial, Jean-Michel Geneste est monté en courant jusqu’au repère, complètement ensoleillé bien qu’en sous-bois…
Nous sommes revenus le 21. L’astre du jour nous rendit encore visite et je savais alors que si on avait eu la possibilité de faire disparaître les portes successives, il aurait pénétré jusqu’à l’écarlate bison mourant, qui semblable à luiplongeait son mufle dans la direction des ténèbres. Ensuite, juste avant de disparaître, il aurait fait briller l’œil du « Cheval renversé » au fond du Diverticule avant de disparaître dans le « Méandre ».
Ceci était la première étape. Elle indiquait un moment précis de l’année. Les soirs du solstice d’été, où vraisemblablement avaient lieu des rites au tout début du Magdalénien. Aussi bien Jean-Michel Geneste que Jean Clottes m’ont donné un excellent conseil : prendre les mesures de toutes les grottes et de tous les abris ornés et ensuite chercher si cet éclairement solsticial ou équinoxial se vérifiait statistiquement. Étudier également les grottes non ornées qui ont été occupées à cette époque.
Sur le moment j’ai pensé qu’ils voulaient me décourager. J’ai été prise d’une sorte de vertige en voyant sur l’Atlas des grottes ornées l’ensemble des sites ornés en France, car c’est par là qu’il fallait commencer. Finalement, j’ai relevé le gant et suis partie avec mon mari sur ces sites fréquentés par les Paléolithiques. L’aventure a duré depuis l’an 2000. Je ne la regrette pas, car elle s’est avérée tellement riche de découvertes et de certitudes finalement. Parcourir les chemins pour prendre les mesures de 150 grottes et abris pour les visiter à plusieurs reprises m’a permis de connaître notre pays d’une façon très originale et passionnante.
Je peux dire maintenant que toutes les grottes ornées ont une ouverture permettant à la lumière de pénétrer et de faire disparaître l’obscurité pendant un temps très court lors de ces moments remarquables. Il en est de même des abris dont les œuvres sont éclairées directement lors de ces moments là.
Mais revenons à Lascaux. Pour mon DEA, j’avais présenté comme sujet : « Comment fabriquer une carte du ciel pour n’importe quelle époque et n’importe quel lieu. » J’avais également présenté ce travail à l’observatoire de Strasbourg. Une publication avait été faite dans la revue « Astronomie et Sciences humaines ». Vous pensez bien que j’avais construit une carte pour cette époque. Bien sûr ça n’était pas aussi précis qu’une carte du ciel calculée par un programme comme nous en avons aujourd’hui la possibilité. Mais son avantage était son côté pratique. J’ai placé mon ciel tel qu’il était orienté à cette époque le soir de l’été. Je me suis placée au centre de la Salle des Taureaux, et à l’aide de ma boussole j’ai alors constaté, que sur ma carte, la constellation du Taureau avec ses Pléiades juste au-dessus était juste en face du grand Taureau, avec les sept points au-dessus. L’œil de ce Taureau de Lascaux, était entouré de points tels ceux des Hyades entourant Aldébaran l’œil du Taureau sur ma carte.
Je me suis ensuite tournée tout en orientant ma carte, j’ai vu l’Aurochs moucheté dont l’œil est presque en face de celui que je viens de décrire. Il était au bord d’une multitude de points insérés dans ce grand Aurochs comme l’étoile Antarès au bord de la Voie lactée est presque en face de l’étoile Aldébaran.
Je ne vais pas vous faire la description complète, ce serait un livre entier (que je suis en train d’écrire) Vous pouvez voir également sur mon site le cours d’ethnonastromie. En tout cas, c’est comme ça que l’histoire a commencé. Chaque fois que je me suis trouvée dans cette salle, je ressentais une sorte de vertige devant cette connaissance extraordinaire qu’avaient les Préhistoriques. Connaissance que les Scientifiques n’avaient jamais soupçonnée et qu’ils commencent à percevoir de nos jours.
Les Chroniques de Mars // Qu’est ce que « l’Archéoastronomie » exactement ? Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets ? Pouvez-vous nous parler de quelques objets préhistoriques qui auraient pu servir de « gnomon » ou d’éléments repères sur le plan astronomique – Vous parlez dans votre ouvrage « Sur les chemins étoilés de Lascaux », d’un bâton « chamanique » surmonté d’un oiseau – figuration spectaculaire que l’on connait depuis longtemps et qui se trouve dans la fameuse « scène du puits » à Lascaux…
Chantal JEGUES-WOLKIEWIEZ // Tout d’abord, voici sa définition.
L’ethnoastronomie (appelée archéoastronomie ou paléoastronomie selon le sujet et l’époque de la création de l’œuvre étudiée), analyse les peintures, les gravures, les conceptions architecturales, funéraires, les mythes, les rites, etc., d’une culture, d’un groupe social ou d’une civilisation. Elle recherche si, parmi ces souvenirs-témoins, sont révélées la perception, l’utilisation et la notation des phénomènes célestes lors de moments remarquables pour la construction d’une œuvre, pour la délimitation d’un espace sacré. Ces phénomènes célestes permettent de définir un temps annuel important pour l’époque étudiée ; parfois même, si l’œuvre représente le ciel du moment, si elle est fixe ou bien orientée par rapport au site exploré, le chercheur peut en retrouver la date précise.
Quant aux objets qui ont pu être utilisés, ils sont nombreux. Les archéologues se posent beaucoup de questions pour certains d’entre eux : Bâtons percés, baguettes décorées, rondelles… J’ai fait un travail que j’ai publié dans un journal américain. « Pléistocène Coalition. » Je vous donne le lien permettant de lire ce travail.
La Coalition Pléistocène / 1 > La Coalition Pléistocène / 2
Une anecdote qui m’a fait vraiment plaisir. Hier soir, j’ai vu le film réalisé par Johan Renck « Vikings ». Pour naviguer vers l’ouest le héros utilise une rondelle et un gnomon de la même façon que j’ai utilisé les rondelles et les baguettes découvertes dans les sites préhistoriques.
Les Chroniques de Mars // Pour vous les scènes animalières de Lascaux relèvent de la « science du temps et de l’espace » ; votre thèse sur Lascaux et son « planétarium » est particulièrement révolutionnaire, voire osée… ! Elle s’est confrontée lors de sa publication à un écho retentissant auprès du grand public, grâce notamment à un article publié en 2001 dans la revue de vulgarisation scientifique « Sciences et Avenir » ; mais les spécialistes à l’époque, dans le meilleur des cas, demeurèrent sceptiques, pour le moins. Pouvez-vous dans un premier temps, pour nos lecteurs, résumer votre travail de recherches et nous donner votre avis sur le rejet relatif de votre travail par les préhistoriens ? Même si publié il y a plus de dix ans, votre travail est-il toujours trop « en avance », trop « dérangeant « pourrait-on dire ? Peut-on faire le point aujourd’hui ?
Chantal JEGUES-WOLKIEWIEZ // C’est Pedro Lima qui le premier dans la revue « Science et Vie » a parlé de cette recherche. Les avis des Préhistoriens sont partagés. Cependant, Jean-Michel Geneste a publié un livre en décembre 2012 « Lascaux ». Il a simulé avec l’aide d’un graphiste l’arrivée du soleil dans la grotte (sans toutefois me citer.) En disant aussi que c’est sans doute une des raisons du choix de cette grotte. L’ennui, c’est qu’il s’est trompé de saison. Il a dit le solstice d’hiver au lieu du solstice d’été ! Pourtant, il était présent lorsque le soleil en 1999 est arrivé devant la porte de Lascaux. C’est le problème. Les archéologues ne sont pas du tout branchés sur la lumière et n’ont en général que peu de connaissances en astronomie…
Donc, de toute façon, même si la Communauté scientifique fait tout ce qu’elle peut pour oublier que c’est moi qui l’ai découverte, l’entrée du Soleil est acquise et reconnue. Ce qui est déjà un grand pas, car au début, personne ne me croyait et chacun m’accusait de délire. Pour tous, l’art pariétal des grottes était « l’art de l’ombre et de l’obscurité ». Je vous signale avec plaisir que depuis fin mai, le film « Lascaux le ciel des premiers hommes » qui a été réalisé en DVD, est maintenant vendu à Lascaux II. Les guides commencent à en parler. Il faut dire que je n’hésite pas à faire des conférences et à expliquer et à montrer photos à l’appui, que non seulement les formes générales des animaux sont en harmonie avec celles du ciel, mais que de plus la séquence est la même.
Enfin, les repérages des mesures remarquables faites par les artistes, la répétition en divers lieux de la grotte de ces mesures indiquées par des points réalisés au pinceau, ou bien l’orientation de certaines figures comme les sagaies dans le Puits (mesures solsticiales particulières à Lascaux) ont participé à l’avancée de cette hypothèse parmi ceux qui ont un esprit ouvert…
SUITE DE L’INTERVIEW
MARS EYE 2013
En 2013, Marseille est Capitale Européenne de la Culture, les éditions ARQA qui fêtent cette année leurs dix ans d’activités se devaient dans la continuité du travail déjà accompli de proposer à leurs lecteurs plusieurs ouvrages de qualité, avec des auteurs reconnus et surtout avec la présentation de nombreuses recherches et documents d’archives inédits. Avec les livres de Georges COURTS, Gino SANDRI et la Trilogie de Gil ALONSO-MIER sur les guérisseurs spirituels de la fin du XIXe siècle, Vignes, Schlatter, et Philippe de Lyon, voilà chose faite.
En souhaitant donc à tous nos lecteurs de très bonnes lectures !
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