Gil Alonso-Mier publie ce mois-ci aux éditions Arqa trois nouveaux livres qui forment une trilogie consacrée aux guérisseurs spirituels de la fin du XIXe siècle. Les Chroniques de Mars ont rencontré l’auteur lors de son passage cet été dans la cité phocéenne et ont pu l’interviewer sur ses recherches du moment ainsi que sur ses trois nouvelles publications.
Les Chroniques de Mars © – Septembre 2013.
Les Chroniques de Mars // Gil Alonso-Mier, vous travaillez sur de nombreux aspects historiques de la Mystique Chrétienne occidentale, pouvez-vous nous donner quelques aperçus de vos recherches actuelles ?
Gil Alonso-Mier // C’est un sujet extrêmement vaste. J’aimerai faire connaître des gens comme Thomas A. Kempis, Ruysbroeck, Rulman Merswin, Paracelse, Eckartshausen, Lopoukhine, Anne-Catherine Emmerich… pour leur mystique directe, singulière, cardiaque.
A vrai dire, j’explore en ce moment une période bien précise du XVIIe siècle et tout particulièrement le personnage de Robert Fludd, un mystique vraiment exceptionnel à qui on doit l’un des tous premiers thermomètres, l’onguent de sympathie et bien d’autres choses encore. Je suis d’ailleurs allé sur des lieux en relation avec lui, il n’y a pas si longtemps et l’on m’a ouvert certaines portes.
Les Chroniques de Mars // Parmi vos travaux il y a surtout vos recherches sur les guérisseurs de la fin du XIXe siècle, Monsieur Philippe de Lyon, que vous connaissez très bien et sur lequel vous explorez certaines pistes depuis plus de vingt ans, vous avez exhumé quantités d’informations petites et grandes…, mais vous n’aviez rien publié jusqu’à présent – et aussi un bien curieux personnage Cyprien Vignes, qui soigna lui-aussi des milliers de personnes, en Lozère, dans la France profonde, exactement à la même époque que Philippe de Lyon. Sur ce personnage, alors qu’il n’y a jamais rien eu d’écrit sur lui pour ainsi dire, quasiment pas à son époque et encore moins aujourd’hui, vous avez réussi le tour de force de trouver malgré tout 24 sources différentes que vous avez pu recouper et notamment de nombreuses sources en langue allemande ! De plus, les éditions Arqa sortent ce mois-ci une réédition augmentée avec de nouveaux documents inédits de votre ouvrage sur François Schlatter, la première édition fut publiée en 2006. Vous pouvez nous parler un peu de ces trois personnages vraiment hors du commun ?
Gil Alonso-Mier // Avec ces trois guérisseurs, avec un tel tryptique, difficile de faire mieux ! Je n’avais rien publié jusqu’à présent car je ne m’attache pas à la quantité, et il est parfaitement inutile d’écrire trop, surtout sur ces sujets-là… La recherche prend son temps et ne se nourrit pas d’hypothèses fantaisistes ou de mythomanie réincarnationniste, mais quand le terme arrive eh bien l’heure de la publication se précise mais il est totalement inutile de se presser, au final la qualité de l’information proposée et la documentation inédite qui va avec sont les garants d’un travail dont seuls les lecteurs sont juges et c’est amplement suffisant. Concernant monsieur Philippe de Lyon, le mot n’est pas trop fort. Les actes, les paroles ou anecdotes qui nous sont parvenus sont un défi à la raison humaine, à l’orgueil et à l’égoïsme de notre siècle. Ils ne font que souligner ce besoin urgent d’amour du prochain qui est le sésame de toute mystique digne de ce nom. Je crois que l’on peut étudier monsieur Philippe toute sa vie sans jamais le saisir totalement ou même en passant largement à côté !
Il est toujours à redécouvrir et nous engage à ouvrir notre cœur, à avoir une meilleure philosophie de vie, à nous transformer profondément…
Cyprien Vignes opérait à la même époque dans un cadre un peu plus circonscrit mais il est à découvrir également. Il est incontournable. C’est un autre angle de vue. Il citait beaucoup de passages de la Bible et la Foi était le véritable moteur de sa thérapeutique. Il lui arrivait de disputer parfois les gens qui venaient le voir parce qu’ils n’en possédaient pas suffisamment mais il les guérissait quand même. Lui aussi consola des milliers de personnes chaque année.
Quant à Schlatter, de plus en plus de gens commencent à connaître son incroyable vie : sa marche, son jeûne, ses guérisons, sa disparition… et c’est tant mieux ! Le livre y est pour quelque chose puisque c’est la seule biographie présentée en langue française et d’ailleurs aucun chercheur ne s’est intéressé à ce personnage si incroyable, pour ma part des travaux inédits sont toujours en cours et je vais continuer à publier en ce sens. Quel bonheur de bénéficier d’une édition augmentée pour ce thaumaturge atypique et hors du commun, une nouvelle édition où l’on pourra découvrir à la fois de nouveaux portraits, quelques photos qui nous restituent parfaitement l’ambiance de l’époque, de beaux dessins de presse d’alors ainsi qu’une préface de David Wetzel, directeur du Musée historique du Colorado. Vous rendez-vous compte que le ministère public de François Schlatter n’a duré que 58 jours et qu’il a guérit plus de cent mille personnes durant cette période ! C’est tout bonnement incroyable, ahurissant ! Sept ans après je suis encore autant émerveillé. Assurément, nous n’avons pas affaire à des êtres très ordinaires !
Les Chroniques de Mars // Les trois personnages sont en effet des personnages hors du commun et on n’hésita pas à les présenter comme les « Envoyés du Père » ; Vignes œuvrait à Vialas, en Lozère, alors que Schlatter œuvrait à Denver, Colorado, et monsieur Philippe, à Lyon.
Gil Alonso-Mier // Oui c’est exact, cette mention d’Envoyés du Père, c’est ce qui se répétait dans le cercle des intimes du Docteur Papus. Les trois personnages que vous citez ont été capables de réparer des corps et des âmes à la même époque, en même temps, ce qui n’est pas rien. Observez simplement la date de 1895 ou comparez certaines de leurs paroles et je pense que vous aurez quelques frissons ! Ces cures ont toujours été gratuites mais nos trois guérisseurs qui avaient le Christ comme dénominateur commun, excusez du peu, ont toujours clamé qu’ils n’étaient rien par eux-mêmes. L’Ami de Monsieur Philippe, Le Seigneur de monsieur Vignes et Le Père de Schlatter ont constamment agit et guéri à travers eux. Ils ont servi de prisme !
Les Chroniques de Mars // Cyprien Vignes que nous venons d’évoquer fait partie lui-aussi de ce trio ? Schlatter-Vignes-M. Philippe de Lyon ? C’est exactement ce qu’indiquait Charles Barlet dans l’un de ces articles, dans L’Initiation…
Gil Alonso-Mier // L’article de Charles Barlet est sorti peu de temps après la mort de Cyprien Vignes qui fut perçue dans son village de Vialas comme une catastrophe publique. Lorsqu’un auteur parle de « trois Envoyés du Père », surtout si Papus est derrière et monsieur Philippe pas très loin, il est normal de vouloir en savoir un peu plus, c’est évident… Il faut croire que j’étais le seul à vouloir aller dans ce sens et Arqa a eu raison de croire en ces destins croisés.
C’est aujourd’hui une évidence pour tous les chercheurs honnêtes et consciencieux qui ont bien voulu se pencher sur la question. Si tout le monde a plus ou moins entendu parler de monsieur Philippe de Lyon, tout restait à découvrir en ce qui concerne les deux autres… François Schlatter et Cyprien Vignes. Pour le premier, cela a donné lieu à l’énorme étude de 560 pages que vous connaissez qui me valurent les félicitations d’historiens étrangers et d’universitaires français. Restait Vignes, qui je puis vous l’assurer, ne dépareille absolument pas mais les documents sur le guérisseur cévenol sont très très rares et j’explique pourquoi d’ailleurs dans mon livre… Il n’a pas été facile d’exhumer ces sources et le temps consenti pour les recherches imparties s’en ressent, mais au final ce n’est pas moins de 24 sources différentes qui ont été répertoriées et ce en français et surtout en allemand ! Mais voilà chose faite. Les Suisses alémaniques ont été les premiers à propager les exploits de Vignes dans leur pays notamment dans le Canton de Berne, car les premières personnes guéries connues par Vignes furent des Suisses qui étaient aveugles, poitrinaires, boiteux, etc…
Le pasteur Schlachter, remarquez au passage l’incroyable homophonie, fit même deux fois le voyage pour s’assurer des miracles et ce ne furent pas moins de 5 000 personnes qui furent guéries en un temps record. Tout cela est très édifiant et nous interroge sans cesse ! Je ne résiste pas au plaisir de vous citer au passage deux paroles parmi tant d’autres du guérisseur de Vialas : « Mes amis, il n’y a qu’un seul vrai Docteur, c’est Dieu… », « Dieu ne ment pas et ne se trompe jamais. Dieu se tient à Sa Parole et fait ce qu’Il promet. Je ne suis rien, je ne sais rien, je ne puis rien. »
Les Chroniques de Mars // Sur Philippe de Lyon, le livre que vous sortez contient de nombreux documents inédits, notamment ces lettres du Tsar Nicolas II à la Tsarine qui parlent de Monsieur Philippe de Lyon ?
Gil Alonso-Mier // Sur un personnage aussi écrasant, il faut essayer de ne pas trop répéter… mais au contraire agrandir son champ de vision. L’angle de la Russie me parait capital. Car, autant ne pas vous le cacher, une correspondance existe bel et bien entre monsieur Philippe et plusieurs personnages de la Cour de Russie comportant, lettres, billets codés, etc… vous n’êtes pas au bout de vos surprises mais tout n’est pas publiable dans l’immédiat ! Il est par ailleurs exaspérant et regrettable de voir que l’on arrive encore parfois à confondre les personnages de Papus, Philippe Nizier et Philippe Encausse dans quelques publications contemporaines… De même pour le nombre de voyages effectués par Monsieur Philippe en Russie… Bricaud, lui, sur le sujet, nous offre un portrait très vivant de monsieur Philippe à la Cour de Russie mais il pêche hélas par certains côtés notamment en parlant beaucoup de spiritisme dont monsieur Philippe réprouvait largement la pratique.
Pour en revenir au livre, la publication présente du manuscrit Galland dans son intégralité est parfaitement inédite à ce jour et il ne faut en aucun cas attribuer ce compte-rendu de séance de la Tête d’Or, à Lyon, comme l’a fait un auteur récemment, à la propre fille de monsieur Philippe – d’ailleurs, dans l’ouvrage, une étude publiée en ce sens est sans appel. Il y eut de nombreux scripteurs pendant les séances de guérison. Il est normal de retrouver des ressemblances ou d’être parfois en présence de copies de ces cahiers de compte-rendus. Vous trouverez également dans l’ouvrage quelques belles paroles rapportées par Sédir, Papus, Marc Haven et Victoire… mais, en premier lieu, c’est monsieur Philippe qui s’exprime à travers ces « enseignements oraux ». D’une certaine manière, il est l’auteur véritable du livre, et ce n’est pas plus mal ! Le cahier iconographique, inséré dans le livre, est splendide avec entre autres de beaux autographes de Sédir, Papus, Phaneg et il y a aussi en sus deux superbes portraits de Monsieur Philippe totalement inédits !
Les Chroniques de Mars // Justement le portrait inédit de Monsieur Philippe sur la couverture, d’où vient-il ?
Gil Alonso-Mier // Pardonnez-moi de ne pas trop en dire ! Sachez seulement que c’est une phototypie originale qui fait 21 cm de long sur 15 cm de large et qui m’appartient légitimement.
Les Chroniques de Mars // Il y a aussi cette lettre inédite de Monsieur Philippe avec un cachet inconnu, en écriture cyrillique portant son nom ?
Gil Alonso-Mier // Oui, nous avons obtenu l’autorisation de son détenteur de la publier et je l’en remercie au passage. Elle est vraiment très intéressante !
Les Chroniques de Mars // Grâce à des archives privées que nous avons pu consulter, les éditions Arqa publient pour la première fois, des extraits de carnets de Monsieur Philippe de Lyon retranscrits en « écritures secrètes », c’est tout a fait incroyable de constater que Monsieur Philippe de Lyon a bien laissé et transmis des documents écrits pour ses proches, en dehors bien sûr des correspondances que l’on connait ?
Gil Alonso-Mier // D’abord, il faut savoir qu’il existe actuellement encore pas mal d’archives privées concernant M. Philippe, archives qui sont encore inédites. Pour ces carnets, j’en connaissais l’existence depuis fort longtemps mais je n’imaginais pas un seul instant que l’on puisse en rendre compte dans cet ouvrage, c’est grâce à Arqa que cela a pu se faire.
Nous avons d’ailleurs fait réaliser une analyse graphologique des carnets avec une lettre d’Alfred Hael déjà publiée par le passé pour qu’il n’y ait aucune contestation possible sur notre publication. Pour le reste je renvoie vos lecteurs au cahier iconographique publié ce mois-ci…, mais surtout, ce qui importe et cela n’est pas secret, c’est de méditer le plus souvent possible ces enseignements oraux et d’essayer de les mettre en pratique dans la vie de tous les jours. C’est un vade-mecum parfait et à nul autre pareil car les paroles de monsieur Philippe sont de ces perles de grand prix que l’on ne doit pas fouler aux pieds. Merci de m’avoir permis de m’exprimer ici et longue vie aux Chroniques de Mars en cette année où la cité Phocéenne est Capitale européenne de la Culture !
Entretien inédit © Chroniques de Mars // Gil ALONSO-MIER pour les Chroniques de MARS No 12 – Septembre 2013.
MARS EYE 2013
En 2013, Marseille est Capitale Européenne de la Culture, les éditions ARQA qui fêtent cette année leurs dix ans d’activités se devaient dans la continuité du travail déjà accompli de proposer à leurs lecteurs plusieurs ouvrages de qualité, avec des auteurs reconnus et surtout avec la présentation de nombreuses recherches et documents d’archives inédits. Avec les livres de Georges COURTS, Gino SANDRI et la Trilogie de Gil ALONSO-MIER sur les guérisseurs spirituels de la fin du XIXe siècle, Vignes, Schlatter, et Philippe de Lyon, voilà chose faite.
En souhaitant donc à tous nos lecteurs de très bonnes lectures !
THESAVRVS // Agape – Apatheia – Bibliothèque de Nag Hammadi – Cagliostro – CHRIST – Christianisme – Clément d’Alexandrie – Divinité – Église intérieure – Evagre le Pontique – François Schlatter – Gnose – Gnosis – Hypostase – Kabbale – La Nuée sur le Sanctuaire – Les Envoyés du Ciel – Loisieux – Mandéisme – Manichéisme – Néoplatonisme – Origène – Philippe de Lyon – Praktiké – Salut de l’âme – Symbolique Martiniste //