SOUVERAINETÉ ET/OU UNION COSMIQUE

À l’épaule des dolmens

Les vierges sanglotent.

Rémy Durand


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En Irlande, les héros, Cuchulainn tout particulièrement, conduisent les joutes amoureuses comme des assauts martiaux. Amour et guerre restent le privilège de l’éternelle jeunesse. L’initiation amoureuse n’en demeure pas moins une phase importante de la vie de chacun.

À l’origine, la déesse, la femme, unique et souveraine, n’a pas de nom, ou celui-ci demeure imprononçable. Il survit des traces de ce tabou dans les querelles qui président à l’élaboration de l’alphabet des Arbres. Le dieu solaire, unique mais multiforme, est désigné par des qualificatifs, voire des surnoms. Peu à peu, la déesse, elle aussi, cesse d’être lunaire ou stellaire, descend sur terre et se pare des dénominations données aux nymphes des bois ou des rivières. Ainsi, elle devient la mère, la femme, la sœur et la fille de chaque dieu, ce qui confère une indéniable étrangeté à la mythologie celtique. Mais que deviendrait le dieu sans une parèdre ? Après les duels vient le repos du guerrier. L’oubli ne vient-il pas du chaudron que chauffent neuf demoiselles ?
Chaque année, dans le tertre ancestral, ont lieu des noces solennelles. L’alter ego celte de l’Apollon hyperboréen s’enfonce dans la noirceur totale du marécage des origines (ana signifie « marais » en langue gauloise archaïque), puis devient adamantin dans la « chambre de lumière ». Newgrange donne la clef de ce fantasme, dont de multiples légendes se font l’écho. Voilà le fief du Dagda, mais s’il en a la jouissance, c’est son épouse, Boann, la Vache lunaire, qui en détient la souveraineté et la propriété. Se sentant vieillir, le « bon dieu » songe à son héritage et chacun de ses fils en reçoit une part. Seul Oengus a été oublié. Il en fait l’amère remarque à son père. Pris en défaut, ce dernier promet donc à son fils chéri tout ce qu’il souhaite.

C’est le soir de Samain, Oengus, avatar de Cernunnos, dit à son géniteur :

– Laisses-moi jouir pour une nuit et un jour du cairn familial.

Le Dagda ne peut plus se récuser, alors qu’il s’est engagé. Il réalise trop tard les implications de son geste généreux…

Oengus profite de l’aubaine. Il pénètre dans le couloir souterrain jusque dans la salle la plus profonde. Il s’unit à sa propre mère pour recréer le monde. Et en cette nuit où n’existent plus aucune barrière entre les niveaux de conscience et où le temps s’arrête, il entre vivant dans l’éternité, spoliant à jamais le vieux roi de son bien.

Ce thème mythique a valeur sacrée dans tout le monde celtique. Certains en trouvent une application pragmatique justement dans le tertre de Newgrange. Rappelons que le nouveau soleil parvient dans la chambre terminale du mégalithe au moment du solstice d’hiver. Si l’union luni-solaire a lieu à cette date, Oengus, par son extrême brillance, devient un roi des dieux, à l’instar du Christ. Cela peut avoir une valeur significative lors du changement religieux et de l’implantation du christianisme.

Quant au Dagda, il y gagne le statut de « roi des hommes ». Oengus est le héros par excellence du tertre, héritier de Cernunnos. Il y vit le plus souvent et il y conduit ses conquêtes amoureuses. Cependant, il semble condamné à les aimer d’un amour platonique. Dans la légende, de nombreux champions « rutilants » passent de larges moments enfermés dans des cachots obscurs, jusqu’à ce qu’ils puissent faire éclater leur luminosité à la face de la terre.
Pour leur part, la mère, l’amante ou la fille prennent alternativement des traits lunaires (ou stellaires) et terrestres (ou chtoniens). Puis le temps se chargera de substituer des belles plus ou moins écervelées ou bien vindicatives à l’unique déesse primordiale.

La dame lunaire

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Si le soleil irradie le couloir de Newgrange au solstice d’hiver, au solstice d’été, c’est le tour de la lune de pénétrer jusqu’aux tréfonds du cairn pendant neuf jours si l’on en croit Audrey Burl. Dans de telles conditions, comment les deux astres peuvent-ils avoir rendez-vous et consommer leurs noces ? Le cosmos a ses mystères, insondables pour l’être humain. Peut-être peut-on trouver ici quelque justification à l’inexplicable mélancolie dont se parent Oengus et tous les autres dieux du tertre.

Chez les Celtes historiques, Belenos et Belisama pouvaient former le couple fraternel idéal, soudé par la force de leur racine linguistique – belo signifie « puissant ». Sur le chaudron de Gundestrup, le dieu coiffé de l’arc-en-ciel est le premier à sortir du chaudron d’immortalité, inaugurant le jeune yang printanier. Était-il le premier à épouser l’unique mais triple déesse ? Dans l’Autre monde, les saisons se déroulent à rebours.
Unis jusqu’à la mort, tous deux ont peut-être transmis à l’Irlande la fête de Beltaine, en date du 1 er mai. Cependant, d’aucuns prétendent que le nom « Beltaine » désignerait une antique déesse de la mort initiatique, dans une strate linguistique archaïque. S’agit-il d’un avatar de la Lune finissante ? Béli survit avec peine comme nom. Belisama, qui a les mêmes attributs que Minerve, a transmis son caractère de guerrière à Brigit, bien que cette dernière préside également aux accouchements, ainsi qu’à des reines farouches et violentes. Sur le plan de la royauté, Morrigane hérite de la force de Belisama.

Comme l’Apollon hyperboréen et comme toutes les divinités du Sidh, Brigit (Brigantia, « l’Éminente »), ou Brigh a le cygne pour attribut. Elle est la mère des trois dieux principaux des Tuatha dé Danann, mais également des trois druides Brian, Iuchar, Iucharba. D’aspect essentiellement lunaire malgré sa force de caractère, elle est un doublet de Dana et joue le rôle de « Citadelle » des vivants. Elle a une étonnante habileté tant intellectuelle que technique. On la fêtait au milieu de l’hiver – le 1 er février. Puis la consonance de son théonyme a permis l’assimilation avec sainte Brigitte. A t-elle été un jour une déesse de l’Aurore ? Mais la déesse est multiforme et Brigit se présente aussi sous d’autres traits. Elle reçoit également des appellations multiples. N’est-elle pas pourtant unique ?

Ana ou Dana est la plus ancienne à l’échelle du temps. Sans doute préexiste-t-elle à tout ? Cependant certains chercheurs contestent son nom. Ana n’aurait aucune validité, ou l’on ne saurait associer les deux dénominations, qui n’ont aucun point commun. Dana se rattacherait, seule, à l’épopée des Tuatha dé Danann. Cette déesse est donnée pour l’épouse de Beli, la sœur ou la mère du Dagda et la mère de tous les habitants de l’Irlande. Deux collines jumelles, à l’est de Killarney représenteraient ses seins. Son nom a sans doute quelque rapport avec l’année, ou le marécage des origines de la vie. Avec le christianisme, on l’assimile à sainte Anne, mère de la Vierge, et elle y gagne une renommée inaliénable. Peut-on la considérer comme la vieille initiatrice, le troisième aspect de la lune ? Elle sait s’entourer de tant de mystères.
Si Brigit s’octroie la fonction de Lune nouvelle, Dana celle de vieille Lune, il reste à Boann (ou Boand), maîtresse de la Boyne à qui elle donne son nom, et propriétaire incontestée du domaine de Newgrange, le rôle de pleine Lune. Est-elle nymphe des eaux ? Peut-être au temps des Celtes historiques. Amante du Dagda, mais également de son propre fils Oengus, elle porte un dénominatif – antérieur à l’arrivée des Celtes ? -, qui veut dire « Vache blanche » et a rapport avec l’abondance d’une Terre mère éternellement féconde, mais également d’une Lune dispensatrice de bienfaits. Est-elle déesse souveraine rayonnant à partir du tertre de Newgrange, de la nécropole de la vallée de la Boyne et de la capitale centrale Tara ?

Le dieu suprême des Irlandais arrête le temps pour avoir le loisir de s’unir à cette simple mortelle, l’épouse de son frère Elcmar. L’étreinte dure une nuit et un jour… Pour ne pas dire l’éternité! Elle met au monde, sur une pierre, un fils divin prénommé Oengus (ou Mac Oc). Humiliée de cette souillure, la jeune femme se lave dans le ruisseau (ou l’eau d’un puits) qui dissout peu à peu son corps, la cuisse, puis la main et l’œil. Affolée, elle court vers la mer, tentant d’endiguer cette destruction, mais la rivière qui porte désormais son nom (la Boyne) la poursuit et la noie lentement. Est-ce elle (ou l’une de ses consœurs ?) qu’Oengus épouse dans la chambre de lumière de Newgrange ? Ici, il n’est plus question de Samain mais de solstice et de pénétration alternée des deux luminaires, dans les tréfonds du cairn le plus renommé d’Irlande.
Reste Bodb la Corneille ou Morrigane, qui se cantonne dans le domaine de la guerre, de la Mort et de l’Au-delà. Selon les textes, et veillant sur les champs de bataille, se manifeste une déesse nommée Cathu Bodua, « la Corneille des combats ». Elle prête d’ailleurs ce nom valeureux à un grand druide, dont la clairvoyance se révèle remarquable.

L’oiseau reste ultérieurement l’attribut de Morrigane, dont le nom signifie, à l’origine, « Grande Reine ». Avec la bataille de Mag Tured ou dans l’épopée de la Razzia des bœufs de Cooleys, elle devient définitivement une déesse de mauvais augure, inflexible envers ses ennemis, conduisant les héros à la mort ou prédisant la fin des temps. Plus encore qu’à la vieille initiatrice qu’est la lune décroissante, elle fait penser à la Lune sur son déclin qui meurt pendant trois nuits et rappelle à l’être humain qu’il est, lui aussi, mortel.

Amante du Dagda, Morrigane sait revêtir plusieurs apparences. Ainsi, elle se montre au héros solaire Cuchulainn sous quatre de ses aspects (saisonniers ?) : une femme rousse, une vache et une louve de même couleur, un serpent ou une anguille noirs, pour l’avertir de la fragilité de son destin et du fait qu’il n’est pas invulnérable, malgré son essence divine. Ne gouverne-t-elle pas les éléments, l’Air (automne) comme femme, la Terre (hiver) comme vache, le Feu (été) comme louve et l’Eau comme serpent (printemps) ? Elle va bientôt procéder à son ultime initiation – le passage par les portes de la Mort. Ce sont des lavandières lavant la propre dépouille de Cuchulainn qui lui indiquent, par leur geste, que l’heure de son mariage avec la déesse est désormais inscrit dans la loi des cycles.

Elle prophétise, dans La bataille de Mag Tured, la fin du temps béni de la mythologie, celle des Tuatha dé Danann, celle d’un monde à jamais révolu. Ici, la roue a tourné et le préfixe mor n’a plus trait à la grandeur de la souveraine mais à la mort…

Faut-il inscrire Etain (ou Eithne) parmi les noms potentiels de la déesse primordiale ? Probablement. Elle demeure intemporelle. Sous la forme Eithne, elle est à la fois la mère et l’épouse de Lug, un autre prétendant à la royauté lumineuse d’un monde Blanc. Mais le temps s’est chargé de la rendre humaine et de faire oublier les trois quartiers de ses saisons. Ses multiples réincarnations en font un être fragile, tout à la merci de son souverain ou des héros qui prétendraient devenir ses amants, comme Oengus. Très emblématique et populaire, son patronyme est porté par de nombreuses reines ou de simples mortelles (voir plus loin). Elle finit par personnifier l’Irlande.

La déesse Terre

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Si la Lune cautionne d’étranges initiations ou noces dans la froideur ténébreuse des tertres funéraires, la Terre est mère sans même s’offrir le luxe de prendre un conjoint. La parthénogenèse et le mythe de la vierge mère hantent l’imaginaire de tant de peuples. En Irlande, aucune femme n’est farouche au temps des Tuatha dé Danann.

La reine Cessair a été, en son temps, une émanation de la Terre Mère. Mais avec les nouvelles civilisations, la jeune Lune vole la vedette à sa mère Terre. Celle-ci survit cependant dans la notion de patrie. L’île lui donne une acception de cercle clos.

Il en va de même pour Carman, antique déesse fêtée dans le Leinster, à l’époque des Fir Bolg. Elle et ses trois fils détruisaient les récoltes des Tuatha dé Danann. Puis un jour, ils furent vaincus et les trois enfants durent s’expatrier, en laissant leur mère comme otage. Elle demeure l’emblème de ce groupe humain.

À côté, Erin (ou Eriu) se dévoile en déesse souveraine de l’Irlande, à laquelle elle prête son nom. Son nom signifie « Fertile ». Avec elle, il est question de terre et son destin est lié, non pas avec la voûte étoilée, mais avec les prairies et les riches moissons. Totalement entourés par la mer, les Irlandais ont toujours eu une attirance inconditionnelle envers le morceau de lande où ils étaient nés et avaient vécu. L’océan, masculin, représente le danger, l’aventure et la mort abyssale alors que la terre, malgré ses tourbières et ses marécages, fait figure de sol solide et ferme, d’abri face aux intempéries. Dans le mythe, elle est l’épouse du roi Fomoiré Elatha et la mère du roi Bres. Avec Banba (ou Banbha) et Folta, elle personnifie l’Irlande, au temps des Tuatha dé Danann.
Tailtiu est-elle femme ou déesse ? Les récits en font la fille de Mag Mor, le roi d’Espagne, la femme d’Eochu, l’un des derniers représentants et chef de la race des Fir Bolg, et la mère adoptive du fameux Lug – exemple de Terre mère de la lumière. Est-elle simplement tellurique, comme son nom le laisse supposer, ou devient-elle une allégorie de l’Irlande ? Dans le centre de l’île, elle était célébrée, en même temps que le dieu, pour Lugnasad.
En fait, chaque reine, comme souveraine, devient l’incarnation de la Terre mère, susceptible de conférer l’initiation royale. Mais cet aspect de la déesse a fini par ne plus enthousiasmer les héros, à de rares exceptions près, comme Oengus. Et ceux qui n’épousaient pas la reine Lune dans le tertre funéraire s’éprenaient de femmes bien réelles plutôt que des messagères du Sidh. Avec le temps, il est question d’initiation amoureuse, car les reines perdent peu à peu la souveraineté, bien que certaines se battent encore farouchement pour conserver les privilèges de leur rang.

L’initiation amoureuse

L’union luni-solaire prend un caractère d’éternité avec Oengus, fils de l’Unique (déesse ?) ou fils du Dagda. La question se pose puisque la filiation reste souvent matrilinéaire. Pour gagner un royaume tout céleste, auréolé de la brillance du monde Blanc, le jeune roi solaire se fait offrir par son père de passer une nuit dans le tertre de Newgrange, sa propriété de Brug na Boinne. Oengus y épouse sa mère lunaire, terrestre ou aquatique (?) et devient, à jamais « roi des dieux ».

Il connaissait fort bien le tumulus familial. N’y avait-il pas conduit Etain, l’épouse de son oncle Midir prisonnière de la forme d’une mouche ? À longueur de jours et de nuits, il contemplait tout en rêvant cette femme si belle qu’il ne pourrait jamais posséder. L’une languissait de revoir le jour, une apparence humaine et peut-être son cher époux. L’autre lui taisait un impossible amour. Malgré l’enchantement de la « chambre de lumière », la jeune femme s’ennuyait dans cette prison, où elle échappait à la vindicte et à la jalousie de la première épouse de Midir. Si l’on sait que les sorts, dans le domaines des forces magiques, durent des centaines d’années, combien de temps Oengus s’est-il pâmé pour une liaison sans avenir ? Avait-il eu auparavant d’autres aventures, lui le maître du Temps ? Depuis Cernunnos, les jeunes dieux n’ont ni vie amoureuse ni descendance.

Comme dieu du Soleil, il n’a que si peu souvent rendez-vous avec la déesse Lune. Dans les nuits de l’équinoxe de printemps, ces noces solennelles et fictives ont fugitivement lieu à l’aube et pour quelques instants. Était-ce son destin de connaître cette brève étreinte ? Le nom d’Etain se révèle comme rebelle à toute analyse. Aurait-il des antécédents pré-indo-européen ? Nul ne peut dire si elle offre quelque trait lunaire.

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Newgrange est un lieu particulier. Si le soleil (Oengus) y pénètre dans la froideur glaciale du moment du solstice d’hiver, son épouse lunaire, Boann (et/ou sa mère) connaît une dynamique inversée. C’est au temps du solstice d’été que l’épouse est disponible pour les fêtes nuptiales.

À satiété, les mêmes thèmes iconographiques rendent hommage à la déesse. Oengus butte contre ce que les archéologues ont nommé « Kerb n°1 », c’est à dire la dalle horizontale ornée de spirales et de losanges qui s’enroulent pour égarer l’imprudent ou témoigner de l’éternité des cycles. Sur la gauche, quatre losanges donnent vie à trois spires qui s’enroulent en triscèles. Au centre, sur trois sommets montagneux, plus ou moins adoucis, quatre autres spires livrent la totalité quasi matérielle des mondes qui n’ont pas de fin. À droite, un cercle et un losange concentrique finalisent le système binaire. S’interroge-t-il sur ce symbole ?

Dans les nuits où l’été annonce le déclin saisonnier de la vie, le rayon lunaire qui se lève peu après le coucher du soleil passe à travers l’oculus pour inonder la « chambre de lumière ». Le spectacle est-il féerique ou déjà morbide, car le jeune roi a laissé sa place à son propre père – le Chêne vert ?

Oengus se perd-il dans la contemplation des spirales qui illustrent son chemin de vie, ses hésitations et ses doutes, ses amours voués à l’échec ? Sa fougue le pousse à aller de l’avant, à pénétrer jusqu’au cœur du sanctuaire. Illumine-t-il les spirales qui indiquent les temps forts du passage ?

Quarante-deux orthostates se succèdent, signifiant là le délai de l’attente. La précipitation n’est pas de mise. Chacun d’entre eux répète inlassablement le même message ornemental, des cercles ou des motifs solaires, des losanges, des zigzags et des spirales. Le ciel, la terre, la mer, la vie…

Le cairn lui-même offre quatre vingt dix-sept kerbs. Ces stèles sont, toutes, un hommage vibrant à la déesse. Mais Oengus a-t-il fait le tour du monument, sous sa forme humaine ? La circumambulation est rituelle pour celui qui veut intégrer les plans supérieurs. Il doit oublier alors la course du soleil ou de la lune pour rejoindre celle de la Polaire, et dans un mouvement rétrograde, atteindre les cieux.

Pas à pas, au gré des « portes » énergétiques que suggèrent les spirales, le long d’un interminable couloir étroit, le candidat à l’initiation va jusqu’à la chambre de lumière. Son attention a été attirée par un rayon de lune courant le long des parois rugueuses, aux dessins fuyants. Le couloir est bas et étroit, et il faut de l’humilité à celui qui viole l’intimité des divinités. Il semble surtout sans fin, malgré la lueur qui, peu à peu, dessine un cercle de lumière, au-delà du dallage irrégulier. La progression ne peut être que lente, en dépit de l’anxiété et du désir réfréné de parvenir au bout.

Là, rêve et réalité se confondent dans un étonnant mirage ou miracle. Une chambre haute inondée d’une lumière fantasmagorique. La déesse l’avait pris dans ses bras, comme une sœur, une mère ou une amante…

Pour sa part, la salle ouvre sur trois cellules. Y aurait-il place pour trois aspirants ? Voie de droite et voie de gauche suggèrent quelque alchimie avant l’heure. Toutes deux recèlent une vasque de pierre ornementée qui contenait des ossements brûlés. Quant au cabinet terminal, il présuppose l’initiation sacerdotale (et un roi prêtre ?). Dans la chambre a lieu la fusion ignée. Entre zénith, nadir et les quatre directions de l’espace, du septième point naît l’or inaltérable.

Si Oengus a choisi le solstice d’hiver pour l’initiation et les noces avec sa mère, il doit rester dans le monde et avoir un destin terrestre et humain. Qu’en est-il ? Le mythe parle de Samain, du milieu de l’automne et de l’inéluctable passage entre les mondes. N’y a-t-il pas quelque altération du sens de l’épreuve dans la succession des civilisations ?

Le jeune dieu solaire n’a rien d’un combattant. Si le Dagda figure parmi l’élite des guerriers à la bataille de Mag Tured, aucun de ses fils ne participe à l’effort de guerre. Oengus peut-il prétendre parader dans la posture parfaite du dieu Cernunnos ? Certes, son goût immodéré pour le tertre funéraire le rapproche du dieu originel. Sans doute fait-il partie des passeurs, gardiens de l’Autre monde, dont la présence terrestre ne s’explique que par l’implacable loi des cycles et le fait que le fils succède à son père indéfiniment ?
La seule femme qu’il ait jamais aimé n’a pas eu l’opportunité de lui conférer l’initiation amoureuse. Elle était l’épouse de son oncle Midir. S’il a pu aller la rechercher sous sa forme féminine, il n’a jamais osé lever les yeux sur elle. Et lorsqu’elle pouvait être tout à lui, dans les replis secrets de Brug na Boinne, elle avait l’apparence d’une mouche et vouait un amour inconditionnel à son époux. Tous deux se morfondaient dans la chambre de lumière, où une nuit équivaut à l’éternité.

Il y a des destins contraires…

Myriam PHILIBERT pour Les Chroniques de MARS, mars 2014 – (extrait des TUATHA Dé DANANN).

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