Qu’il s’agisse de Cyprien Vignes de Vialas, de François Schlatter de Denver ou du Maître Philippe de Lyon, suivant les témoignages qui nous été rapportés, les termes de « guérisseurs » et parfois de « magnétiseurs », dont on les a parfois affublés, ne sont pas tout à fait adéquats. Le mot de « thaumaturge » est plus approprié. Une émergence, une survenance, à un tel niveau d’organisation et de Lumière reste à bien considérer, une manifestation telle que toute tentative d’explicitation de leurs actes et de leurs situations à partir de nos habituelles logiques, est impossible. Ici, incontestablement, ce qui est manifesté est bien plus que la somme des parties et exige, pour le moins, l’ouverture de « l’œil de l’esprit ».
Certes, ils guérissaient, entre autres de leurs incohérences charnelles tous ceux qui sollicitaient leur aide, qu’ils soient proches ou lointains. Cependant, lorsque l’on consulte les correspondances, écrites ou reçues, ainsi que les diverses paroles prononcées par ces êtres exceptionnels, on se rend vite compte qu’ils ne font aucun mystère sur la provenance du mystérieux et universel pouvoir dont ils disposent en toute liberté. Ils l’affirment comme issu du niveau Spirituel le plus élevé qui puisse être donné à un être humain ici bas, soit de Dieu Lui-même. Un instant de réflexion convainc rapidement qu’ils n’étaient pas simplement « traversés » par la Force qui à chaque instant crée et soutient cet univers, qu’ils n’étaient pas des « grands initiés » ou des possesseurs de fabuleux secrets occultes ; ils étaient la manifestation incarnée – vivante – pure et sans cesse en actes de l’Un, ici bas.
Comment, en effet, interpréter autrement ces stupéfiantes paroles attribuées au Maître Philippe de Lyon : « Ce que je dis est la vérité. Mais si je dis quelque chose qui ne paraît pas être vrai pour le moment, dès que je le dis cela devient vrai ». Comme pour Monsieur Philippe, et à une autre des strates du déploiement du Verbe prononçant l’Univers, Vignes écrit à son tour : « – Je suis le médecin infaillible et le guérisseur Universel… ». Il suffit de se référer au Psaume 103 des Ecritures qu’il cite à diverses reprises, pour saisir la provenance et la bienfaisance des actes qui accompagnent sa vie ; tout y est dit. « C’est LUI qui pardonne toutes tes fautes, guérit toutes tes souffrances ; qui délivre ta vie de l’abime, te ceint d’une couronne de Sa Grâce et de Sa Clémence… Il n’a garde que d’agir avec nous selon nos péchés, ni de nous rémunérer selon nos fautes. » En un mot, aucun de ces envoyés ne met en avant afin de guérir, des « fluides », des « circulations énergétiques », des « chakras », des « ondes » ou des « molécules », mais Dieu, l’éthique, la prière, l’humilité et la Foi…
Soit dit en passant, bien qu’il soit nécessaire de le dire, la situation personnelle de ces thaumaturges ne va pas sans se référer analogiquement à cette phrase fondatrice : « Je serai QUI je serai » – éhyéh acher éhyéh – éhyéh – Verbe ÊTRE à l’inaccompli, soit au futur en français. QUI étant pris ici comme sujet, répétitif commencement afin que Ses Envoyés puissent en toute liberté l’Accomplir et le Parfaire. Le Royaume reste donc ouvert. Le « je suis… », des habituelles traductions, véritable catastrophe grammaticale et spirituelle, ferme l’accès à son infini.
Diverses traditions nous affirment qu’il y a toujours trois de ces envoyés du Père sur cette Terre, et un des signes qui permettent de les reconnaitre – outre le fait qu’ils se réfèrent sans cesse au Père – c’est qu’ils soignent gratuitement. Un autre de ces signes – comme ce fut le cas pour François Schlatter, Monsieur Philippe ou pour Vignes – c’est qu’ils incitent les consultants à rectifier leurs actes, paroles et pensées, et à « tuer la marionnette »…
Bien qu’elle ne paraisse pas indispensable pour guérir et que la Foi, comme l’affirme Vignes, suffise, il est évident que la providentielle rencontre avec un de ces envoyés – aussi rarissime cependant que l’est la Foi elle même – semble faciliter la chose. Après avoir effleuré les possibilités inouïes du monde de « l’esprit pur » que manifestent ces êtres, lesquels se conjuguent avec « l’éternel présent dans toutes les dimensions de sa Création », prenons en considération les deux autres strates du schématique triptyque, Esprit, Âme et Corps. Fort heureusement, en dehors de ces cimes, il existe aussi des « hommes de biens ». Simples magnétiseurs, chamanes ou rebouteux des campagnes, ils participent eux aussi à leur modeste niveau à la réparation des corps et parfois des âmes. En effet, ce que nous désignions généralement comme des maladies pourrait se définir comme une rupture du juste intervalle entre les trois schématiques manifestations précédemment évoquées. Pour des raisons aussi multiples que diverses, une de ces manifestations ou de ces « coagulats » de l’Unique Lumière fait sécession, rompt son lien harmonique avec les deux autres et cette rupture prend l’apparence d’une blessure, d’une plaie…
Obnubilés par nos sciences, là où nous ne voyons généralement que des microbes, des anomalies cellulaires, des toxines ou des infections, les envoyés du Père y distinguent des métaphysiques ou spirituels lieux de chute, des erreurs de vie coagulées et des péchés. Considérant chaque être humain dans son universalité, c’est le mal en général qu’ils tentent d’éradiquer dans chaque individu en particulier. En un mot, dans chaque être humain, ils y distinguent la Création toute entière en train de se constituer, de se parfaire, de s’accomplir ou de s’affaisser. Dans de multiples circonstances – c’est particulièrement les cas qui affectent le corps – on peut constater que ces plaies ont pour origine une négligence, une inconsciente ou commerciale prédation de l’environnement naturel existant sur la Terre, végétaux, animaux et minéraux compris… Bien qu’à différents niveaux de conscience, la vie soit partout, et quels que soient les règnes, ils attendent de l’homme une émergence libératrice au sein de sa Conscience.
Le monde psychique – comme intermédiaire entre l’esprit et le corps – est particulièrement affecté par les passions immodérées, les propos inconsidérés, les prises de pouvoirs, etc. à la limite de la sécession, il conduit au dérèglement mental, affectant ainsi par résonances successives les liens où s’harmonisent le corps et l’esprit. On peut symboliquement le considérer comme un des lieux et des habitats de prédilection de l’hallucination au sein de l’homme.
L’esprit quant à lui – « Je » – Un Verbe, le verbe être, l’inextinguible feu de Dieu dans une de ses ultimes perfections, « s’être », l’être prenant conscience de son êtreté – comme cela fut le cas de Moïse au Sinaï – puisque qu’il faut désigner ce miracle que tout l’univers attend avec les mots qui conviennent ; « s’être » comme lieux et instants où se conscientialisent, s’universalisent, puisent toutes leurs forces, leurs états d’êtres et leurs nécessaires « oppositums » les deux autres schématiques parties du triptyque humain : le psychisme et le corps. L’esprit, lui, est souvent affecté et dissous au sein d’une erreur majeure ; il s’affaisse et s’identifie, au lieu d’embraser les deux autres effets de lui-même, soit, pour dire simple, le sujet et le complément. Dès lors, il hallucine et confond ce qui est réel avec ce qui est vrai…
C’est la pire, la plus commune et la principale de toutes les pathologies. Une des plus banales manifestations de cette confusion, de cet insidieux et toxique amalgame, qui se manifeste par l’orgueil.
En général, les magnétiseurs et guérisseurs divers ne prennent pas en compte ces élémentaires enseignements de toutes les Gnoses – à dire vrai ce n’est pas leur rôle – et de ce fait, les guérisons qu’ils opèrent ne sont souvent que des améliorations momentanées. Qu’il s’agisse des choses concernant l’esprit, le psychisme ou le corps, il n’y a de guérisons véritables que par une entreprise d’auto-guérison de l’âme, ou pour le moins, par une participation consciente, une ouverture à cet universel présent qui habite chaque être…
S’il y a une ultime et universelle leçon à déduire du passage de ces êtres sur cette Terre, c’est que Dieu ne siège pas dans un invisible supra-monde d’où il regarderait impassible s’ébattre son œuvre… Dieu ne se divise pas. Il est en entier présent dans la plus infime de ses créations, pour peu cependant qu’un espace intérieur lui soit aménagé afin qu’il s’y manifeste. Comme en écho à un des multiples axiomes que nous ont laissés les Alchimistes, « En rien gît tout » , ses élus ont unanimement et on ne peut plus précisément désigner la source d’où sont issus tous leurs incroyables pouvoirs :
« – Je ne suis rien » affirme Vignes ;
et Monsieur Philippe :
« – Je suis le plus petit d’entres-vous »…
François Trojani – Extrait de la Préface au livre de Gil Alonso-Mier VIGNES –
MARS EYE 2013
En 2013, Marseille est Capitale Européenne de la Culture, les éditions ARQA qui fêtent cette année leurs dix ans d’activités se devaient dans la continuité du travail déjà accompli de proposer à leurs lecteurs plusieurs ouvrages de qualité, avec des auteurs reconnus et surtout avec la présentation de nombreuses recherches et documents d’archives inédits. Avec les livres de Georges COURTS, Gino SANDRI et la Trilogie de Gil ALONSO-MIER sur les guérisseurs spirituels de la fin du XIXe siècle, Vignes, Schlatter, et Philippe de Lyon, voilà chose faite.
En souhaitant donc à tous nos lecteurs de très bonnes lectures !