« A mon sens, il existe deux mystères des Ovnis et non pas un seul. La première énigme concerne les objets eux-mêmes : leur nature et la cause du phénomène. Mais il y a une seconde énigme que j’appelle le « courant sous-jacent » : le comportement de secret des autorités, la censure, et les petits jeux auxquels elles jouent. »
Jacques Vallée – California Hermetica
Signaler que la sortie du tome deux du Journal de Jacques Vallée aux éditions Aldane « Science Interdite – California Hermetica » est un évènement est peu dire puisque nous étions dans l’attente de cette publication depuis seize années ! En effet, l’ouvrage édité à l’époque par notre ami Yves Bosson, auteur ici même pour les « Chroniques de Mars » du « courrier interplanétaire » fait suite à « Science interdite : journal 1957-1969 : un scientifique français aux frontières du paranormal », et ce dernier opus couvre la période 1970-1979. Le premier volume était un régal de témoignages empruntés directement à la source sur ce que l’on a coutume d’appeler le « phénomène ovni », et comprendre grâce à un scientifique de premier plan comment la science d’un côté et l’armée de l’autre perçoivent les… « lumières dans la nuit »… reste un met rare pour le lecteur surtout quand l’Histoire, la grande comme la petite, sont racontées par Jacques Vallée avec juste la teinte d’humour qu’il faut pour nous faire comprendre comment accorder, dans un cadre familial, des activités professionnelles de très haut standing, une passion pour la Science-fiction, un intérêt majeur pour l’ufologie et la recherche d’une quiétude de vie basée sur les traditions de l’ancien monde mais vécue au soleil de la côte ouest des USA.
Dans la même veine, ce second volume s’ouvre sur la période des seventies et nous replonge, au passage, dans notre jeunesse insouciante qui voyait la France gouvernée par un certain Giscard d’Estaing en pleine activité paranormale, lui aussi, puisque nul ne se souvient encore aujourd’hui de son passage en toute invisibilité à la tête du pays, quand de l’autre côté de l’Atlantique la libération sexuelle occupait la jeunesse américaine tout autant que la guerre du Vietnam. Ecrire un journal – un diary – comme l’on dit là bas (et l’on pense surtout à celui de l’hégérie d’Henry Miller, la fabuleuse Anaïs Nin écrit lui aussi des deux côtés de l’Atlantique), n’est pas chose aisée car l’astreinte quasi quotidienne oblige à ne pas perdre ni le fil du temps, ni celui du récit, autant dire que c’est aussi un exercice littéraire en soi, et chez Vallée il est d’autant mieux réussi qu’il nous fait l’amitié d’ajouter du style à la narration, ce qui n’est pas donné au premier auteur venu. Je veux dire par là qu’il est remarquablement bien écrit.
Ce qui je crois est fascinant chez Vallée, en tout cas pour moi, est la manière chez lui de conjuguer dans ses ouvrages : Sciences, Tradition Hermétique et Paranormal, et c’est bien là au carrefour de ces trois matières vivantes que Jacques Vallée, à la fois consciemment, mais aussi, sans doute, inconsciemment nous fait cheminer en permanence en constant équilibre. Et ne doutons pas qu’avec les prochains volumes à venir l’auteur saura, aussi, nous convier à avancer à tâtons sur les sentiers de la Métaphysique appliquée, là où gravitent dans le ciel de l’Empyrée les séraphins décrits par Dante Alighieri conduisant à très grande vitesse des « flying saucers ».
Lorsque débute ce second volume, en 1970, l’US Air Force vient juste de refermer son projet « Blue Book » et à vrai dire on a du mal à en discerner, (Vallée est plus catégorique), le bien fondé de cette décision. Est-ce par désintérêt pour la chose, parce que les éléments déterminants recherchés se trouvent être suffisants, ou encore parce que les temps changent, la communication et l’espionnage aussi, et qu’il est maintenant nécessaire devant les découvertes opérées de refermer rapidement le couvercle sur la marmite ? De changer de couleurs et de passer ainsi sans transition de « blue book » à « black out »… En tout cas les manipulations s’installent et les contre-feux s’attisent.
La décennie décrite par Vallée dans son beau livre orientera le chercheur vers la perception d’un fondement nouveau, une autre manière de discerner le phénomène Ovni, de mieux comprendre ce que l’auteur appelle la « méta réalité ». On retrouvera bien sûr dans l’ouvrage les connexions nazies traditionnelles, tous les amis introduits dans le premier volume : J. Allen Hynek, Aimé Michel et les autres, des figures qu’il nous plait de croiser aux détours d’une page comme Georges H. Williamson, alias Michel d’Obrenovic, Carlos Castaneda, Serge Hutin, Marius Masse de Valensole (dont j’avais eu l’occasion de parler dans la contre-enquête sur le Verdon), le Dr X dont il est question dans le « Théopolis » de Corréard, les « contactés » de tous types aussi et les témoins divers non moins nombreux et parfois en filigrane, c’est constant chez Vallée, un comparatif France-USA, qui tourne rarement, à juste raison, à l’avantage de la France. Une forme de nostalgie sans doute qui s’exprime ainsi par une sorte de désamour passager, mais les attaches avec le vieux continent sont puissantes et sincères. Ce qui fait le charme je pense du journal de Vallée c’est l’inflexion permanente des petites choses du quotidien, de la famille, des amis, dans l’histoire privilégiée qu’il nous raconte dans son journal avec la plus grande sincérité possible. Cette histoire est surtout celle de sa queste personnelle, de son graal ultime, elle concerne avant tout l’analyse pertinente de l’ufologie contemporaine tant sur un plan historique que sociologique telle qu’un scientifique ouvert d’esprit et curieux de tout peut la faire.
Un dernier vœu à exprimer avant d’inciter chaleureusement le lecteur à lire absolument California Hermetica – l’Apocalypse se précisant à grand pas…, c’est que nous n’attendions pas encore seize années avant d’avoir la prochaine livraison de son tome 3 – Et il nous tarde vraiment d’avoir l’avis expert de Vallée sur les « crops circles » des années 1980-1990… Autant dire que le rendez-vous est pris mon cher Jacques pour la suite !
Et aussi, pour conclure, un petit rappel sans conséquence si cela est possible. Je crois sincèrement pour finir ce bref billet que si l’ami Jacques Bergier était encore vivant il confierait volontiers à mi-voix au creux de l’oreille à Jacques Vallée que le collège invisible qu’il recherche depuis tant d’années est surtout constitué de l’auteur de California Hermetica et de ses amis, mais qu’ils ne le savent pas encore.
Thierry E. Garnier – Les Chroniques de Mars, No 12, septembre 2013.
JACQUES VALLEE
Après une maîtrise d’astrophysique, Jacques Vallée part aux USA et obtient en 1967 un doctorat à l’Université Northwestern. Il entre dès lors dans l’univers de la haute technologie. De 1969 à 1977, il dirige le développement de systèmes logiciels de pointe en Californie pour la Fondation nationale des sciences et le Département de la défense, successivement à Stanford, au SRI et à l’Institut pour le futur. Il fonde une entreprise d’informatique qui lance les premières téléconférences en réseau, dix ans avant l’internet. Il est aussi l’auteur de plus de cinquante publications scientifiques et techniques.
Durant son passage à Northwestern, Jacques Vallée eut l’occasion de travailler étroitement avec le Pr Hynek, conseiller scientifique de l’Armée de l’air américaine sur la question des ovnis. Seul scientifique français qui ait eu accès aux dossiers du fameux projet « Livre Bleu », il entreprit des recherches indépendantes sur le problème. Il résume sa position sur le sujet en affirmant que les rapports d’ovnis constituent un phénomène réel inexpliqué, qui obéit à une forme de conscience non humaine. Il refuse pourtant de s’aligner avec les nombreux ufologues qui y voient la preuve d’un contact avec des êtres extraterrestres. A son avis, cette théorie n’est qu’une hypothèse parmi d’autres : le phénomène ovni est avant tout « une occasion de faire de la bonne science ». Avec Science interdite – la publication de son journal de 1957 à 1969 – il verse au dossier des observations historiques importantes, mais dépasse les contradictions des théories en présence, ouvrant la voie à une révision fondamentale de la notion même de réalité.
Auteur prolifique, esprit visionnaire, Jacques Vallée aura marqué de son empreinte l’étude du paranormal de ces quarante dernières années. Devenu rapidement l’un des principaux acteurs du domaine, son nom est lié à toutes les causes importantes. Personnage attachant au parcours atypique, Jacques Vallée fut immortalisé par Steven Spielberg, qui le prit comme modèle pour le rôle du scientifique français interprété par François Truffaut, dans son film Rencontres du 3e type. Avec plusieurs millions d’exemplaires vendus de par le monde, chacun de ses livres sur les ovnis aura contribué au développement d’une réflexion originale sur le sujet, marquant plusieurs générations de lecteurs. Suscitant analyses et controverses, c’est avec le recul du temps que l’on s’aperçoit souvent de la pertinence de son propos.
Yves Bosson – in Jacques Vallée / Science Interdite, OP. ed.1997.
MARS EYE 2013
En 2013, Marseille est Capitale Européenne de la Culture, les éditions ARQA qui fêtent cette année leurs dix ans d’activités se devaient dans la continuité du travail déjà accompli de proposer à leurs lecteurs plusieurs ouvrages de qualité, avec des auteurs reconnus et surtout avec la présentation de nombreuses recherches et documents d’archives inédits. Avec les livres de Georges COURTS, Gino SANDRI et la Trilogie de Gil ALONSO-MIER sur les guérisseurs spirituels de la fin du XIXe siècle, Vignes, Schlatter, et Philippe de Lyon, voilà chose faite.
En souhaitant donc à tous nos lecteurs de très bonnes lectures !