Chercher la piste de l’argent.
« Le goût inné du mystérieux, surtout du mystérieux réservé à une élite restreinte, demeurera toujours l’un des plus indestructibles sentiments humains. »
Louis Charbonneau-Lassay
Comme dans tout crime ténébreux ou dans tout mystère insoluble, l’enquêteur chevronné cherche toujours en priorité « la piste de l’argent », celle qui mène au fin mot de l’histoire ! Or, dans « l’Affaire de Rennes-le-Château » les multiples et importantes donations destinées à la réfection de l’église faites par l’abbé Saunière au moment de son installation dans le petit village de l’Aude sont évidemment un fil conducteur lumineux qui promet bien des découvertes… Quelles énigmatiques révélations se cachent en réalité au bout de ce fil cousu d’or ? Tout d’abord le fait que derrière Bérenger Saunière se trouve simplement effacée en filigrane, une figure tutélaire bien plus importante que lui-même et qui est celle de son frère, Alfred Saunière, prêtre tout comme lui, et membre actif d’un bien curieux cénacle ouvertement réactionnaire et monarchiste ayant pour nom : « Le Cercle de Narbonne »…
Pour la première fois sont donnés par Christian Doumergue dans cet ouvrage, extrêmement important pour la recherche dévolue au mystère de Rennes, des documents inédits principalement rapportés des archives départementales de l’Aude, permettant de focaliser l’attention sur une autre part du mystère, celle qui nous ramène à l’origine de l’affaire Saunière et au cœur du labyrinthe ! Grâce à cette analyse historique rigoureuse et à ces archives retrouvées et présentées ici en fac-similés, archives que tout lecteur pourra consulter à loisir dans cet ouvrage, nous pourrons mieux faire connaissance avec le Cercle catholique de Narbonne et ses riches affidés. Une fois de plus, et loin de considérations partisanes, le fabuleux explorateur de l’invisible qu’est Christian Doumergue démontre encore, grâce à ses recherches archivistiques, la profondeur de son travail basé exclusivement sur l’apport de documents anciens, exhumés des sources vivifiantes du passé.
La légende paysanne élaborée autour de l’abbé Saunière, et voulant que celui-ci ait trouvé un extraordinaire trésor, amplifiée par Noël Corbu (1912-1968) dans les années 1950 puis transmutée en mythe par Pierre Plantard (1920-2000) à partir de 1965, ignore superbement un acteur majeur de l’histoire du lieu : Alfred Saunière (17 février 1855 – 9 septembre 1905), le propre frère de l’abbé. Longtemps resté dans l’ombre de son frère, Alfred n’a commencé à sortir de l’oubli qu’en 1994, lorsqu’Alain Féral démontra que les photos les plus connues de Bérenger Saunière – celles systématiquement reprises dans tous les livres et articles sur l’énigme du « curé aux milliards » — ne représentaient pas Bérenger, mais bel et bien… Alfred. Il y a dans ce fait, probablement « involontaire », tout un symbole à méditer – celui des apparences trompeuses, d’une image qui reflète tout autre chose que le sens qu’on lui prête de façon immédiate. Et par là, cette erreur anecdotique, peut être prise comme une représentation du travail qu’il convient de faire dès lors que l’on entame d’explorer le Palais aux mirages… Mais laissons ces considérations, et revenons à notre propos. Comme je l’ai signalé dans mon introduction, l’objet de ce volume n’est pas de retrouver la Belle endormie…
La publication progressive des quelques archives restantes de l’abbé Saunière, a permis de deviner et d’établir le rôle majeur joué par Alfred dans le financement de l’œuvre de l’abbé Saunière à Rennes-le-Château : commencée avec les donations de la comtesse de Chambord et de Marie Cavailhé, elle s’est, très vite, poursuivie par l’entremise des fonds apportés par son frère Alfred.
Lorsqu’il fut inquiété par sa hiérarchie, et que celle-ci le somma de justifier l’origine des fonds rendus visibles par les différentes constructions réalisées à Rennes, Bérenger s’efforça de minimiser au maximum le rôle d’Alfred. Dans un premier justificatif envoyé à sa hiérarchie, Bérenger note avoir obtenu la somme de 600 Francs « De diverses familles par [s]on frère. » En mars 1911, contraint par les questions de sa hiérarchie, il est obligé d’avouer une somme plus conséquente. Une lettre qui lui est adressée en date du 19 mars indique en effet que Bérenger a désormais reconnu avoir reçu par l’intermédiaire de son frère la somme de 55.000 Francs-or ! Cette somme a été remise pour une part directement par Alfred (25.000 Fr.), pour une part par des donateurs rentrés en contact avec Bérenger par l’intermédiaire de son frère.
La somme est importante. Pour comparaison, 25.000 Francs-or couvrent l’intégralité des dépenses nécessaires à la rénovation de l’église… 55.000 francs-or, c’est plus qu’il n’en faut pour la construction de la Tour Magdala – dont le coût est estimé à un peu moins de 50.000 Francs-or.
D’où Alfred tenait-il cet argent ?
Et quel lien entretenait-il avec les familles qui, par son intermédiaire, ont apporté des fonds à l’abbé Saunière ? Pour répondre à ces questions, la commission chargée de clarifier la comptabilité de l’abbé demanda au prêtre de se justifier sur ce point. Le 25 mars 1911, Bérenger répond à cette question en notant : « Mon frère étant prédicateur avait de nombreuses relations : il servit d’intermédiaire à ces générosités. »
Le prêtre ne dit pas plus. Dans une missive du 8 avril 1911, il précise simplement la période sur laquelle s’échelonnèrent ces dons : « Les dons transmis par mon frère se répartissent dans les années 1895 à 1903. »
Pourquoi Bérenger s’efforça-t-il de minimiser à ce point les fonds amenés par son frère ? Incontestablement, cela est lié à un leitmotiv des correspondances du prêtre à l’époque de son procès. Dans plusieurs lettres en effet, il mentionne l’idée que (…).
(EXTRAIT du livre de Christian Doumergue – Le CERCLE de NARBONNE).
Christian Doumergue – © Les Chroniques de Mars, numéro 16 – mars 2015.
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